Les vers de mirliton
Le 05/08/2021 à 15h04
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Question d'origine :
Bonjour, Je me demande de quand date l'emballage papier (sur lequel figurent des vers qu'on dit de pauvre qualité) autour des mirlitons. Je ne trouve aucune information précise à ce sujet. Je vous remercie par avance !
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 06/08/2021 à 09h06
Bonjour,
Tout d'abord, précisons qu'un mirliton, aussi appeléflûte eunuque , ou flûte à l'oignon , est fait d'un tube de roseau fermé aux deux bouts par une pellicule de baudruche, ou une peau d'oignon. L’habitude des fabricants d’enjoliver le tube de roseau en le recouvrant de bandelettes imprimées portant des sentences a provoqué le diction « vers de mirliton ».
source : Brenet, Dictionnaire pratique et historique de la musique,1926, p. 260.
Au regard des documents consultés, nous estimons l'invention de ces vers de mirliton à la première moitié du XVIIe siècle.
On retrouve l'histoire du mirliton dans un journal daté de 1867 :
"Au dix-septième siècle les galeries du Palais-Royal étaient un lieu de réunion pour Paris élégant, Paris flâneur, Paris galant, Paris artiste. Précieuses et raffinés, poêles et coquettes, se rencontraient là comme, plus tard, à la place 'Royale (1760), aux Feuillants (1780), au boulevard de Gand (1815), au passage des Panoramas (1830), au boulevard des Italiens (1867). Tous lieux choisis successivement par les gens du bel air pour théâtre de leur promenade.
Ces galeries, que Pierre Corneille a honorées d'une comédie, les Galeries du Palais ou l'Amie rivale, étaient un véritable bazar.
C'était particulièrement là que les modistes étalaient leurs élégantes productions. Les marchandes du Palais, comme on les désignait, trônaient dans des espèces d'échoppes au milieu des bijoux, des dentelles, des affiquets de toutes sortes; à la clarté de plusieurs centaines de flambeaux.
Une femme à la mode ne pouvait se fournir qu'au Palais, car c'était de ce lieu de délices que partaient toutes les excentricités de la toilette.
Or, en 1723, une faiseuse de génie, la madame Fanny Herbaut de l'époque, inventa une coiffure qui fit sensation .
C'était un mélange, un échafaudage de gaze et de fleurs, combinés pour donner à la physionomie ce quelque chose, ce je ne sais quoi
de piquant, de gracieux que recherchent les femmes pour provoquer l'attention des hommes, soit dit sans méchanceté.
La créatrice de cette œuvre d'art lui donna le nom bizarre de MIRLITON .
Pourquoi ? Là est l'énigme dont on ne trouve le mot nulle part d'une façon certaine.
N'est-ce qu'un nom de fantaisie que rien n'explique ? Est-ce le nom de la faiseuse, Mme ou Mlle Mirliton ? Le mot fut-il emprunté à quelque autre objet ? On l'ignore, mais ce qui est certain, c'est que le mot et la chose tirent fureur, toute femme eut son mirliton, comme elle a aujourd'hui sa crinoline, et l'on fourra des mirlitons partout.
Suivant l'habitude française, la chanson populaire s'empara du mot ; un air fut improvisé on ne sait par qui et tout Paris chanta avec les chansonniers du pont Neuf , l'air du mirliton, mirliton, mirlitaine, Mirliton, don don !
Sur ces entrefaites, M. de la Mothe fit jouer Inès de Castro, tragédie qui eut un succès prodigieux. Immédiatement les parodistes Legrand et Dominique firent Agnès de Chaillot pour la comédie italienne où l'on introduisit l'air à la mode.
A Inès de Castro, Fuzelier fit succéder une parodie générale des œuvres de de la Mothe, sous ce titre : LA PARODIE, tragédie comique
en un acte de prose, de vers et de vaudeville.
Dominique, le fameux Arlequin, y chantait trois cent soixante-dix couplets sur l'air des Mirlitons, couplets dont le publie répétait en
chœur le refrain.
C'était une rage, une épidémie. M. de la Mothe, au lieu d'en rire, se montra furieux. Il fit défendre l'impression de la Parodie en France. On la publia en Hollande. L'irascible poète traita avec les libraires hollandais pour arrêter à la frontière cette malheureuse satire, et y parvint à peu près.
Cependant, et sans retard, les paroliers du temps s'étaient emparés de l'air des Mirlitons, et avaient ajusté sur ce rythme entraînant des méchancetés cruelles contre celui-ci et contre celle-là .
Grands seigneurs et grandes dames, financiers, courtisanes, princes, actrices, tous furent accommodés au mirliton.
Les intéressés se plaignirent et demandèrent à la police la suppression et l'interdiction des joyeux libelles. Le grand prévôt de l'hôtel, Mgr le comte de Monsoreau, eut la naïveté de donner des ordres en conséquence et chargea de leur exécution le sieur Ragot, huissier à Versailles.
Comme de raison, la défense eut un résultat, contraire à, celui qu'on espérait. La chanson des mirlitons fut chantée avec frénésie et on y
ajouta deux couplets en l'honneur du grand prévôt et de son huissier.Mais à pareil chant, il fallait un orchestre tout particulier, burlesque et facile à conduire.
Un virtuose songea à la flûte à l'oignon, instrument construit avec un bout de roseau garni d'une pellicule de parchemin ou une pelure d'oignon. !
Tout naturellement on le nomma mirliton.
Cette flûte obtint une vogue fabuleuse qui s'est perpétuée jusque vers la moitié de ce siècle. Il s'en vendit des milliers et les oreilles des marquis et des danseuses en renom durent se résigner à entendre les mordantes épigrammes qui se répétaient sur le mirliton.
