Pourquoi les adolescents se rebellent-ils contre l'autorité parentale ?
JEUNESSE
+ DE 2 ANS
Le 03/11/2021 à 16h39
8726 vues
Réponse du Guichet

A l'adolescence, le corps, le cerveau et les hormones subissent une brutale mutation. L'enfant cherche une nouvelle place dans la famille, ne correspondant pas toujours à celle que ses parents continuent de lui assigner. Cette recherche de limites peut créer incompréhension et tensions.
Bonjour,
L'adolescence est un moment de profond bouleversement, à l'échelle de l'adolescent et de sa vie, de son rapport à lui-même, au groupe, à sa famille, mais aussi une période de profonde mutation du cerveau et de bouleversement hormonal - ce qui explique en grande partie les tentatives de rébellion des adolescents contre l'autorité parentale.
Dans Ados [Livre] : le décodeur / Estelle Denis et Stéphane Clerget, ce dernier, pédopsychiatre, indique :
"Alors que les changements physiques éclosent à peine, on peut observer de brutaux changements de tempérament. Mon enfant, qui était calme, obéissant, serviable et respectueux des règles, devient un ado de mauvaise humeur, opposant, égocentrique et rebelle. Ces manifestations sont variables d'un individu à un autre, mais se rencontre fréquemment. La sécrétion des hormones sexuelles et des hormones de croissance sont souvent responsables d'une forme d'agressivité et de tensions internes. Les remaniements psychiques expliquent le reste. En effet, lors de cette nouvelle phase de croissance cérébrale, les pulsions de la petite enfance, qui avaient été mises sous contrôle à l'âge de 2-6 ans (grâce à l'éducation) et durant toute la période dite de latence (qui correspond au temps de l'école primaire), réapparaissent. On retrouve alors l'enfant de 2 à 5 ans qui, après avoir été un bébé plus ou moins tranquille, disait non à tout, lançait ses premiers gros mots, nous tenait tête, pensait que tout le monde tournait autour de sa personne et se conduisait comme un tyran. Tout cela ressemble à une immense régression qui se comprend si l'on considère que l'adolescence est une nouvelle naissance, avec un nouveau corps et un cerveau en devenir.
Concernant la désobéissance, Stéphane Clerget conseille d'instaurer des limites, mais non impossibles à tenir, comme le respect d'une heure de rentrée, ou la participation aux tâches ménagères, qui va de pair avec de meilleurs résultats scolaires.
Pourtant, dans son livre L'adolescence, Michel Fize bat en brèche l'idée que l'adolescence soit forcément une période de crise. Cependant, l'incompréhension entre parents et ados apparaît très fréquente, et les parents ont une part de responsabilité : voyant toujours leur ado comme un enfant, ils tendent à le traiter comme tel - ne serait-ce que parce que "les souvenirs que la plupart d'entre nous gardent de [...] leur adolescence sont superficiels et altérés par l'action du temps". De plus, citant le psychologue Alexandre Rey-Herme, Fize souligne que "l'adolescent n'est pas ingrat parce qu'il est adolescent, mais il est adolescent parce qu'il faut qu'il se libère affectivement de ce qui a fait son enfance" afin de devenir indépendant, cette indépendance ayant forcément, à ses yeux, trop de limites à son âge. A cela s'ajoute les rapides changements de la société qui affectent les relations familiales, entraînant une perte de l'autorité parentale. Or, c'est précisément "des assurances, de la confiance" que recherchent des ados : une "lecture du monde" claire pour y confronter la leur. Une attitude trop laxiste, ou au contraire, trop autoritaire, les mettra dans une position d'insécurité.
Mais la grande affaire des adolescents est d'échapper progressivement à l'autorité parentale pour devenir adulte. Dans Les problèmes d'autorité avec l'enfant et l'adolescent, Francis Ancibure et Marivi Galan Ancibure écrivent :
Si les raisons pour lesquelles le jeune se soustrait à l'autorité sont multiples, dans tous les cas, ce refus doit être interprété comme une réponse à l'Autre qui forme son entourage (parents, famille, école, lycée, société...). Qu'il le veuille ou non, le sujet demeure l'enfant de ses parents et même un "enfant" à leurs yeux. Se soustraire à leur influence, devrait être pris pour le signe d'une certaine maturité et d'une indépendance salutaire. Pourtant, beaucoup de parents interprètent cette prise de distance comme un rejet. La soustraction à l'autorité porte sur la limitation de l'influence de l'Autre et le nécessaire détachement du mineur à son endroit. [...]En fait, les déclarations d'indépendance de la part des enfants sont faussement considérées comme un refus d'autorité ; elles constituent une étape décisive, qui les conduit à se passer des parents à condition de s'en servir, c'est-à-dire s'appuyer sur leur autorité - et non de les servir.
Les auteurs soutiennent que l'agressivité est une recherche de réponse de l'autorité de l'adulte - mais d'une autorité qui ne doit pas être confondue avec le pouvoir, puisque désormais l'ado a besoin d'en évaluer la légitimité.
Voici quelques ouvrages pour aller plus loin :
La discipline positive pour les adolescents [Livre] : comment accompagner nos ados, les encourager et les motiver avec fermeté et bienveillance / Jane Nelsen et Lynn Lott
Le développement de l'adolescent [Livre] : l'adolescent à la recherche de son identité / Christine Cannard
On ne se comprend plus ! [Livre] : traverser sans dommages la période des portes qui claquent entre 12 et 17 ans / Isabelle Filliozat ; illustrations d'Anouk Dubois
Les ados expliqués à leurs parents [Livre] / Marie-Rose Moro ; avec Odile Amblard
Petit décodeur illustré de l'ado en crise [Livre] : quand la crise nous permet d'enrichir le lien / Anne-Claire Kleindienst, Lynda Corazza
Comment agir avec un adolescent en crise... [Livre] / J.-D. Nasio
DANS NOS COLLECTIONS :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter