Résistants universitaires à la nazification en 1933 et suiv.
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 28/01/2020 à 10h30
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Question d'origine :
En 1933 et suivantes, y a-t-il eu bcp de résistants universitaires à la nazification de l'université allemande ? Quels sont les plus notables ? Comment ont-ils majoritairement dit « non ! » ? (démissions ? résistance active ? sabotage ? ou simple protestation sans conséquewnce ?).
A l'inverse, y a-t-il eu un « appel d'air » (plutôt un « appel d'offres ») pour inciter de jeunes allemands à se lancer dans une carrière universitaire ad hoc, en raison des licenciements des universitaires juifs ?
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 30/01/2020 à 09h50
Bonjour,
Nous retrouvons peu d’exemples d’actes de résistance au sein des universités allemandes sous le IIIe Reich, et pour cause : l’adoption de la loi sur la restauration de la fonction publique le 7 avril 1933 a permis aux dirigeants nazi de destituer les fonctionnaires juifs ou considérés comme politiquement hostiles, y compris dans les universités.
Beaucoup d’intellectuels allemands émigrent dès 1933, notamment vers la France, et s’engagent dans la résistance depuis l’étranger :
« L’exode des intellectuels toucha environ 5 500 universitaires, écrivains, artistes et journalistes. […] en général les nombreux groupes d’exilés allemands ne sont formellement pas comptabilisés dans la résistance à Hitler. Mais, dans la réalité, ceux-ci constituèrent aussi une partie de la résistance politique ; cela permet de comprendre pourquoi dans certains domaines de la vie publique, dans les universités par exemple,il y eut en Allemagne si peu de résistance contre la mise au pas : tout simplement parce qu’un nombre considérable des opposants au régime avaient été expulsés ou réduits à prendre la fuite. Cela fut le cas pour une grande partie des élites politiques et culturelles de la République de Weimar qui voulurent, dès lors, poursuivre le combat depuis l’étranger. […] On sait que jusqu’à l’année 1939, le nombre des universitaires démis de leurs fonctions ou mis à la retraite d’office s’élève à environ 2 000. »
MÖLLER, Horst. L’émigration hors de l’Allemagne nazie : Causes, phases et formes In : Exil et résistance au national-socialisme (1933-1945). Paris : Presses Sorbonne Nouvelle, 1998
« Difficile d’esquisser une sociologie de ces émigrés-résistants. Toutefois, nous disposons d’une statistique intéressante, établie par la préfecture de police de la Seine, le 7 novembre 1933, et qui recense 7 195 réfugiés en provenance d’Allemagne. Sur ce nombre, 4039 sont de nationalité allemande. Artistes, intellectuels et écrivains y sont surreprésentés (114 acteurs et artistes de music-hall, 139 avocats, 118 médecins, 70 musiciens ou chefs d’orchestre, 67 journalistes, 49 écrivains, 74 professeurs).
Le nombre élevé des réfugiés appartenant aux professions libérales et aux intellectuels est une des caractéristiques de l’émigration allemande, à Paris, en 1933. Il est probable que ces catégories sociales sont également fortement représentées parmi les résistants allemands en France…, ce qui explique sans doute le nombre d’organes de presse et de publications qui paraissent en France à partir de la fin 1933. Ces Allemands entretiennent, pour certains, de longue date, des relations avec leurs homologues français. Ce qui permet de comprendre également comment et pourquoi ont été créés, dès 1933, des comités (regroupant savants, écrivains, intellectuels français) qui s’emploient à venir en aide à leurs collègues allemands et surtout qui coopèrent avec eux pour stigmatiser et combattre le fascisme allemand. »
Source : Des Allemands contre le nazisme : oppositions et résistances, 1933-1945 : actes du colloque franco-allemand organisé à Paris du 27 au 29 mai 1996 / publ. sous la dir. de Christine Levisse-Touzé et Stefan Martens
Parmi les exemples que nous pouvons citer, le plus connu est certainement le groupe La Rose blanche à l’université de Munich. Membre du "noyau dur" de ce groupe de résistance, Kurt Huber, un professeur de philosophie, fut arrêté le 27 février 1943, destitué de son doctorat et de sa chaire d'enseignement par l'université de Munich et traduit en justice le 19 avril 1943 pour "haute trahison" ; il est guillotiné le 13 juillet, à l'âge de quarante-neuf ans.
