Question d'origine :
Merci de m'apporter de renseignements sur ce conte .
AB
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 14/01/2016 à 14h52
Bonjour,
Le conte Le fondeur de vieilles a été repris par Henri Pourrat dans son œuvre Trésors des contes. Il se trouve dans le volume 5 Les fées, en voici quelques extraits :
«Le fondeur de vieilles
Il y avait une fois un grenadier qui revenait des Flandres. On le nommait Nicolas. Il rentrait au village, les guerres venaient de finir. […]
« Je reviens au pays aussi gueux que j'en suis parti. A peine cinq sous dans la bourse, pour que les chiens ne viennent pas lever la patte contre mes jambes! Mon père n'a pas de terre; moi, je n'ai pas d'état : des filles de bien et d'honneur, laquelle me donnera-t-on en mariage? ». C'est résolu! Avant de rentrer, il faut que je me fasse des écus. Que mon saint patron m'aide, ou bien le diable, alors! »
Voilà que d'un chemin de traverse il a vu venir un vieil homme. Vieux, oui, la barbe d'argent, comme ruisseau dans les roches; mais tout riant, les yeux en point de feu, les joues presque aussi vives, plus vermeilles que les braises qu'on ramène du four. Ce bonhomme l'ayant rejoint s'est mis à marcher à son pas. Ils ont fait route ensemble, portant chacun son baluchon au dos. Marchant le long des champs où la caille va volant. […]
A deux heures de relevée, ils arrivent dans une ville. «Grosse ville, dit le vieil homme. Ici, je vois bien que le métier se pourrait faire. - Et alors, quel métier?
- Celui de fondeur de vieilles!
- Fondeur de vieilles, camarade? Que diable veux-tu dire?
- Soldat Nicolas, tu vas voir! Toi qui es si adroit de tes mains, voilà un bon métier pour toi. »
Ils entrent donc en ville. Ils passent de rue en rue, criant tous les deux à tue-tête : « Fondeurs de vieilles! Fondeurs de vieilles! »
Dans la grande rue habitait une vieille dame tout en frisettes et en faveurs, parée de dorures comme une châsse. […] Elle entend ce cri : « Fondeurs de vieilles! Fondeurs de vieilles! »
«Vous êtes fondeurs de vieilles?
- Madame, pour vous servir!
- Ha, misère de moi! Si vous pouviez me ramener à mes jolis quinze ans!... […] »
Le bonhomme a fait allumer un grand feu au fond de la cour ; il s'est fait apporter une chaudière pleine d'eau. Lorsque l'eau s'est mise à bouillir, il a pris doucement la dame.
« Vous ne me ferez pas mal, au moins?
- Madame, n'ayez crainte. »
Il l'a mise à bouillir. Ensuite, il a tiré les os de la chaudière, les a bien nettoyés, raclés, les a serrés dans une serviette blanche, a fait trois fois le tour du puits, en les secouant comme une salade. Le soldat, cependant, le suivait pas à pas sans le quitter de l'œil; et il mettait par ordre dans sa tête toute la manière de s'y prendre. Puis le vieil homme à face vermeille est retourné dans la chambre, il a rangé ces os comme il le fallait, sur le lit. Et la dame a reparu, revenue à ses jolis quinze ans. […]
[…] Il vide son verre jette la dernière goutte par-dessus son épaule. Puis il se lève.
« Adieu donc, camarade! J'en sais assez. Je vais faire le: métier : ce n'est pas sorcier, et on y gagne honnêtement sa vie. » […]
« Fondeur de vieilles! Fondeur de vieilles! »
D'une voix à fendre les pierres, le voilà à crier, tout en battant le pavé.
Il n'était pas au bout de la place qu'une chambrière l'appelle. C'était une autre dame, de cent ans, celle-là. […] Quand du fond de son fauteuil elle entend ce « fondeur de vieilles! » elle cogne de son bâton, appelle la servante.
« Quel est ce métier que vous faites, de fondeur de vieilles?
- Oui, madame, il y en a qui fondent les vieilles cuillères et ils vous les rendent neuves. Moi, je fonds les vieilles dames. Je sais les faire revenir à leurs jolis quinze ans.
