Citation de Paul Eluard
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 21/12/2005 à 16h41
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Question d'origine :
Je recherche dans quel livre ou dans quelle poème Paul ELUARD a fait cette citation "Si l'écho de leur voix faiblit, nous périrons"
Réponse du Guichet
anonyme
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 23/12/2005 à 08h07
Nous avons trouvé sur le site Louis Aragon online :
"Depuis plus de deux ans, je cherche en vain dans quel ouvrage Paul Éluard a écrit cette phrase, qui lui est attribuée, et que j'ai retrouvée sur plusieurs sites Web :
On trouve cette citation, entre autres, sur de nombreux sites de l'Internet, sous l'une et l'autre de ces deux orthographes, mais sans jamais que soit donnée son origine exacte. Par ailleurs, elle est reprise constamment dans un livre ou un article de journal, elle est utilisée lors de discours d'inaugurations, etc. toujours sans aucune source précise.
J'ai tout d'abord vérifié, en vain, dans les dictionnaires de citations et dans les oeuvres complètes d'Éluard publiées dans la collection "La Pléiade" ; j'ai navigué sur Internet partout où c'était possible ; j'ai écrit près de deux cents (200) lettres ou méls, dans toutes les directions : écrivains, éditeurs, professeurs de lettres, spécialistes d'Éluard, journaux, associations de déportés, tous les musées de la Résistance et de la Déportation de France ; j'ai utilisé toutes les "pistes" qui m'ont été suggérées, ce qui m'a apporté de nouvelles adresses dans de nouveaux horizons. On m'a notamment dit que cette phrase figurait sur un mur du Mémorial de l'Ile de la Cité, à Paris : l'un de mes enfants est allé vérifier, mais l'information était inexacte. J'ai aussi appris qu'une stèle commémorative avait été inaugurée à St-Dié-des-Vosges, portant cette inscription ; mon mari est allé la photographier : la phrase a été gravée, attribuée à Paul Éluard, mais sans source exacte. J'ai eu le responsable de la stèle au téléphone, qui a eu cette réponse merveilleuse : "C'est sûrement de Paul Éluard, puisque tout le monde le dit !".....
Je ne suis pas historienne, mais j'aime la rigueur et il me semble pour le moins... discutable de lire cette phrase reprise ici et là, par exemple - pour ne citer que deux exemples, parmi tant d'autres - dans un discours du président du CRIF de Marseille, le 23 janvier 2000, cité sur le Web, ou prise comme titre de deux ouvrages, attribuée à Paul Éluard sans que les auteurs aient jamais pris la peine de vérifier leurs sources.
Aujourd'hui, une amie très littéraire m'écrit ceci :
"la facture de cet alexandrin me paraît parfaitement classique (schéma 3+3+2/4) et n'évoque pas particulièrement le style d'Eluard. Ce pourrait aussi bien être d'un illustre inconnu, comme vous le suggérez, ou de Victor Hugo, ou de Louis Aragon qui, dans sa période résistane, a écrit beaucoup dans ce genre classique ; s'agirait-il d'une confusion plus ou moins volontaire au départ, l'auteur de "Liberté" étant devenu de nos jours beaucoup plus "présentable" que le stalinien et débauché Aragon vieilli ? On a tendance à oublier ainsi qu'il a été, dans sa jeunesse, un poète surréaliste remarquable, puis dans sa maturité un poète populaire de la Résistance."
Toute information me permettant de retrouver l'origine exacte, précise et vérifiable de cette citation serait la bienvenue.
Au cours de mes recherches, ayant trouvé votre site Web sur Aragon, je me permets de vous poser ma question.
Réponse de Wolfgang Babilas
Merci de votre courrier électronique. Je ne peux pas répondre à votre question centrale, mais je voudrais faire les remarques suivantes :
1. Je ne crois pas que ce vers soit de Paul Éluard. D'un côté, vous avez consulté l'édition de la Pléiade, en tout cas, je suppose, les recueils nés pendant et après la guerre, et vous n'avez rien trouvé. Où voulez-vous qu'on puisse trouver un tel vers sinon dans les OEuvres complètes de la Pléiade? Et s'il n'y est pas, cela veut dire qu'il n'est probablement pas d'Éluard. De l'autre côté, le contenu de ce vers ne me rappelle pas l'Éluard que je le connais. Il me semble improbable qu'il puisse envisager un avenir où les voix des "martyrs" de la Résistance ne sont plus entendues, et qu'il oppose à ce danger virtuel la menace de la mort collective de la France.
