Quelles différences y a-t-il entre les futurs EPR et les centrales nucléaires Super Phenix et Astrid ?
Question d'origine :
Bonjour,
Notre Président nous a informé récemment qu'il souhaitait, pour garantir notre indépendance énergétique, faire construire de nouveaux EPR type Flamanville.
Quelles différences existe-t-il entre ces futurs EPR et les centrales nucléaires Super Phenix et Astrid que nous avons abandonné et qui elles aussi, dit-on, nous auraient garanti cette indépendance tant convoitée?
Merci de votre réponse.
Réponse du Guichet

Astrid et Superphénix sont des prototypes de réacteurs de quatrième génération, de type réacteur rapide refroidi au sodium. Cette technologie permet de recycler les déchets radioactifs en combustibles nucléaires.
Le réacteur 3 de Flamanville est un EPR de troisième génération. Cette génération de réacteurs représente actuellement le "standard" des nouvelles constructions.
Bonjour,
Astrid est un "projet de prototype de réacteur nucléaire français de quatrième génération, de type réacteur rapide refroidi au sodium, porté par le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) dans les années 2010. Prévu pour être construit sur le site nucléaire de Marcoule, il est annulé en 2019."
Son abandon est dû à des raisons économiques, comme l'explique un article du Figaro : Nucléaire: pourquoi la France renonce au «recyclage infini» du combustible :
Fin août, le CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives) a confirmé qu’il n’avait plus l’intention de construire «à court ou à moyen terme» Astrid, un réacteur nucléaire de quatrième génération, après l’arrêt du projet annoncé par Le Monde. Pour la première fois, le 23 octobre devant la Commission des affaires économiques du Sénat, l’administrateur général du CEA François Jacq a expliqué qu’il avait décidé de ne «pas construire le réacteur prototype», d’un «coût de plusieurs milliards d’euros». Celui-ci aurait dû permettre «la fermeture du cycle» du combustible nucléaire: Astrid était présenté comme un «isogénérateur», c’est-à-dire un réacteur qui aurait régénéré des matières fissiles utilisées pour produire de l’électricité.
Mais le recyclage à l’infini du combustible nucléaire n’est plus une priorité pour des raisons économiques. Le prix de l’uranium est relativement bas. Et si son cours devait augmenter, des signes seraient annoncés des années à l’avance: «On le verra venir avec la construction de nouveaux réacteurs dans le monde», a justifié le patron du CEA. «Nous aurons le temps de nous retourner», a-t-il ajouté, expliquant qu’il s’était passé une dizaine d’années entre chacun des trois premiers réacteurs à neutrons rapides construits en France, depuis Rapsodie en 1958, suivi par Phénix (1968) et par Superphénix (autorisé en 1974 et mis en service en 1984). Le CEA aurait donc le temps de lancer une nouvelle version d’un prototype inspiré des derniers travaux pour Astrid.
Superphénix était un prototype, définitivement arrêté en 1997. L'article d'Usine Nouvelle Avant Astrid, les autres ratés de la recherche nucléaire en France évoque l'histoire malheureuse de ce projet :
Superphénix, l’ancêtre malheureux d’Astrid
D’autres projets de réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium (RNR-Na) ont été menés avant Astrid. La France a même réussi à mettre en service deux prototypes : Phénix sur le site de Marcoule (Gard) en 1973 et Superphénix à Creys-Malville (Isère) en 1984. Il s’agit déjà à l’époque de surgénérateurs capables de recycler les déchets radioactifs en combustibles nucléaires.
Fermé en 2009, le fonctionnement du réacteur Phénix a été émaillé d’avaries : fuites de sodium dans le circuit secondaire, fuite dans un générateur de vapeur... Dans son bilan de fonctionnements des RNR-Na, le CEA salue “le cadre de fonctionnement très satisfaisant” du démonstrateur de 250 MW.
Même s’il a démontré le fonctionnement des RNR-Na à l’échelle industrielle, le véritable fiasco se trouve plutôt dans la fin prématurée du Superphénix, beaucoup plus grand que le Phénix avec une puissance de 1240 MW. Couplé au réseau en 1986, il ferme dès 1996, bien avant son prédécesseur. Autrement dit, dix années de service, entrecoupées d’interruptions et d’incidents pour une facture de 60 milliards de francs (12 milliards d’euros) : investissement, fonctionnement, démantèlement mais aussi des indemnisations pour les partenaires étrangers d’EDF. Cette facture traduit déjà l’explosion des coûts dans la filière. En 1972, le projet Superphénix était seulement estimé à… 2 milliards de francs.
Les adversaires du nucléaire évoquent encore les raisons économiques derrière l’arrêt. Toutefois, l’opposition politique explique en grande partie la courte vie du prototype. En 1997, Superphénix est sacrifié par le Premier ministre Lionel Jospin sur l’autel de l’alliance entre le Parti socialiste et Les Verts. Ajoutez à cela un chantier difficile : en 1977, un manifestant meurt à Creys-Malville après des affrontements contre la police ; en 1982, le site est attaqué au lance-roquettes.