- Ha, j'ai eu mon temps comme une autre; mais j'ai cent ans un peu passés : si vous me faisiez revenir à vingt ans seulement! Vous le pourriez, mon ami?
- Madame, je le peux. Pour vous, ce ne sera que cinq cents écus. »
Au fond de la cour, il fait allumer le feu. Et lui, là, les jambes écartées, il le regardait monter. Quand la chaudière a bouilli, il s'est fait amener la dame. Sans balancer, comme il avait vu faire au camarade, il la plonge en cette eau bouillante. Mais ces cris! Mais ces cris!
«Ho! Ho! Ho!!! Retirez-moi! Ho, c'est l'enfer! Maudit fondeur de vieilles! Tirez-moi de ce chaudron! » Et de rejeter la tête, et de tordre le cou, d'envoyer bras et jambes et de droite et de gauche, dans les cris, les glapissements. […]
De fait, la dame avait tout dit, n'avait plus rien à dire! Encore quelques gémissements; elle s'habituait à l'eau bouillante... Elle s'y habituait si bien qu'elle n'en voulait plus sortir : ne restaient là que ses os.
Le soldat Nicolas tire ces os de la chaudière; il les nettoie, les met dans une serviette blanche et fait trois fois le tour du puits en les secouant comme une salade. Puis revient à la chambre, les range sur le lit, bien par ordre... Mais pas de nouvelles. La dame ne ressuscite point. Pas plus à ses jolis quinze ans qu'à ses cent ans si décrépits. […]
Nicolas tout courant, prend par une venelle, de là gagna un boulevard; de là, il pensait se jeter dans la campagne. Et tout à coup - Dieu soit béni! - il tombe sur l'autre Nicolas, le vieux camarade aux joues en pommes rouges, à la barbe de neige.
« A l'aide, camarade! Au secours! J'ai affaire de toi, vite et vite!
[…] A peine paraît-il sur la porte que, - « Le voilà, le brigand! C'est lui! » - les cris de la servante éclatent.
« Laissez, dit le vieil homme en riant, - et il levait la main, - laissez-nous donc finir l'ouvrage. Je ne vous demande que trois minutes. »
Il pousse le soldat dans la chambre. Il va au lit, remet les os dérangés dans l'ordre, souffle bonnement dessus... Et de ce lit la dame se lève, toute reverdie, toute refleurie, fraîche comme la rose! […]
Ils sont partis tous deux. Sans une parole, ils ont quitté la ville. A l'entrée d'un petit bois, le vieil homme s'est arrêté. La bourse des cinq cents écus, il l'a remise au compagnon.
« Mais, crois-moi, ne te fie plus à faire ce métier-là.
- Il faut, a dit le soldat, que vous soyez le bon Dieu?
- Nicolas, je suis Nicolas comme je te l'ai dit. Des ossements d'une vieille femme, je peux refaire une fille de quinze ans. Toi, le peux-tu?
- Vous êtes le grand saint Nicolas, mon patron, vous avez tiré du saloir, chez le boucher, les trois enfants qui y étaient depuis sept ans et coupés en morceaux. Être fondeur de vieilles, comme vous, je vois bien maintenant que je ne le peux pas.
-Rentre donc au pays, soldat Nicolas, mon ami. Vis-y de la peine de tes bras, de bonne soupe, de sagesse sans vantardise : tu auras encore assez à faire! »
En lui donnant l'adieu, le saint a disparu. Le soldat est reparti avec la bourse d'écus. »
Ce conte semble connaître des variantes selon les conteurs et les époques. Nous avons trouvée une version du conte racontée par un internaute sur le forum Casimages.
Malheureusement, nous n’avons pas trouvé d’éléments sur l’origine du conte, on peut supposer qu'il s'agit d'un conte auvergnat, car Henri Pourrat a compulsé les contes oraux d'Auvergne tout au long de sa vie. Cependant, ce conte étant à l’origine oral, il est difficile de détailler son origine.
Pour en savoir plus, vous pouvez contacter la bibliothèque du Patrimoine de Clermont-Ferrand qui détient le fonds Henri Pourrat.
Vous pouvez aussi consulter l’ouvrage Le savoir et la saveur : Henri Pourrat et "Le trésor des contes", Bernadette Bricout.
