L’interdiction de la consommation du porc dans la Bible
CIVILISATION
+ DE 2 ANS
Le 19/07/2017 à 07h29
29697 vues
Question d'origine :
Bonjour,
Lors de mes lectures sur Jeanne d’Arc, j’ai effectué quelques recherches pour approfondir la question. Ainsi, il est de notoriété publique que cette dernière a été brûlée vive, suite à un procès en hérésie, par un tribunal d’Inquisition pour relapse. Bien que politique, ce procès s’appuie sur la Bible et plus particulièrement le Deutéronome, où figure l’interdiction de porter l’habit de l’autre sexe : « Une femme ne portera pas des vêtements d’homme; et un homme ne mettra pas des vêtements de femme ; car quiconque agit ainsi est une abomination à l’Eternel, ton Dieu » Deut., XXII, 5). C’est ce que je voulais vérifier lorsque je me suis procuré une Bible.
En continuant à feuilleter ce livre, je suis tombé sur d’autres interdictions qui m’ont effarés, notamment l’interdiction de consommer du porc. « Vous ne mangerez pas le porc, qui a la corne fendue, mais qui ne rumine pas : vous le regarderez comme impur. Vous ne mangerez pas de leur chair, et vous ne toucherez pas leurs corps morts. » (Deut., XIV, 8),
J’ai donc recherché une réponse dans Google, mais je ne suis pas satisfais des réponses que j’ai trouvées.
Je souhaitais savoir depuis quand les chrétiens ou plus largement les occidentaux consomment le porc et comment nous est venue la levée de cette interdiction. Car finalement, cette même source religieuse a envoyé une femme se faire brûler vive (mort atroce) pour ne pas avoir respecté une autre interdiction divine.
Sur internet, certains prétendent que c’est Jésus Christ en personne qui aurait levé l’interdit, ce qui m’étonne énormément, sachant que le christ est considéré par les musulmans comme un de leurs prophètes.
Je pense, mais peut-être que je me trompe, que certains au Moyen Âge, suite aux famines, ont trouvé plus judicieux de ne pas respecter les conseils du créateur. Confirmez-vous ?
Merci de m’éclairer à ce sujet.
Bien cordialement.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 20/07/2017 à 16h14
Bonjour,
Il est vrai que l’on trouve ce précepte dans le Deutéronome, soit le cinquième livre de l’Ancien Testament :
« Vous ne mangerez pas le porc, qui a la corne fendue, mais qui ne rumine pas : vous le regarderez comme impur. Vous ne mangerez pas de leur chair, et vous ne toucherez pas leurs corps morts. » (Deutéronome., XIV, 8).
En outre, les premiers chrétiens d’origine juive ne mangeaient pas de porc et ils observaient plus largement de nombreuses restrictions quant à la viande en général, contenues également dans le Lévitique, le troisième livre de l’Ancien Testament.
Toutefois, les chrétiens ne sont pas tenus par les préceptes alimentaires de l’Ancien Testament. Dans la « Nouvelle Alliance », plusieurs passages dictent les principes en vigueur. Les évangiles apportent notamment un autre regard sur ce qui est pur et ce qui ne l’est pas : « Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l'homme ; mais ce qui sort de sa bouche, voilà ce qui souille l'homme. » (Matthieu 15:11). Ou encore : « Il n'est rien d'extérieur à l'homme qui, pénétrant en lui, peut le souiller, mais ce qui sort de l'homme, voilà ce qui souille l'homme. » (Marc 7:15).
Dans l’évangile selon Saint Luc 11 : 22 : « Jésus dit ensuite à ses disciples : C’est pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni de votre corps de quoi vous serez vêtus. La vie est plus que la nourriture. ».
Dans son Guide des rites, cultures et croyances à l’usage des soignants, Isabelle Lévy écrit que « saint Paul abolit le respect des interdits alimentaires de l’Ancien Testament, de même pour les juifs nouvellement convertis au christianisme et pourtant toujours très attachés à ces préceptes, leur préférant une meilleure entente au sein de la communauté chrétienne (Romains 14, 1-23) », page 158.
