Le lac du parc Tête d'Or a-t-il été creusé par des chômeurs ?
Question d'origine :
Bonjour
j'ai lu que le lac du parc Tête d'Or a été creusé par des chômeurs. Pouvez-vous me confirmer et m'en dire plus ? Merci
Réponse du Guichet

Le lac du parc de la Tête d'Or a effectivement été creusé par des canuts inscrits dans les ateliers de la charité. Beaucoup se sont blessés lors de ces travaux auxquels ils n'étaient pas habitués.
Bonjour,
Le préfet veut son bois de Boulogne, et envoie à Paris l’ingénieur Bonnet chargé de recruter «le meilleur paysagiste»; on choisit alors Denis Bühler qui vient de terminer le parc de la propriété du duc de Montmorency, ceux de M. de La Grange et du banquier protestant Arthur Mallet à Jouy-en-Josas.
Denis Bühler s’installe à Lyon et il entreprend la domestication des terrains achetés aux Hospices de Lyon. Trois mille ouvriers, la plupart des canuts au chômage, sont recrutés pour creuser un lac de seize hectares, remblayer les abords du Rhône et modeler les terrains surélevés de plusieurs mètres. L’emploi des chômeurs et des nécessiteux est l’aspect social mis en évidence par les élus ; dans de nombreux cas, les travaux de terrassement et de nivellement furent réalisés par des «brigades de charité» ou «ateliers de charité». Il s’agit d’une reprise de l’idée des ateliers municipaux inventés par les révolutionnaires de 1848. Elle consiste à la mise au travail quasi forcé des miséreux qui affluaient dans les hospices, en particulier pendant l’hiver; on retrouve là une des tâches principales des municipalités au XIXe siècle, tâche que leur dispute le clergé qui revendique cette fonction d’assistance. Sur les conseils du préfet ou du maire, Bühler fera appel à ces ouvriers improvisés à Lyon, Rennes, Béziers. Le bilan est lourd, Norbert Turquin a travaillé dans ces ateliers au parc de la Tête d’Or, il raconte: «Il n’y a personne de plus maladroit comme les ouvriers de soierie pour les travaux de terrassement… En octobre 1857, plus de trois mille d’entre eux étaient occupés à ces travaux, et déjà plus de cinq cents avaient dû entrer à l’hôpital : la plupart de ces malheureux étaient blessés ou avaient attrapé des hernies en glissant sur les plateaux couverts de vase. On les payait un franc par jour, c’est à peine s’ils gagnaient ce maigre salaire, des terrassiers de profession auraient pu gagner trois francs. »
Denis Bühler s’étonne des difficultés rencontrées; il faut travailler dans l’urgence, car l’emploi des canuts s’arrête au mois de mars et l’Eglise veille au respect de la période hivernale! Bühler se plaint aussi de l’incompétence des techniciens: «les travaux faits cet hiver ont été des plus difficiles, ce sont ceux où ma présence était des plus indispensables pour éviter de fausses manœuvres… Les agents chargés des métrés et de la compatibilité des travaux, malgré leur mérite, n’ont aucune idée des nivellements, pittoresque travail, tout à fait étranger à leur spécialité.» Les plus grandes difficultés ont consisté à creuser le lac et à édifier un monticule au nord du lac pour dégager un point de vue sur les coteaux de Fourvière.
Pour aller plus loin :
- Lyon, le parc de la Tête-d'Or / Louis-Michel Nourry ; publié sous la dir. de Roger Sabater - page 44
- Des chômeurs mobilisés pour ce travail de titan / - 09 août 2016
- Les jardins publics en province : espace et politique au XIXè siècle / Louis-Michel Nourry - aux pages 133 à 155
Bonne journée