Bonne journée.
Le conte Le fondeur de vieilles a été repris par Henri Pourrat dans son œuvre Trésors des contes. Il se trouve dans le volume 5 Les fées, en voici quelques extraits :
«
Il y avait une fois un grenadier qui revenait des Flandres. On le nommait Nicolas. Il rentrait au village, les guerres venaient de finir. […]
« Je reviens au pays aussi gueux que j'en suis parti. A peine cinq sous dans la bourse, pour que les chiens ne viennent pas lever la patte contre mes jambes! Mon père n'a pas de terre; moi, je n'ai pas d'état : des filles de bien et d'honneur, laquelle me donnera-t-on en mariage? ». C'est résolu! Avant de rentrer, il faut que je me fasse des écus. Que mon saint patron m'aide, ou bien le diable, alors! »
Voilà que d'un chemin de traverse il a vu venir un vieil homme. Vieux, oui, la barbe d'argent, comme ruisseau dans les roches; mais tout riant, les yeux en point de feu, les joues presque aussi vives, plus vermeilles que les braises qu'on ramène du four. Ce bonhomme l'ayant rejoint s'est mis à marcher à son pas. Ils ont fait route ensemble, portant chacun son baluchon au dos. Marchant le long des champs où la caille va volant. […]
A deux heures de relevée, ils arrivent dans une ville. «Grosse ville, dit le vieil homme. Ici, je vois bien que le métier se pourrait faire. - Et alors, quel métier?
- Celui de fondeur de vieilles!
- Fondeur de vieilles, camarade? Que diable veux-tu dire?
- Soldat Nicolas, tu vas voir! Toi qui es si adroit de tes mains, voilà un bon métier pour toi. »
Ils entrent donc en ville. Ils passent de rue en rue, criant tous les deux à tue-tête : « Fondeurs de vieilles! Fondeurs de vieilles! »
Dans la grande rue habitait une vieille dame tout en frisettes et en faveurs, parée de dorures comme une châsse. […] Elle entend ce cri : « Fondeurs de vieilles! Fondeurs de vieilles! »
«Vous êtes fondeurs de vieilles?
- Madame, pour vous servir!
- Ha, misère de moi! Si vous pouviez me ramener à mes jolis quinze ans!... […] »
Le bonhomme a fait allumer un grand feu au fond de la cour ; il s'est fait apporter une chaudière pleine d'eau. Lorsque l'eau s'est mise à bouillir, il a pris doucement la dame.
« Vous ne me ferez pas mal, au moins?
- Madame, n'ayez crainte. »
Il l'a mise à bouillir. Ensuite, il a tiré les os de la chaudière, les a bien nettoyés, raclés, les a serrés dans une serviette blanche, a fait trois fois le tour du puits, en les secouant comme une salade. Le soldat, cependant, le suivait pas à pas sans le quitter de l'œil; et il mettait par ordre dans sa tête toute la manière de s'y prendre. Puis le vieil homme à face vermeille est retourné dans la chambre, il a rangé ces os comme il le fallait, sur le lit. Et la dame a reparu, revenue à ses jolis quinze ans. […]
[…] Il vide son verre jette la dernière goutte par-dessus son épaule. Puis il se lève.
« Adieu donc, camarade! J'en sais assez. Je vais faire le: métier : ce n'est pas sorcier, et on y gagne honnêtement sa vie. » […]
« Fondeur de vieilles! Fondeur de vieilles! »
D'une voix à fendre les pierres, le voilà à crier, tout en battant le pavé.
Il n'était pas au bout de la place qu'une chambrière l'appelle. C'était une autre dame, de cent ans, celle-là. […] Quand du fond de son fauteuil elle entend ce « fondeur de vieilles! » elle cogne de son bâton, appelle la servante.
« Quel est ce métier que vous faites, de fondeur de vieilles?
- Oui, madame, il y en a qui fondent les vieilles cuillères et ils vous les rendent neuves. Moi, je fonds les vieilles dames. Je sais les faire revenir à leurs jolis quinze ans.
- Ha, j'ai eu mon temps comme une autre; mais j'ai cent ans un peu passés : si vous me faisiez revenir à vingt ans seulement! Vous le pourriez, mon ami?