Dans Pour comprendre les pratiques religieuses, Isabelle Lévy ajoute que Saint Paul conseille de « marcher selon l’Esprit », cela pour ne pas succomber aux « désirs de la chair » (page 451). Car « si vous êtes conduits par l’Esprit, vous n’êtes point sous la Loi [de l’Ancien Testament] (5, 16-18). « Tout ce qui se vend au marché, mangez-le sans poser de question par motif de conscience, car la terre est au Seigneur et tout ce qui la remplit » (10, 25-26) ; « tout ce que Dieu a créé est bon et aucun aliment n’est à proscrire, si on le prend avec action de grâces » (1 Timothée 4,4).
Enfin selon Yahia Deffous, les autorités religieuses auraient rendu licite la consommation du porc environ deux siècles plus tard (cf. Les interdits alimentaires dans le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam, page 89). Dès lors l’élevage du porc au sein des civilisations chrétiennes n’a fait que croître.
Certains religieux auraient eu une contribution décisive dans la réhabilitation du porc, notamment Saint Antoine au IIIème siècle (cf.Les interdits alimentaires dans le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam, page 92).
Au-delà des considérations religieuses, le porc était déjà largement consommé par les peuples antiques, Egyptiens, Grecs et Romains, ainsi qu’en Gaule. (cf.Les interdits alimentaires dans le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam, pages 88 et 95).
Bonne lecture.
Il est vrai que l’on trouve ce précepte dans le Deutéronome, soit le cinquième livre de l’Ancien Testament :
« Vous ne mangerez pas le porc, qui a la corne fendue, mais qui ne rumine pas : vous le regarderez comme impur. Vous ne mangerez pas de leur chair, et vous ne toucherez pas leurs corps morts. » (Deutéronome., XIV, 8).
En outre, les premiers chrétiens d’origine juive ne mangeaient pas de porc et ils observaient plus largement de nombreuses restrictions quant à la viande en général, contenues également dans le Lévitique, le troisième livre de l’Ancien Testament.
Toutefois, les chrétiens ne sont pas tenus par les préceptes alimentaires de l’Ancien Testament. Dans la « Nouvelle Alliance », plusieurs passages dictent les principes en vigueur. Les évangiles apportent notamment un autre regard sur ce qui est pur et ce qui ne l’est pas : « Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l'homme ; mais ce qui sort de sa bouche, voilà ce qui souille l'homme. » (Matthieu 15:11). Ou encore : « Il n'est rien d'extérieur à l'homme qui, pénétrant en lui, peut le souiller, mais ce qui sort de l'homme, voilà ce qui souille l'homme. » (Marc 7:15).
Dans l’évangile selon Saint Luc 11 : 22 : « Jésus dit ensuite à ses disciples : C’est pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni de votre corps de quoi vous serez vêtus. La vie est plus que la nourriture. ».
Dans son Guide des rites, cultures et croyances à l’usage des soignants, Isabelle Lévy écrit que « saint Paul abolit le respect des interdits alimentaires de l’Ancien Testament, de même pour les juifs nouvellement convertis au christianisme et pourtant toujours très attachés à ces préceptes, leur préférant une meilleure entente au sein de la communauté chrétienne (Romains 14, 1-23) », page 158.
Dans Pour comprendre les pratiques religieuses, Isabelle Lévy ajoute que Saint Paul conseille de « marcher selon l’Esprit », cela pour ne pas succomber aux « désirs de la chair » (page 451). Car « si vous êtes conduits par l’Esprit, vous n’êtes point sous la Loi [de l’Ancien Testament] (5, 16-18). « Tout ce qui se vend au marché, mangez-le sans poser de question par motif de conscience, car la terre est au Seigneur et tout ce qui la remplit » (10, 25-26) ; « tout ce que Dieu a créé est bon et aucun aliment n’est à proscrire, si on le prend avec action de grâces » (1 Timothée 4,4).