La Rose blanche rassemblait une centaine de résistants, dont plusieurs professeurs et enseignants, et de nombreux étudiants :
« Au cours de l’été 1942, ces étudiants étaient tous en deuxième ou troisième année de médecine, sauf Sophie Scholl qui s’était inscrite en biologie et en philosophie. Ils faisaient partie de différentes associations d’étudiants, étaient libérés du service militaire et s’étaient soustraits à l’emprise de l’appareil du parti national-socialiste. Après avoir tous accompli plus de deux ans de service de travail, de guerre ou de service militaire ou encore de mission d’assistance de guerre, le temps où ils pouvaient s’adonner à leurs intérêts communs – qu’ils soient artistiques, politiques ou philosophiques – prenait presque plus d’importance que leurs études de médecine. Ils allaient au concert, se rencontraient à des soirées de lectures ou de discussions, assistaient aussi aux cours du professeur Huber, spécialiste de chants populaire et philosophe renommé de l’université de Munich. Ils prirent leurs distances vis-à-vis des positions du nazisme et développèrent leur capacité de jugement et leurs valeurs personnelles.
Ce « cercle d’une centaine d’étudiants, d’élèves, de professeurs, d’enseignants, de médecins, de libraires, d’écrivains et d’artistes », passe pour le plus important de la résistance de jeunes allemands sous le IIIe Reich. A l’exception de Sophie Scholl, tous avaient plus de 21 ans. N’oublions pas non plus que bien avant la Rose blanche, il existait d’autres groupes de jeunes résistants de diverses origines sociales, politiques et confessionnelles, mais qui appartenaient surtout au mouvement ouvrier. Eux aussi avaient, par des actions semblables à celles de la Rose blanche, appelé à se soulever contre le régime nazi. La Rose blanche est donc un exemple parmi les multiples groupes de jeunes résistants qui, pour la plupart, restent jusqu’à ce jour « dans l’ombre de la Rose blanche ».
Références citées :
Thorsten Müller, « Die Spur der Weißen Rose. 25 Jahre danach », in Deutsches Allgemeines Sonntagsblatt, n°17, 26 avril 1970, p.8
Jürgen Zarusky, « Jugendopposition », in Wolfgang Benz, Walter H. Pehle (dir.), Lexikon des deutschen Widerstands, Francfort-sur-le-Main, Fischer, 1994, pp. 98-112.
Kurt Schilde, Im Schatten der « Weißen Rose ». Jungendopposition gegen den Nationalsozialismus im Spiegel der Forschung (1945 bis 1989), Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 1995.
Source : Des Allemands contre le nazisme : oppositions et résistances, 1933-1945 : actes du colloque franco-allemand organisé à Paris du 27 au 29 mai 1996 / publ. sous la dir. de Christine Levisse-Touzé et Stefan Martens
L’article Wikipedia sur la résistance allemande au nazisme mentionne également un groupe de résistance dans l’université d’Iéna. Nous nous sommes donc reportés à l’article consacré à cette université, qui nous donne un aperçu de ce qu’était la prise de contrôle des universités allemandes par les nazis :
« En 1934, à l'initiative du Gauleiter, l'université est rebaptisée en honneur au poète et dramaturge Friedrich Schiller. Bientôt, des nazis convaincus comme l'anthropologue et dignitaire SS Karl Astel se saisissent du rectorat. Dès l'année précédente, de nombreux professeurs avaient été contraints de démissionner de l'université en application de la Loi allemande sur la restauration de la fonction publique. Les associations étudiantes furent dissoutes et intégrées aux mouvements de jeunesse nazis dans le cadre de la « Gleichschaltung|mise au pas. » Les recherches menées depuis sur le cas du pédiatre Youssouf Ibrahim (1877-1953) ont été particulièrement révélatrice de l'action des nazis : une commission sénatoriale a établi l'implication de ce médecin dans l'euthanasie pratiquée contre les enfants débiles. »
Source : Wikipedia
Citons encore Liselotte Hermann, renvoyée de l’université de Berlin, où elle était étudiante, en raison de son opposition ouverte au régime :
« L'exemple de Liselotte Herrmann est significatif. Jeune étudiante communiste et jeune mère, elle proteste ouvertement contre la prise du pouvoir par Hitler, ce qui lui vaut son renvoi de l'université de Berlin. Elle s'installe alors dans le Wurtemberg et participe à différentes actions de résistance. Avec des amis, elle parvient à faire passer à l'étranger des informations sur le réarmement national-socialiste.
Elle est arrêtée en décembre 1935 et condamnée à mort avec deux de ses amis en été 1937. Elle est exécutée le 20 juin 1938 à la prison de Berlin-Plötzensee, malgré des protestations du monde extérieur. Elle est la première mère exécutée. Elle laisse derrière elle un petit garçon qui sera élevé par les parents de Liselotte. »
Source : ULAC de Bagnolet
Et Margarete Sommer, qui fut contrainte de démissionner car elle refusait d’enseigner la politique nazie de stérilisation obligatoire des personnes handicapées. Une fois sans emploi, elle rejoignit des groupes catholiques qui aidaient les chrétiens « non-aryens » à émigrer hors d’Allemagne.