- Madame, je le peux. Pour vous, ce ne sera que cinq cents écus. »
Au fond de la cour, il fait allumer le feu. Et lui, là, les jambes écartées, il le regardait monter. Quand la chaudière a bouilli, il s'est fait amener la dame. Sans balancer, comme il avait vu faire au camarade, il la plonge en cette eau bouillante. Mais ces cris! Mais ces cris!
«Ho! Ho! Ho!!! Retirez-moi! Ho, c'est l'enfer! Maudit fondeur de vieilles! Tirez-moi de ce chaudron! » Et de rejeter la tête, et de tordre le cou, d'envoyer bras et jambes et de droite et de gauche, dans les cris, les glapissements. […]
De fait, la dame avait tout dit, n'avait plus rien à dire! Encore quelques gémissements; elle s'habituait à l'eau bouillante... Elle s'y habituait si bien qu'elle n'en voulait plus sortir : ne restaient là que ses os.
Le soldat Nicolas tire ces os de la chaudière; il les nettoie, les met dans une serviette blanche et fait trois fois le tour du puits en les secouant comme une salade. Puis revient à la chambre, les range sur le lit, bien par ordre... Mais pas de nouvelles. La dame ne ressuscite point. Pas plus à ses jolis quinze ans qu'à ses cent ans si décrépits. […]
Nicolas tout courant, prend par une venelle, de là gagna un boulevard; de là, il pensait se jeter dans la campagne. Et tout à coup - Dieu soit béni! - il tombe sur l'autre Nicolas, le vieux camarade aux joues en pommes rouges, à la barbe de neige.
« A l'aide, camarade! Au secours! J'ai affaire de toi, vite et vite!
[…] A peine paraît-il sur la porte que, - « Le voilà, le brigand! C'est lui! » - les cris de la servante éclatent.
« Laissez, dit le vieil homme en riant, - et il levait la main, - laissez-nous donc finir l'ouvrage. Je ne vous demande que trois minutes. »
Il pousse le soldat dans la chambre. Il va au lit, remet les os dérangés dans l'ordre, souffle bonnement dessus... Et de ce lit la dame se lève, toute reverdie, toute refleurie, fraîche comme la rose! […]
Ils sont partis tous deux. Sans une parole, ils ont quitté la ville. A l'entrée d'un petit bois, le vieil homme s'est arrêté. La bourse des cinq cents écus, il l'a remise au compagnon.
« Mais, crois-moi, ne te fie plus à faire ce métier-là.
- Il faut, a dit le soldat, que vous soyez le bon Dieu?
- Nicolas, je suis Nicolas comme je te l'ai dit. Des ossements d'une vieille femme, je peux refaire une fille de quinze ans. Toi, le peux-tu?
- Vous êtes le grand saint Nicolas, mon patron, vous avez tiré du saloir, chez le boucher, les trois enfants qui y étaient depuis sept ans et coupés en morceaux. Être fondeur de vieilles, comme vous, je vois bien maintenant que je ne le peux pas.
-Rentre donc au pays, soldat Nicolas, mon ami. Vis-y de la peine de tes bras, de bonne soupe, de sagesse sans vantardise : tu auras encore assez à faire! »
En lui donnant l'adieu, le saint a disparu. Le soldat est reparti avec la bourse d'écus. »
Ce conte semble connaître des variantes selon les conteurs et les époques. Nous avons trouvée une version du conte racontée par un internaute sur le forum Casimages.
Malheureusement, nous n’avons pas trouvé d’éléments sur l’origine du conte, on peut supposer qu'il s'agit d'un conte auvergnat, car Henri Pourrat a compulsé les contes oraux d'Auvergne tout au long de sa vie. Cependant, ce conte étant à l’origine oral, il est difficile de détailler son origine.
Pour en savoir plus, vous pouvez contacter la bibliothèque du Patrimoine de Clermont-Ferrand qui détient le fonds Henri Pourrat.
Vous pouvez aussi consulter l’ouvrage Le savoir et la saveur : Henri Pourrat et "Le trésor des contes", Bernadette Bricout.
Bonne journée.
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