Enfin selon Yahia Deffous, les autorités religieuses auraient rendu licite la consommation du porc environ deux siècles plus tard (cf. Les interdits alimentaires dans le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam, page 89). Dès lors l’élevage du porc au sein des civilisations chrétiennes n’a fait que croître.
Certains religieux auraient eu une contribution décisive dans la réhabilitation du porc, notamment Saint Antoine au IIIème siècle (cf.Les interdits alimentaires dans le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam, page 92).
Au-delà des considérations religieuses, le porc était déjà largement consommé par les peuples antiques, Egyptiens, Grecs et Romains, ainsi qu’en Gaule. (cf.Les interdits alimentaires dans le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam, pages 88 et 95).
Bonne lecture.
Commentaire de
Dunois :
Publié le 20/07/2017 à 22:14
Bonjour,
je reviens vers vous suite à ma dernière question concernant la consommation du porc par les chrétiens. Je vous remercie d'avoir répondu si rapidement et surtout de m'avoir donné toutes ces références que je ne manquerais pas de consulter. Cependant, un problème me tracasse. vous m'indiquer que dans l'évangile de Saint Luc 11:22 : "Jésus dit ensuite à ses disciple: C'est pourquoi je vous dis: Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni de votre corps de quoi vous serez vêtus. La vie est plus que la nourriture." Si Jeanne d'Arc avait eu un bon avocat, ce passage aurait pu la sauver. Malheureusement, je me suis empressé, dès réception de votre réponse, de regarder la Bible. Voilà ce que j'ai trouvé dans l'évangile selon Saint Luc 11:22 :" Mais, si un plus fort que lui survient et le dompte, il lui enlève toutes les armes dans lesquelles il se confiait, et il distribue ses dépouilles". Phrase, que j'ai du mal à comprendre, car, un peu plus haut, on parle de démons. Mais, c'est peut être moi qui ne sait pas comment lire les versets de la Bible. Pouvez-vous dans ce cas m'indiquer le mode d'emploi de la lecture de ce livre, car j'aimerai bien retrouver le passage que vous m'indiquer. Cela, par rapport à la condamnation de Jeanne d'Arc pour le port de vêtements interdits et que finalement la Bible autorise par l'intermédiaire de Saint Luc.
Bien cordialement et bon week-end.
Réponse attendue pour le 26/07/2017 à 00:14
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 21/07/2017 à 14h38
Bonjour,
D’abord, toutes nos excuses pour cette erreur de chiffre, vous retrouverez la citation qui vous intéresse au chapitre 12, verset 22.
Ensuite, vous pouvez trouver de nombreuses initiations à la lecture de la Bible, notamment à la Bibliothèque de Lyon, en regardant par exemple aux mots-clés sujet Bible introductions.
Plus précisément sur le Nouveau Testament, vous pouvez consulter plusieurs de ces ouvrages.
Enfin, nous vous conseillons plus précisément L’Evangile de Luc, Luc Devillers dans la collection Mon ABC de la Bible, qui constitue une excellente introduction à la lecture des textes bibliques.
Pour l'interdit alimentaire du porc, le chapitre 11 Terre promise et interdits alimentaires, de Et Dieu dit : "Passons à table", de Philippe Baud propose un bon résumé.
