Question d'origine :
S.V.P. De quand date l'institution et le rite du mariage, tels que nous le connaissons actuellement, en France, en particulier ? J'avais lu, dans un ouvrage, qu'ils mentionnaient une forme de mariage, qui existerait depuis la révolution française ! S'agit t il du mariage actuel ? Et dans ce cas, qu'y aurait t il eu avant cela ? De la même manière, y a t il eu des changements notables, ou modifications dans la forme, du mariage religieux catholique, depuis l'époque contemporaine ? merci.
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 01/07/2020 à 11h49
Bonjour,
C’est effectivement sous la Révolution, et plus précisément, après des lois de 1791 et 1792, qu’apparait leMariage Civil comme nous le connaissons, devant officier d’état civil, garanti par l’Etat, et non plus, comme précédemment, un sacrement indissoluble garanti par l’Eglise. Selon les auteures de l’article « Mariage » de l’Encyclopaedia Universalis :
« Le droit canonique à l'origine considérait le mariage comme un contrat informel qui n'impliquait pas participation d'un prêtre ; il suffisait, pour que le sacrement fût acquis, que fussent réunis le consentement des époux et l'acte de chair. Et le jurisconsulte Antoine Loysel pouvait dire dans un adage longtemps répété : « Boire, manger, coucher ensemble est mariage ce me semble. » À quoi il devait ajouter : « Mais il faut que l'Église y passe. » En effet, le concile de Trente, en 1563, avec le plein accord et peut-être sous la pression du pouvoir monarchique, décréta que le mariage devait être célébré devant le curé de la paroisse de l'un des deux fiancés et devant deux témoins afin d'assurer une publicité du mariage, laquelle permettait à l'Église d'en contrôler la régularité. De ce jour, les mariages clandestins furent poursuivis, et l'opposition devint patente entre mariage et concubinage.
Une fois acquis et bien implanté, le rite religieux subit encore les attaques de l'anticléricalisme, qui conduisit, lors de la Révolution française, àl'institution du mariage civil . En même temps que l'Église perdait tout pouvoir temporel pour imposer son propre droit, l'État laïc s'octroyait le pouvoir de célébrer les mariages « au nom de la loi » . Le combat pour la laïcité était d'autant plus important en France à l'époque révolutionnaire qu'il ne mettait pas seulement le rite en cause, mais à travers lui le droit et les conceptions fondamentales du mariage, à savoir son indissolubilité. Le mariage, ainsi désacralisé et laïcisé, ne perdit pas pour autant son caractère solennel. Les révolutionnaires ne revinrent pas à une conception purement consensuelle du mariage et imaginèrent, pour concurrencer le rite religieux, un rite civil qui doit se dérouler devant le maire, représentant le peuple et la communauté à laquelle appartiennent les époux. Le Code civil conserva la règle nouvelle qui imposait à tous la cérémonie civile et rejetait hors du droit les mariages célébrés religieusement. »
(Source : universalis-edu.com, consultable en bibliothèque)
Cette désacralisation n’entraîne donc pas une grande révolution dans l’institution elle-même ; en revanche, elle marque un tournant fondamental dans le rapport des citoyens avec l’administration, car elle est partie prenante de la naissance de l’état civil dans la première constitution, en 1791. On trouve une excellente synthèse de ce contexte dans un article de Rita Hermont-Belot lisible sur lhistoire.fr :
« C'est au bout du compte au cours de la rédaction, article par article, de la Constitution que le principe d'un état civil est finalement adopté le 27 août 1791 : « La loi ne reconnaît le mariage que comme contrat civil. Le pouvoir législatif établira pour tous les citoyens sans distinction le mode par lequel les naissances, mariages et décès seront constatés ; il désignera les officiers publics qui en recevront et conserveront les actes. »
La courte discussion avant le vote de la loi a été marquée par une volonté de conciliation. Lanjuinais, écouté en tant que rapporteur habituel du comité ecclésiastique sur ces matières, aura fait observer que « ce qu'on propose ne préjuge rien, sinon que le mode établi le sera sans distinction pour tous les citoyens ». Et il l'assure, « cette loi n'empêche pas qu'on ne laisse ces fonctions entre les mains des ecclésiastiques ».
