Les Reborn sont-ils considérés comme des poupées de collection ou des jouets pour enfants ?

Bonjour,

Les poupées Reborn semblent remporter un franc succès auprès de toute la famille !

Bien évidemment les enfants peuvent jouer avec ces poupons plus vrais que nature dont le prix peut toutefois atteindre plusieurs centaines d'euros. Mais ne nous leurrons pas, ce sont aussi et surtout des jouets pour collectionneurs et collectionneuses. Des passionnées choisissent de confectionner des "Reborn", passant plus de 40 heures à assembler et peindre une poupée. Une vingtaine de couches de peinture sont nécessaires pour représenter la texture de la peau et l'apparence des veines. L'assemblage des cheveux se fait un à un à l'aide d'une aiguille. Le "reborning" est un loisir créatif qui demande dextérité et patience !

Les poupées Reborn peuvent également être utilisées dans d'autres circonstances comme objets de thérapie. Dans certaines unités Alzheimer ou en Ehpad, elles servent de "poupées d'empathie" pour faire rejaillir des souvenirs ou des émotions chez certain-es résidents et résidentes.

L'effet de ces poupons est bien réel selon l'aide-soignante. " Une dame dans mon unité était totalement aphasique et quand elle prenait le bébé dans les bras, elle retrouvait la parole. Elle pouvait dire, ça va mon petit chéri". Des biens-faits visibles aussi sur le corps des résidents. "Certains n'arrivent plus à s'habiller ou à manger. Ces personnes ont perdu l'usage de leurs mains, mais il est possible de les voir déshabiller et rhabiller le nourrisson".

Une méthode contestée

Les équipes médicales de l'Ehpad de Potigny sont catégoriques. Bébé dans les bras, ces malades d'Alzheimer arrivent à vivre pour quelques minutes l'instant présent. Les preuves médicales de cette méthode manquent encore et certains pointent du doigt un procédé infantilisant. Pour d'autres, c'est du mensonge thérapeutique qui place les résidents dans une fausse réalité. Un argument balayé par le cadre de santé de l'établissement. "Les placebos sont aussi un leurre thérapeutique mais les résultats sont excellents" précise Philippe Roux. "On ne force personne et l'on fait bien attention aux histoires de vie de chacun, nous allons pas donner ces bébés à une personne qui a perdu un enfant par exemple".

source : Des poupées pour améliorer le bien-être des malades d'Alzheimer / Martin Bartoletti - France Bleu - 12/03/2018

Des "Reborns" sont aussi "adoptés" par des femmes qui ont perdu un nouveau né ou en mal de maternité pour les aider à faire leur deuil. Mais ceci semble représenter une minorité de la clientèle.

Ses clients types sont soit des collectionneurs d'art, soit des gens qui ont toujours collectionné des poupées. "Ce sont ceux qui sont prêts à payer le plus cher. Mais depuis peu, nous assistons à une explosion de la demande de la part des adolescentes, et nous en vendons beaucoup comme cadeaux de Noël ou de communion."

Cet engouement pour les bébés hyperréalistes a gagné le monde entier, des États-Unis à l'Australie, en passant par l'Europe et le Japon.

source : Espagne. La folie de la mode des vrais faux bébés / Ernesto Torrico  - Courrier international - 14/08/2018 (article consultable en texte intégral sur Europresse)

Faut-il s'inquiéter de cet engouement pour ces poupons ultra-réalistes ?

Voici ce qu'explique le psychologue Sylvain Missonnier dans l'article intitulé « Les poupées Reborn (une interview virtuelle) » (Spirale, 2011/4 (n° 60), p. 129-131) :

Faire semblant d’être un grand qui s’occupe d’un petit est typique de l’humain quelle que soit sa culture. Quand les parents tiennent leur nouveau-né dans les bras, ils réalisent un rêve d’enfant ! D’ailleurs, les archéologues ont trouvé des poupées dans les tombeaux d’enfants égyptiens décédés il y a deux mille ans.

En Grèce antique, ce sont des figurines en bois ou en terre qui représentent enfants, danseurs, comédiens et soldats. Les célèbres poupées françaises du xvii^e et du xviii^e siècle marquent une étape importante en direction des Reborn par la qualité de leur ressemblance : yeux de verre, membres mobiles, peau et cheveux peints avec grand réalisme, habillement raffiné…

Ce qui est nouveau avec les poupées Reborn, c’est la visibilité qu’offre Internet pour revendiquer et mondialiser sa passion.

Sur le Web, on distingue bien deux types de passionnées : les confectionneuses et les collectionneuses. Les premières s’adonnent à un loisir créatif qui peut devenir un métier très lucratif. La visite des forums montre que chez les secondes, il y a des femmes frustrées de ne pas avoir eu de poupées étant enfant, des mères qui veulent retrouver la sensation de s’occuper d’un tout-petit, des jeunes filles qui rêvent de maternité… Nous avons tous besoin de fictions anticipatrices pour nous construire : romans, films, séries…, dans lesquels nous nous projetons. Avec les poupées Reborn, bébés virtuels, on est bien là aussi dans le domaine de la simulation ludique mais avec un degré d’abstraction moindre et une sensorialité pas seulement visuelle mais aussi tactile et contenante.

Faut-il y voir un signe d’immaturité ?

Par bonheur, pour avancer, nous ne sommes pas toujours des êtres matures ! Il nous arrive à tous d’être régressifs, de passer par exemple la soirée à regarder des séries ou un match de foot à la télé en mangeant une pizza. Il n’y a rien d’alarmant, tant que c’est ponctuel. Le problème survient quand ça devient permanent. C’est probablement cela dont souffrent la minorité de femmes pour qui l’attachement aux poupées Reborn est pathologique car addictif : elles s’enferment dans cette simulation et se confortent dans un réseau de militantes dures. Le Reborn est alors de moins en moins une stratégie pour se sentir renaître (to feel reborn), une promesse de filiation, une stratégie dynamique permettant de passer de l’humain virtuel à l’humain en chair et en os, mais une fin en soi, un fétiche tout-puissant et, finalement, un appel à l’aide qui mériterait une réponse psychothérapeutique bienveillante.

A lire aussi :

- Bébés reborn : ces poupons ultra-réalistes qui inquiètent et apaisent / Eloïse Aubé - Actu.fr - 21/02/2021

- Maladie d’Alzheimer : faux bébés, vraies questions / Anaïs Moran  - Libération - 25 février 2018 (article consultable en texte intégral sur Europresse)

- Reborn dolls, ces étranges thérapeutes / Marion Police - Le Temps - samedi 7 novembre 2020 (article consultable en texte intégral sur Europresse)

Bonne journée.