Pourquoi les moines bouddhistes se rasent-ils le crâne ?
Question d'origine :
Pourquoi les moines boudhistes se rasent le crâne?
Je lisais un article en ligne qui parlait du fait que les moines bouddhistes se rasent le crâne et la question m'est venue : Pourquoi les moines bouddhistes se rasent ils le crâne ?
En cherchant sur internet j'ai pu obtenir différentes réponses qui pour certaines me semblent farfelues :
- Car ils ne doivent pas chercher à améliorer leur apparence physique
- Pour ressembler à bouddha
- Pour symboliser leur unité
- Pour se consacrer à l'essentiel
- Pour se montrer tel que l’on est à la face du monde
- Pour renoncer au monde matériel
- ...
Par conséquent j'aurais aimé connaître la vraie réponse d'après votre connaissance.
je vous remercie
Réponse du Guichet
Pour les moines et les moniales, raser la chevelure représente le renoncement au monde matériel, l'abandon de tout ce qui a un lien avec l'existence matérielle passée.
Par ailleurs, avec la robe religieuse, le crâne rasé est l'un des principaux marqueurs qui distinguent les membres de la communauté monastique.
Bonjour,
En 2013, le service InterroGE (équivalent genevois du Guichet du Savoir) a répondu à une question similaire.
D'après les ressources citées par les bibliothécaires de Genève, raser la chevelure représente le renoncement au monde matériel, l'abandon de tout ce qui a un lien avec l'existence matérielle passée.
Voici en complément les explications que nous trouvons dans la conférence de Christian Bromberger, La place des cheveux et des poils dans les rituels et le sacré :
Les moines et les moniales qui se consacrent à la vie monastique se font raser les cheveux et répètent cette opération une fois par mois. Parfois aussi ils se rasent les sourcils, ainsi en Thaïlande. Ce faisant, ils reproduisent un des gestes fondateurs du Bouddha qui se rasa les cheveux et la barbe avec la lame de sa propre épée quand il prit la décision de se retirer du monde pour se livrer à la méditation. Le rasage, qui intervient au début du rituel de l‟ordination, est le symbole, par excellence, du renoncement à la vie familiale et aux biens matériels. Voici ce que rapporte un des disciples du Bouddha, le moine Mahapanthaka : « J‟ai abandonné mes enfants et ma femme, mon argent et ma récolte, j‟ai rasé mes cheveux et ma barbe et suis venu mener une vie de renonçant ». Mais le rasage des cheveux signifie surtout un renoncement volontaire à la vie sexuelle ; en se rasant les femmes suppriment cet élément majeur de la séduction, tout comme en revêtant une robe orange informe elles rejettent tout ce qui pourrait provoquer l‟attirance. La dimension sexuelle du renoncement volontaire est soulignée par le fait que les eunuques ne peuvent devenir moines et que seules les femmes en âge de procréer peuvent devenir moniales. Il faut être en pleine possession de ses moyens pour y renoncer. Ce renoncement est la condition d‟une méditation et d‟un détachement sereins dans le cadre d‟un monastère.
Avec la robe religieuse, le crâne rasé représente en outre l'un des principaux marqueurs qui distinguent les membres de la communauté monastique, comme le remarque Nicola Schneider dans son article La chevelure féminine et la religion (au Tibet) : entre renoncement et pouvoir :
Au Tibet, on tond les cheveux des nonnes et des moines comme ailleurs dans le monde bouddhique ; ensemble, la tête rasée (ou les cheveux très courts) et la robe religieuse constituent le principal marqueur d’identité permettant de distinguer celui ou celle qui fait partie de la communauté monastique. « Offrir ses cheveux » [(dbu) skra phud] est l’une des expressions utilisées dans les textes pour désigner l’entrée dans la vie monastique d’une personne donnée. L’acte du rasage obéit à des règles précises, stipulées dans la discipline monastique (skt. Vinaya). Ainsi, il faut utiliser un rasoir et en aucun cas des ciseaux ou un couteau. Les moines et les nonnes ne doivent pas se faire couper les cheveux dans le temple, sauf s’ils sont malades et à condition qu’ils étendent un tissu sur le sol. Quand ils sont plusieurs à se raser, il faut commencer par le plus âgé. Il est interdit d’arracher les cheveux comme le font par exemple les religieux jaïns en Inde. De plus, au Tibet, on ne fait subir aucune autre intervention au futur moine ou nonne comme c’était le cas en Chine autrefois quand on appliquait de l’encens brûlant sur le crâne fraîchement rasé pour y imprimer trois ou douze points selon qu’il s’agissait de l’ordination mineure ou majeure (Welch, 1967 : 275). Ce rite, qui était d’ailleurs séparé de celui du rasage à proprement parler, est désormais en principe interdit en Chine même, mais encore largement pratiqué à Taïwan. Au Tibet, le rite de rasage ne se fait pas toujours lors d’une cérémonie formelle comme c’est le cas dans d’autres pays bouddhistes. Le plus souvent, la fille ou femme tibétaine qui souhaite entrer dans un ordre le fait savoir à son entourage à l’avance en se coupant les cheveux au carré — voire plus court —, avant de les raser complétement à l’occasion de l’ordination proprement dite. [...]
La discipline monastique bouddhique (Vinaya) interdit aux nonnes et aux moines de porter leurs cheveux plus longs que deux pouces — environ cinq centimètres. Par conséquent, il est nécessaire de procéder régulièrement au rasage de la tête, c’est-à-dire au moins une fois tous les deux mois. Cela se fait individuellement ou avec l’aide d’une autre nonne. Le Tibet se distingue ainsi de la Thaïlande où le rasage des cheveux, mais aussi des sourcils, se fait collectivement, la veille de la cérémonie de confession des fautes (pali uposatha) qui a lieu deux ou quatre fois par mois selon les monastères. Quand une nonne tibétaine n’a pas eu le temps ou tout simplement n’a pas eu le courage pour des raisons climatiques de se raser les cheveux, elle recourt à un couvre-chef, une casquette ou un bonnet pour cacher la longueur de ses cheveux, notamment devant son lama, la maîtresse de la discipline [dge bskos] ou d’autres dignitaires religieux qui pourraient la réprimander. Ainsi, il est déjà arrivé que le Dalaï-lama sermonne les moines et les nonnes pris en défaut lors de ses enseignements. Et, pour éviter de telles inconvenances, il est devenu coutumier parmi la communauté tibétaine en exil d’afficher avant chaque grande cérémonie ou enseignement public une règle spécifique qui stipule, entre autres, la tenue vestimentaire obligatoire des moines et des nonnes et la longueur des cheveux requise.
Bonne journée.