Quel livre fait référence aux origines écossaises de la franc-maçonnerie ?
Question d'origine :
Bonjour je cherche un livre qui fait référence aux origines de la franc-maçonnerie qui seraient nees en Ecosse lors de la rencontre des derniers templiers et des ecossais ... Vrai ou mythe ? Pouvez-vous m'aider svp?
Réponse du Guichet
La plupart des spécialistes conviennent du caractère fictif de cette filiation entre la franc-maçonnerie et l’ordre des Templiers. Néanmoins, plusieurs auteurs dès le XVIIIe siècle vont forger cette légende, qui reste encore aujourd’hui une idée reçue tant du côté franc-maçon que du côté de l’histoire des Templiers.
Bonjour,
Selon le Que sais-je? sur la Franc-maçonnerie de Roger Dachez et Alain Bauer, « la Franc-maçonnerie spéculative, par tâtonnement successifs, du fait d’initiatives sans doute non concertées, a été progressivement créée au cours du XVIIe siècle, en Angleterre, par des hommes qui se qualifiaient de free-masons ». Ils n’hésitent en outre pas à dire que « toute hypothèse de survivance secrète de l’Ordre du Temple relève du pur fantasme ». Ce n’est qu’au XVIIIe siècle que le mythe d’une création de la franc-maçonnerie par les Templiers voit véritablement le jour.
On peut citer trois références qui, dès cette époque, construisent ou font vivre ce mythe :
Un des premiers francs-maçons à conférer une origine chevaleresque à son ordre est André-Michel Ramsay, en 1736. Dans son article La stricte observance templière: la confusion, Didier le Masson cite un extrait du Discours de Ramsay qui rattache la franc-maçonnerie non à l’ordre du Temple mais aux chevaliers de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem.
Nos ancêtres, les Croisés voulurent réunir dans une seule fraternité les sujets de toutes les nations […] Nous avons parmi nous trois espèces de confrères; des novices, ou apprentis, des compagnons ou profès, des Maîtres ou Parfaits […] Du temps des guerres saintes, on ne communiquait ces signes et ces paroles qu’à ceux qui promettaient solennellement et souvent même au pied des autels, de ne jamais les révéler […] Quelque temps après, notre Ordre s’unit avec les chevaliers de St Jean de Jérusalem. Depuis, nos loges portent le nom de loges de Saint Jean. Les rois, les princes, les seigneurs en revenant de Palestine dans leur pays y établirent des loges différentes. Du temps des dernières croisades, on voit déjà plusieurs loges érigées en Allemagne, Italie, Espagne, en France et au-delà, en ECOSSE, à cause de l’intime alliance qu’il y eut entre ces deux nations […] Peu à peu, nos loges, nos fêtes et nos solennités furent négligés dans la plupart des pays. Elles se conservèrent néanmoins dans toute leur splendeur parmi les Ecossais ».
Pour l’historien médiéviste Jean-Vincent Bacquart, qui revient en quelques pages sur ce mythe, « Ramsay produit ici un joli conte destiné à rassurer la noblesse sur les origines respectables de la maçonnerie ». Si Ramsay n’évoque pas les Templiers, son discours enclenche indubitablement ce mythe maçonnique.
C’est le rite de la stricte Observance Templière, fondé par le baron Karl Gotthelf von Hund qui proclame ouvertement le lien entre la franc-maçonnerie et les Templiers ; lien qui se serait tissé lors de la fuite des derniers Templiers en Ecosse. Voici sa version, citée dans les Acta Latomorum ou chronologie de l’histoire de la Franche-Maçonnerie française et étrangère:
« Après la catastrophe, le Grand Maître provincial d'Auvergne, Pierre d'Aumont, s'enfuit avec deux commandeurs et cinq chevaliers. Pour n'être pas reconnus, ils se déguisèrent en ouvriers maçons et se réfugièrent dans une île écossaise où ils trouvèrent le grand commandeur Georges de Harris et plusieurs autres frères, avec lesquels ils résolurent de continuer l'Ordre. Le jour de la Saint-Jean 1313, ils tinrent un chapitre dans lequel Aumont, premier du nom, fut nommé Grand Maître. Pour se soustraire aux persécutions, ils empruntèrent des symboles pris dans l'art de la maçonnerie et se dénommèrent Francs-Maçons. [...] En 1631, le Grand Maître du Temple transporta son siège à Aberdeen et par la suite l'Ordre se répandit, sous le voile de la Franc-maçonnerie, en Italie, en Allemagne, en Espagne et ailleurs ».
Enfin, cette généalogie fictive est reprise par l’ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte, intégré au rite écossais modifié, dans la droite ligne de la Stricte Observance. On peut lire cette assimilation de la franc-maçonnerie à l’ordre des Templiers dans Orthodoxie maçonnique suivie de la maçonnerie occulte de J.-M. Ragon (à partir de la page 249).
Pour conclure, disons avec l’historien Peter Partner que la chute brutale de l’ordre des Templiers a déchaîné les imaginaires et rendu possible toutes les mythifications (et mystifications!). Dans son Templiers, francs-maçons et sociétés, Partner essaie en effet « de démontrer comment une injustice politique médiévale [a] pu devenir un fantasme moderne ».
On trouve encore des références contemporaines à cette filiation mythique. Ainsi Michael Baigent et Richard Leigh racontent-ils l’histoire de la survie occulte des Templiers en Ecosse et de leurs traditions dont la franc-maçonnerie aurait été la dépositaire.
De même, plus récemment encore (2011), Jacques Rolland relaie cette fable dans Des templiers à la franc-maçonnerie, enquête sur une filiation.
Bonnes lectures !
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