L’esprit de cette loi est, on l’aura compris, de déchristianiser le mariage, également dans un but d’égalité, car le mariage ne fait désormais plus de distinction entre les citoyens, notamment en fonction de leur religion. Si le divorce ne sera pas prévu par cet état de la loi, il le sera par une loi du 20 septembre 1792 : « Le mariage est aussi révocable par le divorce : il peut être dissous sur demande du couple ou de l'un des époux », précise le même document. Mais encore une fois, s’il s’agit d’étendre des principes de liberté et d’égalité, il n’est pas question d’interdire les mariages religieux, qui peuvent exister parallèlement :
« Le dernier article de la loi stipule que « l'Assemblée nationale, après avoir déterminé le mode de constater désormais l'état civil des citoyens, déclare qu'elle n'entend ni innover, ni nuire à la liberté qu'ils ont tous de consacrer les naissances, mariages et décès par les cérémonies du culte auquel ils sont attachés, et par l'intervention des ministres du culte ». »
Il a certes existé des formes de mariage laïc sous l’ancien régime. L’article Famille de l’Encyclopaedia universalis nous apprend qu’« imprégné de droit coutumier, le Moyen Âge connaît une autre forme de mariage très répandue : le mariage par « cohabitation et réputation », où la constatation de la stabilité d'une union entre un homme et une femme présume leur état conjugal, sans aucune formalité », qui subsistera de façon résiduelle jusqu’au milieu du XVIIIe siècle.
Cependant, dès 1804, l‘introduction du Code civil sous Napoléon institue une inégalité entre les époux qui perdurera longtemps. Selon l'article Famille - les enjeux de la parentalité d'Universalis, « La femme est donnée à l'homme pour qu'elle lui fasse des enfants. Elle est donc sa propriété comme l'arbre fruitier est celle du jardinier », dixit l’empereur. Il faudra plus d’un siècle pour qu’un semblant d’égalité refasse surface : « Il faut attendre une loi de 1907 pour que la femme mariée puisse disposer de son propre salaire. La loi de 1938 supprime la puissance maritale et affirme la capacité de la femme mariée, mais le véritable changement aura lieu le 13 juin 1965 avec la réforme des régimes matrimoniaux abolissant la tutelle maritale.
En d’autres termes, les femmes ont le droit d’être titulaires d’un compte en banque sans autorisation explicite de son mari !
Parallèlement, ces évolutions sociétales touchent également les principes de filiation, puisque depuis 1972 « les enfants nés hors mariage bénéficient des mêmes droits ou presque que ceux nés du mariage. »
D’autres réformes suivront, qui continueront de démanteler l’inégalité induite par la notion de « chef de famille » dans le premier Code civil. Vous en trouverez la chronologie sur vie-publique.fr. La dernière évolution en date, est, bien sûr, la promulgation de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe le 17 mai 2013.
Pour aller plus loin :
- Histoire du mariage en Occident / [Livre] / Jean-Claude Bologne
- Histoire du mariage sous toutes ses formes... [Livre] / A. Giraud-Teulon, Professeur de Philosophie de l'Histoire à l'Université de Genève.
- Le mariage amoureux [Livre] : histoire du lien conjugal sous l'Ancien Régime / Maurice Daumas
- Noces révolutionnaires [Livre] : le mariage des prêtres en France, 1789-1815 / Xavier Maréchaux ; préface de Michel Vovelle
- Brève histoire du mariage depuis l’antiquité sur herodote.net
- Anne Verjus, Claire Cage, Jennifer Heuer, Andrea Mansker, Meghan Roberts, « Regards croisés sur le mariage à l’époque révolutionnaire et impériale », Annales historiques de la Révolution française 2017/2 (n° 388) , consultable sur Cairn en bibliothèque.
Bonne journée.
C’est effectivement sous la Révolution, et plus précisément, après des lois de 1791 et 1792, qu’apparait le
« Le droit canonique à l'origine considérait le mariage comme un contrat informel qui n'impliquait pas participation d'un prêtre ; il suffisait, pour que le sacrement fût acquis, que fussent réunis le consentement des époux et l'acte de chair. Et le jurisconsulte Antoine Loysel pouvait dire dans un adage longtemps répété : « Boire, manger, coucher ensemble est mariage ce me semble. » À quoi il devait ajouter : « Mais il faut que l'Église y passe. » En effet, le concile de Trente, en 1563, avec le plein accord et peut-être sous la pression du pouvoir monarchique, décréta que le mariage devait être célébré devant le curé de la paroisse de l'un des deux fiancés et devant deux témoins afin d'assurer une publicité du mariage, laquelle permettait à l'Église d'en contrôler la régularité. De ce jour, les mariages clandestins furent poursuivis, et l'opposition devint patente entre mariage et concubinage.