Bonne journée.
Nous retrouvons peu d’exemples d’actes de résistance au sein des universités allemandes sous le IIIe Reich, et pour cause : l’adoption de la loi sur la restauration de la fonction publique le 7 avril 1933 a permis aux dirigeants nazi de destituer les fonctionnaires juifs ou considérés comme politiquement hostiles, y compris dans les universités.
Beaucoup d’intellectuels allemands émigrent dès 1933, notamment vers la France, et s’engagent dans la résistance depuis l’étranger :
« L’exode des intellectuels toucha environ 5 500 universitaires, écrivains, artistes et journalistes. […] en général les nombreux groupes d’exilés allemands ne sont formellement pas comptabilisés dans la résistance à Hitler. Mais, dans la réalité, ceux-ci constituèrent aussi une partie de la résistance politique ; cela permet de comprendre pourquoi dans certains domaines de la vie publique, dans les universités par exemple,il y eut en Allemagne si peu de résistance contre la mise au pas : tout simplement parce qu’un nombre considérable des opposants au régime avaient été expulsés ou réduits à prendre la fuite. Cela fut le cas pour une grande partie des élites politiques et culturelles de la République de Weimar qui voulurent, dès lors, poursuivre le combat depuis l’étranger. […] On sait que jusqu’à l’année 1939, le nombre des universitaires démis de leurs fonctions ou mis à la retraite d’office s’élève à environ 2 000. »
MÖLLER, Horst. L’émigration hors de l’Allemagne nazie : Causes, phases et formes In : Exil et résistance au national-socialisme (1933-1945). Paris : Presses Sorbonne Nouvelle, 1998
« Difficile d’esquisser une sociologie de ces émigrés-résistants. Toutefois, nous disposons d’une statistique intéressante, établie par la préfecture de police de la Seine, le 7 novembre 1933, et qui recense 7 195 réfugiés en provenance d’Allemagne. Sur ce nombre, 4039 sont de nationalité allemande. Artistes, intellectuels et écrivains y sont surreprésentés (114 acteurs et artistes de music-hall, 139 avocats, 118 médecins, 70 musiciens ou chefs d’orchestre, 67 journalistes, 49 écrivains, 74 professeurs).
Le nombre élevé des réfugiés appartenant aux professions libérales et aux intellectuels est une des caractéristiques de l’émigration allemande, à Paris, en 1933. Il est probable que ces catégories sociales sont également fortement représentées parmi les résistants allemands en France…, ce qui explique sans doute le nombre d’organes de presse et de publications qui paraissent en France à partir de la fin 1933. Ces Allemands entretiennent, pour certains, de longue date, des relations avec leurs homologues français. Ce qui permet de comprendre également comment et pourquoi ont été créés, dès 1933, des comités (regroupant savants, écrivains, intellectuels français) qui s’emploient à venir en aide à leurs collègues allemands et surtout qui coopèrent avec eux pour stigmatiser et combattre le fascisme allemand. »
Source : Des Allemands contre le nazisme : oppositions et résistances, 1933-1945 : actes du colloque franco-allemand organisé à Paris du 27 au 29 mai 1996 / publ. sous la dir. de Christine Levisse-Touzé et Stefan Martens
Parmi les exemples que nous pouvons citer, le plus connu est certainement le groupe La Rose blanche à l’université de Munich. Membre du "noyau dur" de ce groupe de résistance, Kurt Huber, un professeur de philosophie, fut arrêté le 27 février 1943, destitué de son doctorat et de sa chaire d'enseignement par l'université de Munich et traduit en justice le 19 avril 1943 pour "haute trahison" ; il est guillotiné le 13 juillet, à l'âge de quarante-neuf ans.
La Rose blanche rassemblait une centaine de résistants, dont plusieurs professeurs et enseignants, et de nombreux étudiants :
« Au cours de l’été 1942, ces étudiants étaient tous en deuxième ou troisième année de médecine, sauf Sophie Scholl qui s’était inscrite en biologie et en philosophie. Ils faisaient partie de différentes associations d’étudiants, étaient libérés du service militaire et s’étaient soustraits à l’emprise de l’appareil du parti national-socialiste. Après avoir tous accompli plus de deux ans de service de travail, de guerre ou de service militaire ou encore de mission d’assistance de guerre, le temps où ils pouvaient s’adonner à leurs intérêts communs – qu’ils soient artistiques, politiques ou philosophiques – prenait presque plus d’importance que leurs études de médecine. Ils allaient au concert, se rencontraient à des soirées de lectures ou de discussions, assistaient aussi aux cours du professeur Huber, spécialiste de chants populaire et philosophe renommé de l’université de Munich. Ils prirent leurs distances vis-à-vis des positions du nazisme et développèrent leur capacité de jugement et leurs valeurs personnelles.
