Quel est le taux d'augmentation de la charge mentale lorqu'on devient parent ?
Question d'origine :
Quel est le taux d'augmentation de la charge mentale lorqu'on devient parent ?
Réponse du Guichet
S'il est possible de quantifier les activités domestiques et parentales et de comparer leur répartition au sein d'un couple grâce à des applications comme Maydée, il semble plus difficile de mesurer la notion de charge mentale. Une étude de l'IFOP sur l'impact du travail sur la vie privée révèle toutefois que le fait d’avoir des enfants accroît la charge mentale du couple. Un indice élaboré pour une enquête Mooncard montre en effet que chez les mères, l’indice de charge mentale professionnelle atteint 5,2/10 contre 4,7/10 pour les femmes sans enfants. Cet indice passerait de 4,5 à 4,6 chez les hommes après le premier enfant.
Bonjour,
Tout d'abord, définissons le concept de "charge mentale" :
Le terme de « charge mentale» peut être rapporté aux travaux de Monique Haicault, sociologue française qui, en 1984 dans son article "La Gestion ordinaire de la vie en deux" théorise la charge cognitive double que supportent les femmes qui travaillent et doivent en même temps s'occuper de la gestion du foyer, des tâches ménagères, des enfants.
Monique Haicault construit alors cette notion de charge mentale à travers une analyse des rapports sociaux de classe (qui structureraient la place des femmes dans le travail) et de sexe (leur place dans la famille).
Ce rôle assigné aux femmes leur fait supporter non seulement les contraintes du travail mais aussi celles domestiques. La charge cognitive qui en résulte va au-delà de la somme de ces contraintes car elle continue de jouer un rôle dans ces deux sphères et au-delà de celles-ci. « C'est dans la simultanéité que réside la spécificité de la charge mentale et non dans l'addition de types d'activités ou de services ».
Pour le dire plus clairement, les femmes doivent ainsi supporter cette charge mentale du travail domestique, aussi lorsqu'elles ne sont pas en train d'effectuer ces tâches à proprement parlé (prendre un rdv médical pour un enfant, gérer la baby-sitter, inscrire l'enfant à une activité sportive, commander son cadeau d'anniversaire, le tout entre 2 réunions, 2 rdv clients, 2 gardes ou 2 maisons à nettoyer). Elles doivent planifier, s'assurer de la logistique, de l'organisation etc... Bref, à tout moment elles doivent penser, garder en mémoire (corporelle) les choses à faire. Il y a donc une appréhension du corps même des femmes qui se retrouve à jouer un rôle de « médiateur » dans la gestion de ces différents « espaces et temps ». On comprend bien ici que le concept va au-delà de la double journée pour les femmes.
Il apparait alors que rogner du temps sur celui du travail salarié ou domestique ne changerait rien au fait que cette charge mentale incomberait tout de même aux femmes du fait des rapports de sexes, des rapports sociaux en jeu qui continuent de se perpétuer.
source : Centre d'information sur les droits des femmes et des familles
Comme l'indique le témoignage d'Emma dans un article de L'Express : "Passer du couple à la famille, c'est un bouleversement complet" :
"Passer du couple à la famille , c'est un bouleversement complet, souligne en préambule Catherine Serrurier, psychothérapeute et conseillère conjugale, auteure de C'est de ta faute!: Peur, pouvoir et rivalité dans le couple et Ces femmes qui en font trop (Desclée de Brouwer éditions). Les femmes passent d'un 'psychisme simple' où elles s'occupent avant tout d'elles, de leur travail, de leurs activités à un sentiment d'écrasante responsabilité.
Depuis la nuit des temps, elles sont en effet considérées comme le pilier du foyer. À quelques rares exceptions près -comme les femmes de la noblesse au XVIIIe siècle par exemple-, ce sont elles qui gèrent le foyer et le bien-être de chacun. Elles doivent surtout prendre soin d'un être fragile, entièrement dépendant. Ce changement s'accompagne d'une grande fierté mais cela peut aussi être dur à vivre.
