Des témoignages et examens médicaux datant de 1812 permettent-ils de savoir si une personne était morte ou dans le coma ?
Question d'origine :
mort ou coma ?
A partir des informations relatives à un dossier d'archives départementales de 1812, les témoignages et examens médicaux permettent-ils de savoir si la personne concernée était morte ou dans le coma. J'ai sollicité la Société française de médecine légale, pas de réponse...
en pièce jointe, tableau synthétique.
Merci
Réponse du Guichet
https://catalogue.bm-lyon.fr/ark:/75584/pf0002634415.locale=frDifficile pour nous de nous prononcer. Nous ne sommes pas médecins et ces descriptions manquent probablement de données plus précises permettant de se prononcer avec certitude sur l'état de cette femme.
Bonjour,
Si nous comprenons bien votre question, vous nous demandez de donner un pronostic médical en fonction des quelques éléments d'information que l'on trouve dans le ficher que vous avez joint à votre question.
Nous sommes hélas bibliothécaires et non médecins légistes. Il nous est difficile de donner un diagnostic précis de l'état dans lequel était cette femme au moment où elle a été découverte et observée par ces témoins. Difficile par ailleurs de se prononcer car les heures des constatations ne sont pas mentionnées et celles-ci sont assez vagues ; d'autres sont absentes (celles du médecin relevées à 10h du matin). Beaucoup trop d'incertitudes les entourent.
En revanche, nous pouvons vous apporter quelques éléments concernant les signes cliniques caractéristiques d'un coma et ceux de la mort. Libre à vous ensuite d'en tirer vos propres conclusions.
Voici tout d'abord une définition de la mort proposée par le site Maxisciences :
De nombreux signes permettent de supposer qu'un animal à sang chaud a cessé de vivre : arrêt respiratoire ou cardiaque, absence d'activité neuronale (mort cérébrale), pâleur caractéristique (pallor mortis), concentration du sang dans les parties basses du corps (livor mortis), chute de température corporelle (algor mortis), rigidité cadavérique (rigor mortis) ou encore décomposition. Toutefois, nombre de ces signes possèdent leurs limitations, posant un défi aussi bien moral que médical ou légal aux spécialistes.
Un médecin légiste explique de manière plus précise comment attester de la mort d'un individu :
Avant de comprendre pourquoi une personne est morte, il faut commencer par s’assurer qu’elle a bien cessé de vivre. “Constater la mort, c’est poser un diagnostic”, explique le professeur Malicier. “On regarde d’une part les signes négatifs de la vie, de l’autre les signes positifs de la mort.”
Côté signes négatifs : immobilité absolue, absence de réactivité, pas de respiration, pas de pouls, pas de conscience. Mais ces signes peuvent aussi bien renvoyer au coma ou à la catatonie.
On passe donc aux signes positifs de la mort : hypothermie, rigidité (elle commence à la mâchoire), lividités (marques sur la peau qui ressemblent à des ecchymoses), déshydratation et finalement putréfaction.
source : Médecine légale à Lyon : la mort et les vivants
Lire aussi ces documents pour en savoir plus :
- Police scientifique : Médecine Légale – Constatation de la mort
- La mort : signes et diagnostic / Dr MB. Tidjani
Il existe plusieurs stades de comas plus ou moins profonds :
au stade I (également appelé "coma vigil" ou "stade de l'obnubilation"), le patient est capable de réagir à des stimulations répétées (verbales, sensorielles), notamment aux stimuli douloureux.
Au stade II (coma "léger" ou "moyen"), le patient n'est plus en éveil (communication impossible), et la réponse qu'il donne à un stimulus douloureux est proche d'un simple réflexe.
Dans un coma de stade III (également appelé "coma profond", ou "coma carus"), il n'y a plus de réaction aux stimulations extérieures, y compris aux stimuli douloureux. Des troubles des fonctions végétatives (que sont la respiration, la circulation, les sécrétions glandulaires, la digestion, la thermorégulation) apparaissent à ce stade.
