Question d'origine :
Bonjour,
pensez-vous qu'il est juste, de la part de certains musulmans, de dire que l'Islam est une religion de paix?Il semble que les plus tolérants des mahométans d'ici tirent leurs arguments dans le même livre que ces extremistes de là-bas...Comment expliquer ce terrible paradoxe?
J'ai conscience de la difficulté de répondre à ceci. Mais je crois que vous êtes la source la plus objective sur laquelle je puis m'appuyer.Merci, et bon travail....
Réponse du Guichet

« Selon l’étymologie du mot en langue arabe, le Coran exprime une communication orale. Elle se présente elle-même comme la parole de Dieu, révélée au prophète Muhammad et qui fut transmise par parties pendant une durée supérieure à vingt ans. Après des transcriptions fragmentaires du vivant du Prophète, l’ensemble de ces communications fut fixé par écrit en un livre, sous le califat de Uthman (644-655). »
« Mais quelle est la nature de ce texte ?... Le Coran est-il Parole humaine ou divine ? Parole divine, le Coran est-il non créé et consubstantiel à Dieu, ou créé et différent de Dieu par la substance ? Parole humaine, qui en est l’auteur, et quelle en est l’histoire ?
A ces questions, il n’a y pas de réponse unanimement acceptée comme objective, qui puisse s’imposer à tous avec une égale certitude, une même conviction et une parfaite évidence… »
Cf Réflexions sur le Coran par Mohammed Talbi et Maurice Bucaille
Pour répondre, malgré tout, à votre question, voyez l’article d’Antoine Sfeir intitulé « Treize siècles d’interprétation », que vous trouverez dans le n°1 du Monde des religions. En voici un extrait :
« Dans l’islam, qui a le droit de tirer du Coran des règles pratiques de comportement, et selon quels critères ? Quelles sont les écoles d’interprétation ? Qu’est-ce qui explique le succès de la lecture fondamentaliste, et gagne-t-elle du terrain aujourd’hui ? »
« Les interprètes
Le Prophète a dit dans un hadith célèbre : « Seuls ceux qui possèdent le savoir peuvent interpréter. » L’ijtihad, l’effort d’interprétation, a pris son essor après la mise par écrit du Coran en 652 de l’ère courante. Il consiste à formuler de nouvelles règles en fonction de l’évolution des sociétés. Cela en s’inspirant des ouçoul, des principes généraux de la religion et du droit.
C’est sans doute pour cette raison que les premiers à interpréter ont été les juristes qui ont travaillé à l’élaboration du droit musulman, le fiqh. La communauté musulmane a donc réservé à quelques savants érudits et pieux le soin de dégager du Coran et de la Sunna (tradition) ce qui est permis (halal) et ce qui est interdit (haram). »
Nous vous laissons poursuivre la lecture de cet article qui vous permettra de constater la grande diversité des interprétations du Coran au cours de l’histoire et selon les zones géographiques : les malékites dans le Maghreb et le Nord de l’Egypte, les chaféites dans les anciennes provinces européennes et balkaniques de l’Empire ottoman, les hanbalites dans la péninsules arabique (qui donneront le wahhabisme), les hannafites dans les pays du Proche-Orient.
Pour de plus amples renseignements sur le Coran, sa place dans la vie et la société islamique, les sources du dogme et de la loi en Islam, nous vous conseillons les deux ouvrages suivants :
* Le Coran par Azzedine Guellouz
* Le Coran par Régis Blachère
La Bm de Lyon dispose dans ses collections de nombreuses éditions du Coran dans ses différentes traductions ; le point de vue développé par les différents traducteurs tels Jacques Berque, Régis Blachère, Jean Grosjean, Mohammed Arkoun, Youssef Seddik (liste non exhaustive) vous permettra aussi d’appréhender cette diversité interprétative du point de vue de la transmission.
Concernant plus largement le thème de la violence dans les monothéismes, nous vous conseillons :
* La violence : ce qu’en disent les religions sous la dir. De Philippe Gaudin, Véronique Bouillier, François Clavairoly, etc…
* Dieu en guerre : la violence au cœur des monothéismes par Michel Dousse
Pour conclure, nous ne résistons pas à la tentation de citer Jean-Luc Nancy dans sa préface au livre du philosophe algérien Mustapha Chérif, L’Islam : tolérant ou intolérant ? :
« En mettant son travail sous le signe de l’ « autre », Mustapha Chérif le met sous le signe d’une catégorie dont la caractéristique la plus forte et la plus précieuse doit rester celle de se dérober, justement, à la catégorisation. Il n’y a pas l’ « autre », ni l’ « Autre ». Mais l’altérité de l’autre le rend autre à lui-même. L’ « autre », c’est ceci que nul n’est simplement identique à soi-même. Et cela vaut aussi, ou cela vaut d’abord de cet « Autre » nommé « Dieu » par notre tradition commune et multiple de gens du Livre. »
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