Une fois acquis et bien implanté, le rite religieux subit encore les attaques de l'anticléricalisme, qui conduisit, lors de la Révolution française, à
(Source : universalis-edu.com, consultable en bibliothèque)
Cette désacralisation n’entraîne donc pas une grande révolution dans l’institution elle-même ; en revanche, elle marque un tournant fondamental dans le rapport des citoyens avec l’administration, car elle est partie prenante de la naissance de l’
« C'est au bout du compte au cours de la rédaction, article par article, de la Constitution que le principe d'un état civil est finalement adopté le 27 août 1791 : « La loi ne reconnaît le mariage que comme contrat civil. Le pouvoir législatif établira pour tous les citoyens sans distinction le mode par lequel les naissances, mariages et décès seront constatés ; il désignera les officiers publics qui en recevront et conserveront les actes. »
La courte discussion avant le vote de la loi a été marquée par une volonté de conciliation. Lanjuinais, écouté en tant que rapporteur habituel du comité ecclésiastique sur ces matières, aura fait observer que « ce qu'on propose ne préjuge rien, sinon que le mode établi le sera sans distinction pour tous les citoyens ». Et il l'assure, « cette loi n'empêche pas qu'on ne laisse ces fonctions entre les mains des ecclésiastiques ».
L’esprit de cette loi est, on l’aura compris, de déchristianiser le mariage, également dans un but d’égalité, car le mariage ne fait désormais plus de distinction entre les citoyens, notamment en fonction de leur religion. Si le divorce ne sera pas prévu par cet état de la loi, il le sera par une loi du 20 septembre 1792 : « Le mariage est aussi révocable par le divorce : il peut être dissous sur demande du couple ou de l'un des époux », précise le même document. Mais encore une fois, s’il s’agit d’étendre des principes de liberté et d’égalité, il n’est pas question d’interdire les mariages religieux, qui peuvent exister parallèlement :
« Le dernier article de la loi stipule que « l'Assemblée nationale, après avoir déterminé le mode de constater désormais l'état civil des citoyens, déclare qu'elle n'entend ni innover, ni nuire à la liberté qu'ils ont tous de consacrer les naissances, mariages et décès par les cérémonies du culte auquel ils sont attachés, et par l'intervention des ministres du culte ». »
Il a certes existé des formes de mariage laïc sous l’ancien régime. L’article Famille de l’Encyclopaedia universalis nous apprend qu’« imprégné de droit coutumier, le Moyen Âge connaît une autre forme de mariage très répandue : le mariage par « cohabitation et réputation », où la constatation de la stabilité d'une union entre un homme et une femme présume leur état conjugal, sans aucune formalité », qui subsistera de façon résiduelle jusqu’au milieu du XVIIIe siècle.
Cependant, dès 1804, l‘introduction du Code civil sous Napoléon institue une inégalité entre les époux qui perdurera longtemps. Selon l'article Famille - les enjeux de la parentalité d'Universalis, « La femme est donnée à l'homme pour qu'elle lui fasse des enfants. Elle est donc sa propriété comme l'arbre fruitier est celle du jardinier », dixit l’empereur. Il faudra plus d’un siècle pour qu’un semblant d’égalité refasse surface : « Il faut attendre une loi de 1907 pour que la femme mariée puisse disposer de son propre salaire. La loi de 1938 supprime la puissance maritale et affirme la capacité de la femme mariée, mais le véritable changement aura lieu le 13 juin 1965 avec la réforme des régimes matrimoniaux abolissant la tutelle maritale.
En d’autres termes, les femmes ont le droit d’être titulaires d’un compte en banque sans autorisation explicite de son mari !
Parallèlement, ces évolutions sociétales touchent également les principes de filiation, puisque depuis 1972 « les enfants nés hors mariage bénéficient des mêmes droits ou presque que ceux nés du mariage. »
D’autres réformes suivront, qui continueront de démanteler l’inégalité induite par la notion de « chef de famille » dans le premier Code civil. Vous en trouverez la chronologie sur vie-publique.fr. La dernière évolution en date, est, bien sûr, la promulgation de la
- Histoire du mariage en Occident / [Livre] / Jean-Claude Bologne
- Histoire du mariage sous toutes ses formes... [Livre] / A. Giraud-Teulon, Professeur de Philosophie de l'Histoire à l'Université de Genève.
- Le mariage amoureux [Livre] : histoire du lien conjugal sous l'Ancien Régime / Maurice Daumas
- Noces révolutionnaires [Livre] : le mariage des prêtres en France, 1789-1815 / Xavier Maréchaux ; préface de Michel Vovelle
- Brève histoire du mariage depuis l’antiquité sur herodote.net
- Anne Verjus, Claire Cage, Jennifer Heuer, Andrea Mansker, Meghan Roberts, « Regards croisés sur le mariage à l’époque révolutionnaire et impériale », Annales historiques de la Révolution française 2017/2 (n° 388) , consultable sur Cairn en bibliothèque.
Bonne journée.
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