Quelle fut exactement l'issue de la bataille de Nuits (St Georges) du 18/12/1870 ?
Question d'origine :
Bonjour,
Je voudrais connaître très exactement l'issue de la bataille de Nuits (St.Georges) du 18/12/1870. J'ai lu que c'était une victoire française sur les prussiens mais aussi que les prussiens avaient gagné la bataille mais qu'il s'étaient repliés sur Dijon laissant Nuits aux français. Où est donc la vérité. Merci
Réponse du Guichet
Les quelques renseignements trouvés sur cette bataille nous laissent à penser qu'il s'agirait d'une victoire française.
Bonjour,
Pour commencer précisons que peu de livres traitant de la guerre franco-prussienne de 1870 relatent en détail la bataille de Nuits St Georges. Elle est souvent mentionnée, mais peu chroniquée de façon précise. Notons également qu'il existe deux batailles de Nuits. Une première aura lieu le 30 novembre 1870, et une deuxième donc, le 18 décembre de la même année qui permettra à Crémer d'entrer en libérateur dans Dijon le 30 décembre 1870.
Ce blog relate de façon assez détaillée la bataille, les mouvements de troupes et les forces en présence :
«L'armée prussienne du Sud, sous les ordres du général von Manteuffel, couvre tout le secteur allant de la région d'Orléans à la frontière suisse. Sa mission est de couvrir la voie de communication principale de l'armée prussienne, qui passe par la Lorraine, et de procéder à la réduction des garnisons françaises du théâtre d'opération. La plus tenace de celles-ci est la forteresse de Belfort, qui résistera d'ailleurs jusqu'à l'armistice.
Mais la menace la plus immédiate pour les Allemands est la première offensive du général Guiseppe Garibaldi (qui fera l'objet d'un scénario ultérieur) pour reprendre la ville de Dijon. Cheville ouvrière de l'armée du Sud, le XIV corps du général von Werder repousse Garibaldi le 27 novembre à la bataille de Pâques (15 kilomètres à l'ouest de Dijon). A compter de cette date, les Allemands se mettent dans une position d'attente pour se reposer et se réorganiser.
C'est chose faite à la mi-décembre, date à laquelle ils envisagent des opérations plus offensives. La première de celles-ci a lieu le 16 décembre et est dirigée sur Langres, nid de francs-tireurs qui mettaient à mal les communications prussiennes. Les Allemands dispersent les Français. Le 17 décembre, les Badois de von Glümer sont concentrés sur Dijon et reçoivent comme missions pour le lendemain de lancer une reconnaissance en force sur Nuits où les Français sont signalés.
Les Allemands s'attendent à disperser les Français avec leur facilité habituelle. L'avenir leur donnera tort, car en face, le général Cremer a repris en mains les troupes françaises. Il dispose des mêmes effectifs que les Allemands, à savoir une division, et est fermement décidé à montrer que l'honneur des troupes françaises est intact.»
Le site La guerre de 1870 en Côte-d'or rapporte les événements ayant lieu en décembre 1870. Voici ce qui est dit sur la bataille de Nuits :
"Le 18 décembre a lieu la bataille de Nuits Saint Georges. Les combats ont lieu par moins 8° à moins 15° entre les troupes du général Crémer, de l'Armée de l'Est, et celles du général von Werder. Ils sont très durs et sanglants. Les Allemands perdent 97 officiers. Le général von Werder prononce alors une phrase célèbre témoignant de la dureté des combats : "ce n'est pas la Côte d'Or, ce pays, c'est la Côte de Fer". Les survivants francs–tireurs sont mis à l'abri par la population qui leur fournit des vêtements civils, car tout "corps-franc" découvert est passé par les armes, les Allemands ne les considérant pas comme des combattants réguliers. Un monument commémoratif de ce combat se trouve dans la rue du 18 décembre à Nuits et contient probablement les ossements des combattants. Le 27 décembre, les Allemands évacuent Dijon, redoutant l'arrivée des troupes régulières françaises, en emmenant vingt otages envoyés à Brème. Le 28 décembre, le général Crémer entre dans la ville avec 15.000 hommes. Il semble que Daix soit aussi libérée, car le Val Suzon est occupé par les troupes régulières. On fortifie Talant et Fontaine. Le 7 janvier 1871, Garibaldi arrive à Dijon et y organise la défense."
François Roth dans son livre La guerre de 1870 précise :
"Dijon, capitale de la Bourgogne, avait été occupée le 30 octobre assez facilement par les troupes de Werder. C'est seulement à la fin de l'année 1870, sous la pression des troupes de Crémer et Bourbaki, que Werder, pour raccourcir ses lignes, se résout à l'évacuer. Le retour des Allemands est tardif (30 janvier 1871). [...] Dans la vallée de la Saône, un corps se forme sous la direction de Camille Crémer, avec des mobiles du Rhône et du Midi. Le cas de Crémer est intéressant. Ce jeune capitaine de trente ans, aide de camp du général Clinchant, s'était évadé après la capitulation de Metz. Gambetta le nomme général de division à titre temporaire et lui confie le soin d'empêcher l'avance de l'ennemi sur Lyon. Au cours du mois de novembre, le front est assez calme et les effectifs des deux camps sont assez faibles."
Enfin Pierre Milza dans le premier tome de L'année terrible insiste :
«Si l’armée française présente dans les Vosges est restée finalement maîtresse des lieux, ce n’est pas seulement parce qu’elle a opposé une forte résistance aux attaques de l’ennemi. Elle a surtout bénéficié du succès remporté par la division Crémer à Nuits St Georges, où les Badois, chassés de la ville qu’ils venaient d’occuper par une contre-attaque française, ont dû se replier sur Dijon, entraînant dans leur repli la totalité de la brigade Keller. Désormais, et jusqu’aux premiers jours de janvier, les garibaldiens vont pouvoir réorganiser leurs forces, dans l’attente du renfort apporté par Bourbaki.»
Terminons par un tableau conservé au musée de Nuits St Georges. Il s'agit de la toile Bataille de Nuits – 18 décembre 1870, du peintre Théodore Levigne (1848-1912), lui-même combattant, qui reconstitue la bataille de Nuits le long de la voie ferrée le 18 décembre 1870.
Pour aller plus loin:
Les Français et la guerre de 1870 / Jean-François Lecaillon
La guerre de 1870 : témoignages écrits et imagerie populaire / Fabiene Henryot, Philippe Martin
La guerre franco-allemande de 1870 : une histoire globale / Nicolas Bourguinat, Gilles Vogt