Je cherche des statistiques sur le nombre de prêtres défroqués en France entre 1880 et 1914.
Question d'origine :
Bonjour,
Je suis à la recherche de statistiques sur le nombre de prêtres défroqués en France entre 1880 et 1914. Je n'ai glané jusqu'à présent que des estimations incertaines. Pourriez-vous m'orienter vers des sources fiables ?
Cordialement.
Réponse du Guichet

D'après nos recherches, il ne semble pas exister d'études statistiques publiées sur l'abandon sacerdotal des prêtres pour la période 1880-1914. Toutefois, les informations recueillies nous laissent penser que chaque année environ 0,5 % d'entre-eux abandonnaient leurs fonctions. Un chiffre estimé entre 100 et 700 par Alain Denizet.
Bonjour,
Voici ce qu'indique l'historien Alain Denizet dans Le Roman vrai du curé de Châtenay à propos de l’abbé Delarue :
Sa situation invite à considérer la situation des prêtres défroqués au début du XXe siècle, celle de leur nombre, de leurs motivations et de leur devenir. Commençons par les chiffres : combien sont-ils ?
A ma connaissance il n’existe aucune synthèse sur ce sujet. Il faut se contenter d’indications glanées çà et là. Il semble que, durant les décennies charnières des XIXe et XXe siècles, leur nombre ait augmenté en raison de la possibilité de se marier civilement à partir de 1888 sans craindre un procès en nullité intenté par l’Eglise. A moins que, effet d’optique, leurs départs aient fait l’objet de plus de commentaires.
Selon les confidences d’un haut fonctionnaire à "La Lanterne", il y a «en moyenne deux prêtres par jour qui jettent le froc aux orties», soit plus de sept cents par an alors que "Le Siècle" en compte «deux cents», et Albert Houtin une centaine, lequel relève que sur ses trente-six camarades de promotion sacerdotale, deux se sont sécularisés. De ces chiffres disparates, tentons une synthèse : les défections concernaient environ 0.5% des effectifs par an.
En réalité, un certain nombre n’ose pas franchir le pas. Les raisons sont variables et sans doute se combinent. Sont en jeu la famille, la pression de l’Eglise, la peur de l’inconnu et le sentiment de culpabilité. Démissionner paraît inenvisageable à cause des parents. D’abord, ceux-ci dépendent souvent de la sécurité matérielle assurée par le traitement et le logement au presbytère. C’est aussi un drame qui les meurtrit. [...]
Dans un article intitulé Le curé de Châtenay a disparu, Alain Denizet indique aussi :
L’histoire de l’abbé Delarue est typique. Connaît-on beaucoup de cas analogues à l’époque?
Le sujet du départ des prêtres au tournant du XXe siècle est encore assez peu connu et étudié. Il n’existe pas d’ouvrage de synthèse. La fourchette du nombre des départs est assez large. La plus basse est d’environ cent prêtres défroqués par an. La plus élevée va jusqu’à sept cents. Ce qui fait presque la moitié des quelques 1’500 ordinations annuelles à l’époque ! Fait peu connu aussi un certain nombre de ces prêtres vont rejoindre les rangs du protestantisme. Le champ reste ouvert aux historiens.
Le Charivari indique pour l'année 1869 que les prêtres défroqués sont 800 à Paris, seule ville où l'anonymat peut les protéger des préjugés.
Pour Alain Vignal, auteur de la thèse intitulée De l'Ordre à la vocation. Les prêtres du Var de la Révolution à la Séparation, ce chiffre est modeste et principalement concentré autour du début XXe suite aux lois de séparation de l'Eglise et de l’État (voir pages 420-422) :
Le mouvement des défections, essentiellement connu d’après les registres de personnel, est lui aussi peu nombreux. Sur 1215 prêtres ordonnés dans le Var entre 1823 et 1910, on compte seulement 16 extra clerum [prêtres ayant quitté le ministère], ce qui fait une proportion inférieure à 1,5 %, bien qu’une légère sous-déclaration ne soit pas à exclure. […]
Si de nombreux ecclésiastiques ont définitivement quitté le ministère à l’issue de la Révolution, on n’en compte quasiment aucun durant les deux premiers tiers du XIXe siècle. Il est cependant possible que quelques-uns aient échappé à notre analyse, la mention «quitte le diocèse» sur les registres de personnel pouvant éventuellement cacher une destinée scandaleuse dans l’esprit de la hiérarchie ecclésiastique. […]
En revanche, les départs augmentent subitement à partir de 1880. 14 défections se produisent entre 1882 et le lendemain de la Première Guerre mondiale, dont 6 entre 1902 et 1907, autour de la Séparation des Églises et de l’État. […]
Malgré leur faible nombre sur le total des prêtres, ces départs du sacerdoce nous semblent traduire l’isolement et la fragilité du ministère sacerdotal dans le Var à la fin de notre période d’étude.
Plus globalement, il précise qu'entre 1789 et 1914, le nombre de prêtres ne s'est pas effondré face à une prétendue décléricalisation (en page 8) :
Contrairement aux apparences, le nombre de prêtres de paroisse est loin d’avoir lourdement chuté sur toute la période : on estime à 60 000 leur effectif à la veille de la Révolution, tandis qu’ils sont exactement 55 096 en 1904, soit une simple baisse de 8 % sur plus d’un siècle.
En complément, quelques articles qui pourront vous intéresser :
- Apologie de l’abandon ou conversion à rebours : témoignages d’abandon du catholicisme au XXe siècle / Frédéric Gugelot
- Le célibat ecclésiastique offensé au sein du clergé paroissial de la France septentrionale (XVIè début XIXè siècle) / Cindy-Sarah Dumortier
- Histoire des crises du clergé français contemporain / Paul Vigneron
- Les Français d'hier. T. 02 [Livre] : Des croyants, XVe-XIXe / Gabriel Audisio
- La République anticléricale [Livre] : XIXe-XXe siècle / Jacqueline Lalouette
Bonne journée.
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