Quant à Jeanne d’Arc, au vu du nombre d’accusations portée contre elle lors des premiers et deuxièmes procès, il est peu probable que la lecture du verset de Luc ait pu la sauver :
« Le réquisitoire de Jean d’Estivet était impressionnant. Jeanne y était dite : sorcière ou lectrice de sorts, devineresse, fausse prophétesse, invocatrice et conjuratrice de malins esprits, superstitieuse, appliquée aux arts magiques, mal pensante au sujet de la foi catholique, schismatique, s’écartant du dogme de l’Unam sanctam selon lequel l’Eglise est réputée une, sainte, catholique et apostolique, sacrilège, idolâtre, maldisante et malfaisante, blasphématrice envers Dieu et ses saints, scandaleuse, séditieuse, troublant et empêchant la paix, excitant aux guerres, cruellement altérée de sang humain et incitant à le répandre, ayant renoncé sans vergogne à la décence et à la réserve propres à son sexe pour prendre sans pudeur l’habit infâme des hommes d’armes, prévaricatrice des lois divine et naturelle et la discipline ecclésiastique, séductrice tant des princes que des simples gens, ayant permis qu’elle soit vénérée et adorée, en acceptant qu’on lui baise les mains et les vêtements, usurpatrice des hommages dus à Dieu et du culte que tout chrétien doit lui rendre, hérétique ou du moins véhémentement suspecte d’hérésie. »
Le premier procès – Pierre Cauchon in Jeanne d’Arc : histoire et dictionnaire, p. 245.
Une litanie d’accusations semblables est reprise lors du deuxième procès (voir p. 281), qui la conduira au bûcher.
Voir aussi : Les procès de Jeanne d’Arc, George et Andrée Duby.
Bonnes lectures !
D’abord, toutes nos excuses pour cette erreur de chiffre, vous retrouverez la citation qui vous intéresse au chapitre 12, verset 22.
Ensuite, vous pouvez trouver de nombreuses initiations à la lecture de la Bible, notamment à la Bibliothèque de Lyon, en regardant par exemple aux mots-clés sujet Bible introductions.
Plus précisément sur le Nouveau Testament, vous pouvez consulter plusieurs de ces ouvrages.
Enfin, nous vous conseillons plus précisément L’Evangile de Luc, Luc Devillers dans la collection Mon ABC de la Bible, qui constitue une excellente introduction à la lecture des textes bibliques.
Pour l'interdit alimentaire du porc, le chapitre 11 Terre promise et interdits alimentaires, de Et Dieu dit : "Passons à table", de Philippe Baud propose un bon résumé.
Quant à Jeanne d’Arc, au vu du nombre d’accusations portée contre elle lors des premiers et deuxièmes procès, il est peu probable que la lecture du verset de Luc ait pu la sauver :
« Le réquisitoire de Jean d’Estivet était impressionnant. Jeanne y était dite : sorcière ou lectrice de sorts, devineresse, fausse prophétesse, invocatrice et conjuratrice de malins esprits, superstitieuse, appliquée aux arts magiques, mal pensante au sujet de la foi catholique, schismatique, s’écartant du dogme de l’Unam sanctam selon lequel l’Eglise est réputée une, sainte, catholique et apostolique, sacrilège, idolâtre, maldisante et malfaisante, blasphématrice envers Dieu et ses saints, scandaleuse, séditieuse, troublant et empêchant la paix, excitant aux guerres, cruellement altérée de sang humain et incitant à le répandre, ayant renoncé sans vergogne à la décence et à la réserve propres à son sexe pour prendre sans pudeur l’habit infâme des hommes d’armes, prévaricatrice des lois divine et naturelle et la discipline ecclésiastique, séductrice tant des princes que des simples gens, ayant permis qu’elle soit vénérée et adorée, en acceptant qu’on lui baise les mains et les vêtements, usurpatrice des hommages dus à Dieu et du culte que tout chrétien doit lui rendre, hérétique ou du moins véhémentement suspecte d’hérésie. »
Le premier procès – Pierre Cauchon in Jeanne d’Arc : histoire et dictionnaire, p. 245.
Une litanie d’accusations semblables est reprise lors du deuxième procès (voir p. 281), qui la conduira au bûcher.
Voir aussi : Les procès de Jeanne d’Arc, George et Andrée Duby.
Bonnes lectures !
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