Question d'origine :
Bonjour, Il n est pas rare que des auteurs, dans différents domaines, remercient telle ou telle personne qui les à aidé, inspiré, relu... Or encore au XIX eme je pense on ne voit pas cette pratique... Savez vous ou, quand, comment elle est née, en France et éventuellement ailleurs ? Un grand merci ! Le Yéti
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 17/05/2021 à 09h24
Bonjour,
Du fait de la situation sanitaire, nous privilégions le télétravail et n'avons pas toujours accès à nos collections. Ainsi, nous avons dû nous passer de documents utiles sur l'histoire de l'édition, que nous pourrons consulter dès que l'occasion se présentera.
Nous pouvons toutefois penser que l'ajout de remerciements en fin d'ouvrage est une pratique récente dans la littérature française, remontant sans doute au début-milieu des années 2010, si on se fie à la date des rares articles que nous trouvons sur le sujet. Cependant, l'universitaire Jean-Yves Mollier, spécialiste de l'histoire de l'édition, interrogé par L'Express en 2014, y voit le retour d'une pratique ancienne : "ces remerciements relevant du "paratexte", pour reprendre l'expression de Gérard Genette, me rappellent la pratique du mécénat aux XVIe et XVIIe siècles : "A Son Excellence le duc de Bourgogne", "A Sa Majesté", etc. La Fontaine, Racine, Corneille s'y conformaient car, à cette époque, les écrivains ne vivaient pas de leurs droits d'auteur. Cette pratique va disparaître avec l'autonomisation du champ littéraire au XIXe siècle".
Jean-Yves Mollier relève que la pratique des remerciements s'est perpétuée dans les sciences humaines où elle témoigne d'un "objectif de légitimation" des pairs - et par ailleurs, que lorsque les écrivain.es ont reçu une bourse d'écriture d'une institution, l'exercice est quasi obligatoire. Mais si l'universitaire voit dans le retour de cette pratique un paradoxe "contraire à l'avant-garde", puisque l'écrivain, désormais "indépendant" - ce qui doit tout de même être relativisé du fait de l'existence des bourses de création -, l'éditeur Manuel Carcassonne y voit une manière d'entr'ouvrir au lecteur le secret de la fabrication de l'œuvre :
""Aujourd'hui, on laisse entrevoir une partie de la maçonnerie, les échafaudages, les coulisses. C'est l'attestation d'une dette en quelque sorte. On signale ceux qui ont mis la main à la pâte, à la façon des romanciers anglo-saxons." Lesquels ont érigé de longue date les remerciements en passage obligé, au point que rares sont désormais ces écrivains étrangers qui ne concluent pas leur fiction par une litanie d'"acknowledgments"." Pratique saluée par une éditrice interrogée, car elle casse l'image d'inspiration divine qui colle selon elle aux écrivains...
Cette préoccupation fait écho à la conception de l'art comme résultat d'un travail collectif développée par le sociologue Howard S Becker dans Les mondes de l'art :
Tout travail artistique, de même que toute activité humaine, fait intervenir les activités conjuguées d'un certain nombre, et souvent d'un grand nombre, de personnes. L'œuvre d'art que nous voyons ou que nous entendons au bout du compte commence et continue à exister grâce à leur coopération. L'œuvre porte toujours des traces de cette coopération. Celle-ci peut revêtir une forme éphémère, mais devient souvent plus ou moins systématique, engendrant des structures d'activité collective que l'on peut appeler mondes de l'art.
Si cette reconnaissance est arrivée plus tôt dans la littérature anglo-saxonne, l'éditrice et journaliste Sarah Shaffi rappelle sur le site de l'éditeur britannique Penguin books que même nos voisins d'outre-manche se sont mis à remercier bien tard, puisque jusque dans les années 1960, l'ajout de crédit était relégué à la rédaction d'almanachs lycéens... tandis qu'aujourd'hui les romancier.es britanniques remercient non pas à la fin, mais au début de leur livre.
Bonne journée.
Du fait de la situation sanitaire, nous privilégions le télétravail et n'avons pas toujours accès à nos collections. Ainsi, nous avons dû nous passer de documents utiles sur l'histoire de l'édition, que nous pourrons consulter dès que l'occasion se présentera.
Nous pouvons toutefois penser que l'ajout de remerciements en fin d'ouvrage est une pratique récente dans la littérature française, remontant sans doute au début-milieu des années 2010, si on se fie à la date des rares articles que nous trouvons sur le sujet. Cependant, l'universitaire Jean-Yves Mollier, spécialiste de l'histoire de l'édition, interrogé par L'Express en 2014, y voit le retour d'une pratique ancienne : "ces remerciements relevant du "paratexte", pour reprendre l'expression de Gérard Genette, me rappellent la pratique du mécénat aux XVIe et XVIIe siècles : "A Son Excellence le duc de Bourgogne", "A Sa Majesté", etc. La Fontaine, Racine, Corneille s'y conformaient car, à cette époque, les écrivains ne vivaient pas de leurs droits d'auteur. Cette pratique va disparaître avec l'autonomisation du champ littéraire au XIXe siècle".
Jean-Yves Mollier relève que la pratique des remerciements s'est perpétuée dans les sciences humaines où elle témoigne d'un "objectif de légitimation" des pairs - et par ailleurs, que lorsque les écrivain.es ont reçu une bourse d'écriture d'une institution, l'exercice est quasi obligatoire. Mais si l'universitaire voit dans le retour de cette pratique un paradoxe "contraire à l'avant-garde", puisque l'écrivain, désormais "indépendant" - ce qui doit tout de même être relativisé du fait de l'existence des bourses de création -, l'éditeur Manuel Carcassonne y voit une manière d'entr'ouvrir au lecteur le secret de la fabrication de l'œuvre :
""Aujourd'hui, on laisse entrevoir une partie de la maçonnerie, les échafaudages, les coulisses. C'est l'attestation d'une dette en quelque sorte. On signale ceux qui ont mis la main à la pâte, à la façon des romanciers anglo-saxons." Lesquels ont érigé de longue date les remerciements en passage obligé, au point que rares sont désormais ces écrivains étrangers qui ne concluent pas leur fiction par une litanie d'"acknowledgments"." Pratique saluée par une éditrice interrogée, car elle casse l'image d'inspiration divine qui colle selon elle aux écrivains...
Cette préoccupation fait écho à la conception de l'art comme résultat d'un travail collectif développée par le sociologue Howard S Becker dans Les mondes de l'art :
Tout travail artistique, de même que toute activité humaine, fait intervenir les activités conjuguées d'un certain nombre, et souvent d'un grand nombre, de personnes. L'œuvre d'art que nous voyons ou que nous entendons au bout du compte commence et continue à exister grâce à leur coopération. L'œuvre porte toujours des traces de cette coopération. Celle-ci peut revêtir une forme éphémère, mais devient souvent plus ou moins systématique, engendrant des structures d'activité collective que l'on peut appeler mondes de l'art.
Si cette reconnaissance est arrivée plus tôt dans la littérature anglo-saxonne, l'éditrice et journaliste Sarah Shaffi rappelle sur le site de l'éditeur britannique Penguin books que même nos voisins d'outre-manche se sont mis à remercier bien tard, puisque jusque dans les années 1960, l'ajout de crédit était relégué à la rédaction d'almanachs lycéens... tandis qu'aujourd'hui les romancier.es britanniques remercient non pas à la fin, mais au début de leur livre.
Bonne journée.
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