La crise sanitaire a d'ailleurs accentué cette charge mentale et exacerbé les inégalités hommes/femmes. D'après la sociologue Emmanuelle Santelli, directrice de recherche au CNRS :
La pandémie a affecté tout le monde et les femmes l’ont été d’une façon toute particulière, mais j’ajoute qu’il s’agit plus précisément des mères. Les jeunes femmes en couple sans enfant ont pu vivre cette période comme «une parenthèse enchantée»: le jeune couple avait du temps pour lui, il pouvait avoir l’impression que c’était «comme les vacances», s’adonner à ses passe-temps favoris. N’oublions pas les différences selon les groupes sociaux, mais, tant qu’il n’y avait pas d’enfants, les jeunes femmes ont globalement estimé que cela ne changeait pas grand-chose en termes de répartition des tâches, qu’elle soit égalitaire ou non.
En revanche, pour les femmes qui ont un enfant en bas âge ou plusieurs enfants, la «pression domestique» qui s’est exercée sur elles a été extrêmement forte. Pour les mères de famille, cette situation a révélé l’inertie des rapports sociaux de sexe. Une fois en situation de devoir rester à la maison, comme au moment du premier confinement ou parce que la situation de télétravail perdure, un grand nombre de femmes ont eu le sentiment d’un retour en arrière: comme les femmes des années 1950, elles devaient s’acquitter des tâches domestiques et éducatives, les perspectives professionnelles étaient reléguées au second plan…
source : «Pour les mères de famille, la pandémie a révélé l’inertie des rapports sociaux de sexe» / Marie Charrel - Le Monde (site web) - économie, samedi 5 juin 2021
Peut-on mesurer cette charge mentale plus prégnante chez les couples avec enfants que chez les couples sans enfants ?
Nous n'avons pas trouvé d'indicateur précis pour mesurer la charge mentale supplémentaire d'un couple après la naissance d'un enfant ni d'études portant sur ce sujet spécifiquement. Toutefois, voici quelques données qui pourront vous intéresser :
* L'enquête IFOP pour Mooncard : Charge mentale professionnelle - juin 2021 est basée sur un "indice de charge mentale" conçu par les équipes scientifiques de l’institut Ifop :
L'indice de charge mentale professionnelle établi dans ce baromètre note chaque critère sur une échelle de un à dix. Impression de crouler sous une pile de travail, perte d'équilibre entre sa vie professionnelle et personnelle... Le tsunami provoqué par l'arrivée de la Covid-19 a en effet joué un rôle prépondérant dans notre quotidien professionnel.
En moyenne, l'indice global des femmes s'élève à 4,9 sur 10, contre 4,5 pour les hommes. Sans surprise, les femmes avec enfant(s) subissent une charge mentale significativement plus élevée. Les femmes avec au moins un enfant à charge évaluent leur niveau de pression à 5,2, contre 5 pour les pères et 4,5 pour les femmes qui n'ont pas d'enfant. Pour les mères, c'est la charge mentale liée aux tâches domestiques qui s'ajoute donc à la charge mentale professionnelle.
source : La charge mentale professionnelle est plus importante chez les mères - L'Indépendant (site web) - Psycho - sexo, mardi 29 juin 2021
Voici un graphique révélateur pour les deux sexes :
source : étude IFOP / Mooncard
* D'après une étude IPSOS, 46% des femmes associent la charge mentale et l'arrivée d'un enfant : Charge Mentale : 8 femmes sur 10 seraient concernées
* La charge mentale semble s’accroître avec le nombre d'enfants :
D'après l'étude magicmaman menée par l'IDM – Families, 91 % des mères ont le sentiment de devoir penser à trop de choses depuis qu'elles sont mamans. En moyenne, elles évaluent leur charge mentale à 7/10.
Pire : près d'1 mère sur 2 (48%) déclare avoir une charge mentale très importante, et l'évalue entre 8 et 10/10.
Un taux plus important auprès des multipares (55 % vs. 38 % pour les mères d'un seul enfant).
Non seulement la charge mentale s’accroît après l'arrivée des enfants mais on peut aussi supposer que notre état de santé général en pâtit. Voici deux articles qui abordent le sujet :
- Être parent détruit la santé
- On le dit peu: avoir des enfants peut nuire gravement à votre santé / Béatrice Kammerer
En complément, voici quelques articles qui pourront vous intéresser :
- La charge mentale, ce fardeau féminin
- L'inattendu retour de la «charge mentale» / Cécile Daumas - Libération - jeudi 29 juin 2017
- Charge mentale : comment s'en libérer ? / Flavia Mazelin Salvi - psychologies - 21/10/2019
- Charge mentale : le travail domestique des mères a doublé pendant la crise, selon le BCG
Deux bandes-dessinées : Fallait demander et Un autre regard d'Emma
Bonne journée.