2. Par ailleurs, est-ce vraiment un vers? Certes, il présente les douze syllabes de l'alexandrin, mais cela ne prouve pas qu'il soit extrait d'un poème: on peut écrire aussi une phrase de prose qui comprend douze syllabes. La césure après la huitième syllabe détruit, à mon avis, l'impression qu'on peut avoir qu'il s'agit d'un vrai alexandrin. Mais je peux me tromper.
3. Je connais assez bien la poésie de la Résistance (ayant écrit une sorte de livre sur ce sujet), mais je ne me souviens pas d'avoir jamais lu ce "vers" dans les textes de poètes français. Il pourrait, évidemment, s'agir d'un vers écrit après la Libération (et ici, je n'ai pas les connaissances nécessaires à un jugement définitif).
4. Il y a une chose dont je suis sûr: ce "vers" n'est pas d'Aragon. D'une part, je connais ses poèmes, et d'autre part, le défaitisme virtuel ("nous périrons") est étranger à l'Aragon des années noires et des années après-Libération. Je ne crois pas non plus qu'il aurait construit un lien entre le souvenir qu'ont les Français des résistants morts, et l'avenir de la France (mais c'est évidemment une spéculation).
5. La théorie de substitution (Éluard pour Aragon) exposée par votre amie me semble une construction assez aberrante. Certes, Aragon continue même aujourd'hui à avoir des ennemis, mais de là à lui prendre un vers pour l'attribuer à un autre (moins haï), il y aurait un trop grand saut à faire. Ceci dit, on constate toujours avec étonnement qu'on a presque complètement oublié le stalinien Éluard, - pensez au poème "Joseph Staline", commentaire pour le film "L'homme que nous aimons le plus" (1949; Pléiade, t. 2, p. 351-352). Il n'y a, par contre, aucun poème d'Aragon à la gloire de Staline, n'en déplaise à ceux qui bavardent d'une "Ode à Staline" (inexistante)! Le surréaliste Aragon n'est d'ailleurs pas tellement oublié comme semble le penser votre correspondante; au plus tard depuis la publication de "La Défense de l'infini" (1986), la critique s'est souvenu du grand prosaïste surréaliste qu'il a été. "Débauché", adjectif qualificatif appliqué à Aragon vieilli, fait partie du vocabulaire dépréciatif que certaines gens aiment lui accrocher, mais qui est faux.
6. Je voudrais ajouter que le terme d'"écho" se trouve quand même chez Éluard (voir le poème "Crier", Pléiade, t. 1, p. 1018) et que ces vers sont commentés par Aragon (voir Pierre Seghers, "La Résistance et ses poètes", Seghers, 1974, p. 78-80), mais il faut souligner que le sens des textes d'Éluard et d'Aragon n'a rien à voir avec celui de votre "vers". À propos des textes que je viens de citer vous pouvez lire, si vous voulez, ce que j'ai écrit dans mon article "Sur un poème poétologique d'Aragon: 'Richard Coeur-de-Lion", Revue des Sciences humaines, tome LXXV, n° 204, octobre-décembre 1986, p. 144; l'article sera repris dans mes "Études sur Louis Aragon", Münster, Nodus Publikationen, 2002.
En somme, je ne peux pas vous aider au sens strict du terme, c'est-à-dire je ne peux pas vous indiquer l'auteur de la phrase en question, mais je peux exclure Aragon (avec un très haut degré de certitude) et également Éluard, si je me réfère au résultat de vos lectures d'Éluard et de mes propres souvenirs de lecture. L'énigme de l'origine de "votre" texte reste donc entière.
Réponse du Guichet
anonyme
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 26/12/2005 à 16h22
En complément, vous pouvez consulter cette précédente réponse à cette même question qui vous permettra d'élargir vos recherches.
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