Le stade IV (longtemps associé à l'expression de "coma dépassé") en fait l'état de mort cérébrale. Le cerveau est détruit. L'organisme ne donne pas de réponse aux stimulations, et les fonctions végétatives ne peuvent être maintenues qu'artificiellement.
source : Que signifie le terme de "mort cérébrale" ? / France info
Dans le document que vous nous avez fourni, un journalier indique que le corps avait les jambes froides. Nous pourrions penser que le refroidissement cadavérique a commencé mais voici ce qu'indique le site de la Police scientifique :
Il est plus ou moins admis que la température du corps chute en moyenne d’un degré par heure. En réalité, la baisse de température s’effectue en 3 phases:
Une première phase dite de plateau thermique initial: Cette phase peut durer de 30 min à 3h. Durant cette période, la température décroît très peu. C’est pourquoi la technique de décroissance thermique de 1°C par heure se révèle inopérante pour dater un décès récent remontant à moins de trois heures.
Nous ne savons pas à quel moment le journalier a observé ce corps. Il s'agit par ailleurs d'un ressenti personnel qui ne correspond pas à la température interne du corps. De plus, il précise que ses genoux sont un peu relevés. Nous aurions pu croire à la présence d'une rigidité cadavérique mais voici ce qu'explique toujours le site Police scientifique :
La rigidité cadavérique
Il s’agit d’un symptôme touchant l’ensemble des muscles striés du corps. L’installation des rigidités cadavériques se fait de façon descendante. Elle débute généralement au niveau de la mâchoire et de la nuque puis s’étend aux membres supérieurs qui se figent en flexion (recroquevillés) puis aux membres inférieurs qui se figent en extension (raidissement).
En règle générale, la rigidité cadavérique apparaît entre la 3e et 4e heure après le décès et devient totale au bout de 12 heures. Au bout de 2 à 3 jours, cette rigidité se rompt dans le même ordre que son apparition.
A plusieurs reprises, il est indiqué que les plaies et le nez saignent. Concernant les saignements, nous lisons ceci :
" Une blessure post-mortem reste béante et laisse ainsi libre cours à l’hémorragie. En effet, une plaie sur un organisme vivant entraîne un phénomène réflexe de contracture des muscles qui l’entourent aboutissant à une tentative de fermeture ; au contraire une plaie faite sur un cadavre reste béante: les muscles ne se contractent plus et le sang, toujours liquide dans les vaisseaux même après la mort, continue de couler. "
source : Autopsie de l'Inconnu du Linceul
Toutefois, le sang ne circule plus après la mort. Il va assez rapidement (en quelques heures) s'accumuler sous l’effet de la pesanteur dans la partie basse du corps (celle qui repose sur le lit ou le sol), faisant apparaître des taches couleur lie-de-vin sur la peau située sous le corps. On parle de «lividités cadavériques». Que veut dire le médecin qui ausculte le cadavre le lendemain à 10h lorsqu'il dit "extrémité du nez un peu sanglante" ? Le sang est-il encore en train de couler ? ou présente-t-il des traces de sang séché ?
Les premières observations du tableau ont peut-être été rapportées juste après le décès de cette femme ce qui pourrait expliquer plusieurs éléments mais nous ignorons les heures de ces constatations. Vous pouvez effectivement tenter de relancer le service de médecine légale ou d'en contacter d'autres pour plus de précisions sur cette histoire. N'hésitez pas à nous transférer leur réponse. Nous serions intéressées d'en lire les conclusions !
Nous terminerons notre réponse par cette précision sur l’origine du terme "croque-mort". Non, il ne s'agit pas d'un employé des pompes funèbres qui mord le gros orteil des défunts pour vérifier qu'ils sont bien morts !
En vieux français, «croquer» signifiait « voler, subtiliser, dérober, faire disparaître». Le croque-mort est donc celui qui fait disparaître les morts au sens figuré, c’est-à-dire qui les enterre.
Pour en savoir plus, nous vous invitons à lire cet article de Claude Duneton paru dans le Figaro du D'où vient le croque-mort ?
Bonne journée.