monnaies

Bonjour,

L'intérêt de créer des monnaies locales complémentaires (MLC) est expliqué dans le FAQ du site de l'association La Gonette. Selon l'association, il s'agit d'une démarche de protection de l'environnement, de définanciarisation de l'économie, mais aussi de vivre-ensemble :


- Une monnaie locale pour privilégier les échanges locaux et ainsi favoriser les circuits-courts et la consommation de saison. Pour la planète, pour l’économie du territoire et pour le bien-être de tous.
- Une monnaie citoyenne pour remettre les citoyens (vous, nous, tout le monde quoi !) au cœur des questions économiques et financières qui n’appartiennent pas qu’aux experts. Les citoyens peuvent aussi décider, de manière démocratique, de l’orientation de la monnaie, considérée comme un bien commun.
- Une monnaie complémentaire à l’Euro pour apporter une diversité saine dans le système monétaire mondial. Si l’on imagine le monde des monnaies comme une forêt, alors la diversité comme la biodiversité est une condition nécessaire pour que l’ensemble soit stable et auto-suffisant. Comme les arbres qui se complètent entre eux, les monnaies peuvent aussi être complémentaires entre elles.

[...]

Une monnaie locale comme La Gonette rassemble un tas d’acteurs différents qui sont amenés à travailler ensemble : les citoyens, les professionnels, commerçants, associations, collectivités… Parce que la monnaie doit être créée par et pour les citoyens, c’est un bien qui sert de moyen et non de fin, qui appartient à tous.

Une vidéo de l'association explique que la démarche des monnaies locales est basée sur le constat que 98% des transactions financières étaient opérées sur les marchés financiers et donc, seulement 2% dans l'économie réelle - source d'appauvrissement pour citoyens et entreprises :



Le caractère local de la monnaie permet à l'association de choisir les commerçants qui pourront l'accepter, tous des acteurs de l'économie sociale et solidaire. Toujours selon lagonette.org, plus de 350 professionnel.les et associations seraient déjà "engagé.es", parmi lesquel.les "Épiceries alimentaires, cafés, restaurants, associations écologistes et sociales, producteurs et productrices, professionnels.lles de la santé et du bien-être, libraires, lieux culturels".

Un article de Rue 89 lyon, datant de 2016, pointait toutefois quelques limites rencontrées par la gonette : compliquée et chère à mettre en place, la monnaie lyonnaise peinait à convaincre les commerçants, certains des partenaires affichés sur le site étant en réalité "en cours de réflexion"... et malgré le succès rencontré par d'autres monnaies alternatives, notamment au Pays Basque, l'article rapportait ces propos de l'économiste Jérôme Blanc :

« Ce que nous montrent les expériences connues, c’est que jamais le seuil d’un millier de prestataires ou de 5000 usagers n’a été dépassé. Ces projets, portés par des personnes défendant des milieux militants proches d’idées vertes et/ou libertaires, séduisent souvent un petit nombre. La Gonette ne va donc pas se répandre dans toute la Métropole. Mais elle peut participer à sensibiliser le public à ces sujets. »

Un billet du blog de l'EM Normandie fait un constat semblable. D'un côté, les MLC ont des vertus :

Les monnaies locales permettent de promouvoir un territoire et contribuent au développement économique et social de celui-ci. Par exemple, beaucoup de restaurateurs d’Annecy peuvent être connus grâce à la monnaie locale « la Gentiane ». Elles encouragent les « éco-comportements » et peuvent être un moyen de financer la transition écologique des territoires. Quand on fait ces courses avec la monnaie locale, on a une charge mentale de consommation moins forte, donc on sait ce que l’on doit consommer sans excès. Enfin, ces monnaies sont avant tout citoyennes puisque l’on redonne du pouvoir aux citoyens et aux entreprises du territoire concerné pour se réapproprier ces monnaies ainsi que leurs fonctions. On peut spéculer avec les monnaies traditionnelles mais pas avec la monnaie locale.

Mais d'autre part, les MLC pâtissent de limites tant culturelles qu'organisationnelles :

La plupart des acteurs économiques ont une plus grande confiance dans les monnaies traditionnelles, ce qui limite l’influence des monnaies locales, qui restent utilisées par des militants ayant les moyens de choisir leur consommation. Il faut donc continuer à la rendre accessible à tous. Une autre limite concerne le manque de moyens financiers et humains, ce qui fragilise ces dispositifs.

Non seulement, les modèles économiques de ces dispositifs ne sont pas toujours clairs, ni même formalisables, ce qui peut susciter une méfiance des pouvoirs publics, mais également, le coût d’émission des billets reste élevé. Ces monnaies fonctionnent avec un énorme investissement de bénévoles qui peuvent ainsi s’essouffler au fil du temps. Malgré le fait qu’elles se développent de plus en plus, l’impact économique des monnaies locales reste faible et limité puisqu’elles ont une taille réduite par rapport à l’activité économique, sociale et nationale. Elles sont largement méconnues, ce qui impacte leur légitimité.

La fin de l'article suggère que des initiatives des autorités locales pourraient énormément contribuer au développement des MLC. Ce qui intéresse d'ailleurs actuellement les élus lyonnais, selon un article du Monde :

La crise sanitaire provoque un regain d’intérêt pour les circuits courts et démocratiques. Signe des temps, les nouveaux élus de la métropole de Lyon, présidée par Bruno Bernard (EELV), vont pouvoir percevoir leurs indemnités en gonettes, s’ils sont volontaires. Du jamais-vu de mémoire d’élu local. Le sujet est programmé à la prochaine commission permanente de la métropole du Grand Lyon, début mars. Certains élus aimeraient même élargir la gonette aux salaires des agents métropolitains. La mairie de Lyon envisage aussi de l’utiliser pour certaines transactions municipales. « Nous étudions la possibilité des règlements de factures de cantine ou d’activités scolaires en monnaie locale », confie-t-on dans l’entourage du maire, Grégory Doucet. Autre signe d’intérêt : les inscriptions aux formations sur les enjeux monétaires proposées par l’association La Gonette – qui porte cette monnaie locale – ont triplé en un an, atteignant une quarantaine par session mensuelle.

Pour aller plus loin :

- Les monnaies citoyennes [Livre] : faites de votre monnaie un bulletin de vote / Frédéric Bosqué ; préface de Patrick Viveret ; postface de Jean-Paul Pla
- Créer une monnaie complémentaire [Livre] : manuel à l'usage des citoyen-ne-s / Bernard Lietaer ; avec Christophe Court, Nicolas Meunier et Hervé Pillard ; préface de Christophe Fourel
- Les monnaies locales complémentaires : pourquoi, comment ? / Philippe Derudder
- Les monnaies locales [Livre] : vers un développement responsable : la transition écologique et solidaire des territoires / Marion Cauvet et Baptiste Perrissin Fabert ; préface de Michel Aglietta
- Les monnaies alternatives [Livre] / Jérôme Blanc
- Les monnaies locales peuvent encourager la transition énergétique, Terraeco

Bonne journée.