Ce « cercle d’une centaine d’étudiants, d’élèves, de professeurs, d’enseignants, de médecins, de libraires, d’écrivains et d’artistes », passe pour le plus important de la résistance de jeunes allemands sous le IIIe Reich. A l’exception de Sophie Scholl, tous avaient plus de 21 ans. N’oublions pas non plus que bien avant la Rose blanche, il existait d’autres groupes de jeunes résistants de diverses origines sociales, politiques et confessionnelles, mais qui appartenaient surtout au mouvement ouvrier. Eux aussi avaient, par des actions semblables à celles de la Rose blanche, appelé à se soulever contre le régime nazi. La Rose blanche est donc un exemple parmi les multiples groupes de jeunes résistants qui, pour la plupart, restent jusqu’à ce jour « dans l’ombre de la Rose blanche ».
Références citées :
Thorsten Müller, « Die Spur der Weißen Rose. 25 Jahre danach », in Deutsches Allgemeines Sonntagsblatt, n°17, 26 avril 1970, p.8
Jürgen Zarusky, « Jugendopposition », in Wolfgang Benz, Walter H. Pehle (dir.), Lexikon des deutschen Widerstands, Francfort-sur-le-Main, Fischer, 1994, pp. 98-112.
Kurt Schilde, Im Schatten der « Weißen Rose ». Jungendopposition gegen den Nationalsozialismus im Spiegel der Forschung (1945 bis 1989), Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 1995.
Source : Des Allemands contre le nazisme : oppositions et résistances, 1933-1945 : actes du colloque franco-allemand organisé à Paris du 27 au 29 mai 1996 / publ. sous la dir. de Christine Levisse-Touzé et Stefan Martens
L’article Wikipedia sur la résistance allemande au nazisme mentionne également un groupe de résistance dans l’université d’Iéna. Nous nous sommes donc reportés à l’article consacré à cette université, qui nous donne un aperçu de ce qu’était la prise de contrôle des universités allemandes par les nazis :
« En 1934, à l'initiative du Gauleiter, l'université est rebaptisée en honneur au poète et dramaturge Friedrich Schiller. Bientôt, des nazis convaincus comme l'anthropologue et dignitaire SS Karl Astel se saisissent du rectorat. Dès l'année précédente, de nombreux professeurs avaient été contraints de démissionner de l'université en application de la Loi allemande sur la restauration de la fonction publique. Les associations étudiantes furent dissoutes et intégrées aux mouvements de jeunesse nazis dans le cadre de la « Gleichschaltung|mise au pas. » Les recherches menées depuis sur le cas du pédiatre Youssouf Ibrahim (1877-1953) ont été particulièrement révélatrice de l'action des nazis : une commission sénatoriale a établi l'implication de ce médecin dans l'euthanasie pratiquée contre les enfants débiles. »
Source : Wikipedia
Citons encore Liselotte Hermann, renvoyée de l’université de Berlin, où elle était étudiante, en raison de son opposition ouverte au régime :
« L'exemple de Liselotte Herrmann est significatif. Jeune étudiante communiste et jeune mère, elle proteste ouvertement contre la prise du pouvoir par Hitler, ce qui lui vaut son renvoi de l'université de Berlin. Elle s'installe alors dans le Wurtemberg et participe à différentes actions de résistance. Avec des amis, elle parvient à faire passer à l'étranger des informations sur le réarmement national-socialiste.
Elle est arrêtée en décembre 1935 et condamnée à mort avec deux de ses amis en été 1937. Elle est exécutée le 20 juin 1938 à la prison de Berlin-Plötzensee, malgré des protestations du monde extérieur. Elle est la première mère exécutée. Elle laisse derrière elle un petit garçon qui sera élevé par les parents de Liselotte. »
Source : ULAC de Bagnolet
Et Margarete Sommer, qui fut contrainte de démissionner car elle refusait d’enseigner la politique nazie de stérilisation obligatoire des personnes handicapées. Une fois sans emploi, elle rejoignit des groupes catholiques qui aidaient les chrétiens « non-aryens » à émigrer hors d’Allemagne.
Bonne journée.
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