Question d'origine :
Bonjour le guichet, J'ai lu un article sur Néandertal, indiquant qu'il appréciait, tout comme nous, un certain confort : il semble que certains individus réchauffaient l'eau avec des pierres chaudes afin de s'y baigner. Cela m'a fait venir une question annexe. On se représente souvent Néandertal dans une grotte et je suppose que cela est dû au fait qu'on a retrouvé des vestiges de leur passage dans ces lieux aux conditions particulières. Je crois pourtant savoir qu'ils vivaient aussi dans des huttes. J'en viens à ma question, dans ces huttes ou dans ces grottes, sait-on sur quoi les néandertaliens dormaient ? Quelles techniques avaient-ils à leur disposition pour se construire un petit lit douillet ? Je vous remercie
Réponse du Guichet

Il y a un demi-million d’années, apparaissaient de vraies habitations. De nombreux sites à travers le monde témoignent de la variété des logis conçus : en Russie, des maisons de mammouth ont parfois exigé l'utilisation de nombreux os issus des squelettes de plus d'une centaine d'entre eux. Des omoplates et des bassins de ces mammifères servaient de support pour fixer les parties extérieures des habitations.
Pour rester en France, dans les Pyrénées Orientales, à Tautavel, les archéologues ont mis au jour une grotte-observatoire de plusieurs niveaux, ouverte au soleil levant, avec des campements prolongés ou de simples haltes.
Dans le vieux port de Nice, à Terra Amata, c’est une des premières huttes qui a été trouvée, ovale et vaste, d’une quarantaine de mètres carrés, avec piquets et pierres de calage. Son sol est composé de galets aménagés, de pics et de bifaces. Dans la partie Sud-Est de la ville de Nice, au Lazaret, dans une crique, on découvre une cabane sous le porche d’une grotte, datant autour de 150-130 000 ans avant J.-C. Entourée d’une ceinture de pierres pour retenir les poteaux et abritée par un mur coupe-vent, cette construction est habilement adossée à la paroi rocheuse.
Dans ces deux habitats, des aires d’activité étaient délimitées : on distingue celle de taille d’outils, de dépeçage du gibier et de couchage. Au Lazaret, fouillé par Henry de Lumley, des litières recouvertes de peaux de bêtes et d’une variété d’algues séchée, appelée le varech ou le goémon, ont été retrouvées dans la partie destinée à servir de « chambre à coucher ». Ce sont ces vestiges d’habitations, bien protégés, et par conséquent mieux conservés que ceux du plein air, qui ont permis aux préhistoriens de retrouver des traces des hommes du Paléolitique moyen et inférieur et relever autant d’informations précieuses à la fois sur l’industrie lithique, les techniques de fabrication appliquées et les matériaux utilisés.
Par ailleurs, la connaissance poussée des Néandertaliens de leur environnement leur permettait d’acquérir les matières premières nécessaires à leur vie quotidienne qu’ils employaient brutes ou transformées, et qu’ils sélectionnaient soigneusement en fonction du résultat attendu.
En ce qui concerne l’époque du Paléolithique récent tardif, on peut évoquer l’habitation plein air du site de Pincevent, en Seine-et-Marne. Plus d’une demi-douzaine d’habitations assez bien conservées y ont été étudiées. En effet, il faut préciser que les conditions naturelles favorables à la reproduction des cervidés ont permis à ce site habité par des chasseurs de rennes de perdurer pendant quelques siècles.
Les espaces habitables de la surface de 7 à 9 m carrés abritaient des unités familiales : le couple ainsi que sa descendance, c.a.d. deux à six individus par tente. Elles étaient coniques, légèrement ovales et disposaient d’un foyer non loin de l’entrée. Plus loin, en demi-cercle, derrière un espace d’activité au sol jonché d’outils, se trouvait la zone de repos où les archéologues ont découvert, après disparition, des « empreintes vides » des peux de couchage.
Quant à l’Homo sapiens, la recherche atteste qu’il veillait à son confort ainsi qu’à l’hygiène de son couchage et de son habitat. En Afrique du Sud, dans les Monts Lebombo, dans la grotte de Grotte de la Frontière, l’archéologue Lyn Wadley a repéré des particules rappelant des végétaux fossilisés, vieux de 200 000 ans. Les analyses au microscope électronique et par spectroscopie infrarouge ont confirmé son intuition. Elle était bien face à un lit douillet préhistorique, fabriqué à partir de gerbes d’herbes (de la famille des Panicoideae). Alors que les savants avaient situé les plus anciens couchages végétaux à 77 000 d’années, la découverte de la chercheuse a « vieilli » ce phénomène d’environ 100 000 ans !
Sous le matelas d’herbes, les scientifiques ont trouvé une succession de couches de cendres végétales, ce qui amène à penser que la literie était brûlée systématiquement pour assainir les lieux, avant d’être recouverte à nouveau. Les cendres forment une surface isolante qui repousse certains insectes et parasites. Du charbon issu d’une espèce d’arbustes riche en camphre vient à l’appui de cette thèse : les hommes modernes avaient un réel souci d’hygiène et possédaient une connaissance remarquable des vertus des plantes médicinales.
Pour finir, voici ce que les préhistoriens ont déterré au Moyen Orient. Un homme de Néandertal, appelé Shanidar IV, parce que découvert au Nord de l’Irak, à Shanidar, par l’archéologue Roger Solecki, couché sur un lit de fleurs (appartenant à l'espèce séneçon à fleurs jaunes), est le premier à livrer un témoignage émouvant sur ce qui fut sûrement son lit de mort, et à nous donner les preuves du souci qu’avaient ces hommes du repos, fût-il éternel…
Pour aller plus loin :
De nombreux ouvrages d’Henry de Lumley sont disponibles les différents sites de Néandertal ;
Ethnologie de la chambre à coucher de Pascal Dibie, éd. Grasset, 1987 – un fabuleux voyage à travers les siècles d’une culture essentielle qu’est la culture du repos ;
Néandertal : catalogue d’exposition présentée au Musée de l’Homme à Paris (mars 2018-janvier 2019) ;
Un Guide de survie : sur les traces de Néandertal d’Antoine et Karine Balzeau, pour s’imaginer à quoi pouvait ressembler le quotidien de nos ancêtres ;
Enfin, dans la revue Science et vie, dans le n°d’Août 2020, vous trouverez de plus amples informations sur l’art d’aménager la chambre à coucher par Homo Sapiens.
Bonne lecture !
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