Ce fut particulièrement aux fêtes populaires, à celle de Saint-Cloud surtout, que le commerce des mirlitons prit une extension formidable.
On les couvrit de papier doré, on les enroula de devises, de vers d'une poésie plus que douteuse, et telle que la plus sanglante injure qu'on puisse faire à un poète, c'est de flétrir ses compositions de cette épithète : poésie de mirliton.
Le mirliton ne se fabrique qu'à Paris par des ouvriers en chambre qui, la plupart du temps, vendent directement au public et qu'on appelle ambulants. "
source : Journal pour tous : magazine hebdomadaire illustré - 16-11-1867
A lire aussi ces articles qui retracent l'histoire du mirliton :
- "La chanson du mirliton" publié dans L'Éventail : écho des coulisses : journal des théâtres avec illustrations le 25-07-1852
- "Chronique de Paris" publié dans Paris-capital : journal financier - 17-09-1890
- Le Charivari du 12 avril 1892 indique que le mirliton date du XVIIIe siècle.
- Dictionnaire historique, topographique et militaire de tous les environs de Paris
Bonne journée.
Tout d'abord, précisons qu'un mirliton, aussi appelé
source : Brenet, Dictionnaire pratique et historique de la musique,1926, p. 260.
Au regard des documents consultés, nous estimons l'invention de ces vers de mirliton à la première moitié du XVIIe siècle.
On retrouve l'histoire du mirliton dans un journal daté de 1867 :
"
Ces galeries, que Pierre Corneille a honorées d'une comédie, les Galeries du Palais ou l'Amie rivale, étaient un véritable bazar.
C'était particulièrement là que les modistes étalaient leurs élégantes productions. Les marchandes du Palais, comme on les désignait, trônaient dans des espèces d'échoppes au milieu des bijoux, des dentelles, des affiquets de toutes sortes; à la clarté de plusieurs centaines de flambeaux.
Une femme à la mode ne pouvait se fournir qu'au Palais, car c'était de ce lieu de délices que partaient toutes les excentricités de la toilette.
C'était un mélange, un échafaudage de gaze et de fleurs, combinés pour donner à la physionomie ce quelque chose, ce je ne sais quoi
de piquant, de gracieux que recherchent les femmes pour provoquer l'attention des hommes, soit dit sans méchanceté.
Pourquoi ? Là est l'énigme dont on ne trouve le mot nulle part d'une façon certaine.
N'est-ce qu'un nom de fantaisie que rien n'explique ? Est-ce le nom de la faiseuse, Mme ou Mlle Mirliton ? Le mot fut-il emprunté à quelque autre objet ? On l'ignore, mais ce qui est certain, c'est que le mot et la chose tirent fureur, toute femme eut son mirliton, comme elle a aujourd'hui sa crinoline, et l'on fourra des mirlitons partout.
Sur ces entrefaites, M. de la Mothe fit jouer Inès de Castro, tragédie qui eut un succès prodigieux. Immédiatement les parodistes Legrand et Dominique firent Agnès de Chaillot pour la comédie italienne où l'on introduisit l'air à la mode.
A Inès de Castro, Fuzelier fit succéder une parodie générale des œuvres de de la Mothe, sous ce titre : LA PARODIE, tragédie comique
en un acte de prose, de vers et de vaudeville.
Dominique, le fameux Arlequin, y chantait trois cent soixante-dix couplets sur l'air des Mirlitons, couplets dont le publie répétait en
chœur le refrain.
C'était une rage, une épidémie. M. de la Mothe, au lieu d'en rire, se montra furieux. Il fit défendre l'impression de la Parodie en France. On la publia en Hollande. L'irascible poète traita avec les libraires hollandais pour arrêter à la frontière cette malheureuse satire, et y parvint à peu près.
Cependant, et sans retard,
Grands seigneurs et grandes dames, financiers, courtisanes, princes, actrices, tous furent accommodés au mirliton.
Les intéressés se plaignirent et demandèrent à la police la suppression et l'interdiction des joyeux libelles. Le grand prévôt de l'hôtel, Mgr le comte de Monsoreau, eut la naïveté de donner des ordres en conséquence et chargea de leur exécution le sieur Ragot, huissier à Versailles.
Comme de raison, la défense eut un résultat, contraire à, celui qu'on espérait. La chanson des mirlitons fut chantée avec frénésie et on y
ajouta deux couplets en l'honneur du grand prévôt et de son huissier.
Un virtuose songea à la flûte à l'oignon, instrument construit avec un bout de roseau garni d'une pellicule de parchemin ou une pelure d'oignon. !
Tout naturellement on le nomma mirliton.
Ce fut particulièrement aux fêtes populaires, à celle de Saint-Cloud surtout, que le commerce des mirlitons prit une extension formidable.
On les couvrit de papier doré, on les enroula de devises, de vers d'une poésie plus que douteuse, et telle que la plus sanglante injure qu'on puisse faire à un poète, c'est de flétrir ses compositions de cette épithète : poésie de mirliton.
Le mirliton ne se fabrique qu'à Paris par des ouvriers en chambre qui, la plupart du temps, vendent directement au public et qu'on appelle ambulants. "
source : Journal pour tous : magazine hebdomadaire illustré - 16-11-1867
A lire aussi ces articles qui retracent l'histoire du mirliton :
- "La chanson du mirliton" publié dans L'Éventail : écho des coulisses : journal des théâtres avec illustrations le 25-07-1852
- "Chronique de Paris" publié dans Paris-capital : journal financier - 17-09-1890
- Le Charivari du 12 avril 1892 indique que le mirliton date du XVIIIe siècle.
- Dictionnaire historique, topographique et militaire de tous les environs de Paris
Bonne journée.
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