Lorsqu’il décide d’abandonner le Superphénix, le gouvernement de Lionel Jospin souhaite aussi se concentrer sur le développement d’un réacteur de troisième génération EPR avec l’Allemagne. L’histoire se répète donc pour la filière nucléaire française. Pour justifier l’abandon d’Astrid, le gouvernement a invoqué le long et coûteux chantier des réacteurs EPR… Le démantèlement du Superphénix dure toujours et ne devrait se terminer qu’à horizon 2030.
La centrale nucléaire de Flamanville possède 3 réacteurs : les réacteurs 1 et 2 sont de technologie REP (Réacteur à eau pressurisée) et le réacteur 3 est de type réacteur pressurisé européen (EPR). Il s'agit d'un réacteur de troisième génération qui ne sera pas mis en service avant 2023.
Comme l'explique la Sfen sur son site, les réacteurs de troisième génération représentent actuellement le "standard" retenu pour toute nouvelle construction :
La 3ème génération, nouveau standard de sûreté
La majorité des 440 réacteurs nucléaires exploités actuellement dans le monde sont des réacteurs de 2ème génération, construits entre les années 1970 et 1990. Si quelques-uns sont encore en construction en Chine, c’est désormais le standard 3ème génération qui semble retenu pour toute nouvelle construction. En Europe et en Amérique du Nord, les principales autorités de sûreté ont pris des positions très claires sur la nécessité d’adopter ce standard pour bâtir de nouveaux réacteurs.
EPR : des performances encore meilleures
Le réacteur EPR affiche des performances d’exploitation encore supérieures aux réacteurs REP en fonctionnement :
- Meilleure disponibilité, notamment pour la maintenance,
- Plus grande puissance du réacteur (1 650 MWe) qui permet de réaliser des économies d’échelle,
- Durée d’exploitation d’au moins 60 ans,
- Meilleur rendement avec une réduction de 10 % de l’utilisation du combustible,
- Réduction du volume des déchets à vie longue de 30 %.
Développer des options technologiques en rupture
Pour demain : le réacteur à neutrons rapides
La particularité des réacteurs de 4ème génération en cours de développement est de consommer l’intégralité du combustible nucléaire (uranium et plutonium) et de réduire d’autant le volume et la toxicité des déchets radioactifs grâce à la transmutation. Cette technologie pourrait être disponible à partir de 2050 et s’inscrit en rupture technologique avec les précédentes générations de réacteurs.
La France est pionnière dans le domaine des RNR. Le CEA concentre ses recherches sur deux filières de réacteurs, dites à neutrons rapides : la filière refroidie au gaz, qui apparaît comme une option à long terme dont la faisabilité n’est pas encore démontrée, et la filière refroidie au sodium, avec le projet de démonstrateur technologique ASTRID (Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration), dont le CEA est maître d’ouvrage, pour les études.
ASTRID est un projet ambitieux, mené dans un cadre collaboratif. Pour sa mise en œuvre, le CEA s’est entouré d’industriels qui participent aux études dans le cadre d’accords de collaboration prévoyant une contribution sur fonds propres des partenaires.
Pour après-demain : la fusion nucléaire
Les ingénieurs du nucléaire travaillent également au développement de la fusion nucléaire avec le projet ITER. Comme l’énergie du soleil, la fusion nucléaire vise à fusionner des noyaux très petits, des isotopes de l’hydrogène (le deutérium et le tritium) pour produire une énergie illimitée. Un premier prototype devrait en démontrer la faisabilité technique dans 15 ans.
ITER aura plusieurs fonctions :
- consolider la physique des plasmas en combustion thermonucléaire,
- démontrer la production d’énergie de fusion en produisant 400 MW,
- démontrer la sûreté de fonctionnement et le faible impact de la fusion sur l’environnement.
Etant un prototype, ITER n’aura pas vocation à produire de l’électricité.
Pour en savoir plus sur les différentes générations de réacteurs nucléaires et ce qui les distingue, vous pouvez aussi consulter les pages suivantes :
Générations de réacteurs nucléaires, Wikipedia
Réacteurs nucléaires : quelles sont les différentes générations ?, futura-sciences.com
Les générations de réacteurs nucléaires, Cea
Qu’est-ce qu’un réacteur nucléaire de 4e génération ?, Sfen
Nucléaire : la révolution feutrée des réacteurs de 4e génération, la-croix.com
Pour finir, ajoutons quelques articles sur les annonces récentes d'Emmanuel Macron à propose de la construction de nouveaux EPR :
Emmanuel Macron annonce la construction de nouveaux réacteurs nucléaires de type EPR, lefigaro.fr
Nucléaire : Macron lance la construction de nouveaux réacteurs, reporterre.net
Nucléaire : Emmanuel Macron annonce la relance de la construction des réacteurs EPR, ouest-france.fr
Construction de nouveaux EPR en France: Emmanuel Macron relance la guerre nucléaire, rfi.fr
A quoi pourrait ressembler le programme nucléaire que souhaite lancer Emmanuel Macron ? lci.fr
Bonne journée.