Le charbon est-il efficace pour purifier l'eau ?
Question d'origine :
Bonjour,
Le charbon (bâtonnets binchotan ou les filtres à charbon type berkey) sont-ils réellement efficaces pour purifier l'eau ? Existe-t-il de la documentation sérieuse à leur sujet svp ?
Merci !
Réponse du Guichet
Le charbon actif possède effectivement des propriétés adsorbantes, c'est-à-dire qu'il retient à sa surface la plupart des molécules organiques qui donnent à l'eau un goût et une odeur. Il est utilisé dans le traitement de l'eau.
Bonjour,
Les effets adsorbants du charbon actif sont avérés : ce matériaux, sous forme de poudre ou de grains, est utilisé dans le traitement de l'eau. L'ouvrage La qualité de l'eau potable : techniques et responsabilités de Joël Graindorge et Éric Landot nous fournit quelques renseignements sur cet emploi :
Le charbon actif
C'est un matériau qui peut fixer à sa surface les molécules de façon plus ou moins réversible. Il est issu d'un traitement spécial des charbons naturels (anthracites ou tourbes) ou végétaux (noix ou noix de coco carbonisées).
Les charbons adsorbent la plupart des molécules organiques (notamment celles donnant du goût ou de l'odeur).
On distingue deux types de matériaux :
Le charbon actif en poudre
Il est introduit en suspension (souvent avant la floculation et après la coagulation). Il est d'un investissement réduit et facile à mettre en oeuvre. Mais il n'est pas régénérable, il augmente les boues de traitement, et son coût est élevé s'il est utilisé en continu.
Le charbon actif en grains
L'eau passe à travers ce filtre pour être débarrassée progressivement de ses polluants. Son efficacité est en liaison avec les caractéristiques physiques du charbon (granulométrie, surface spécifique...). Il présente l'avantage d'une élimination poussée (notamment des hydrocarbures, des pesticides...).
Il est régénérable (tous les quatre à cinq ans). Mais il permet un développement microbiologique, ce qui implique une désinfection en amont. En cas d'arrêt de l'unité, il y a production de nitrites.
L'ouvrage Production d'eau potable : procédés de traitement, paramètres de qualité et impacts du changement climatique de Bernard Legube consacre un chapitre de 18 pages à l'affinage par charbon actif. En voici les premières lignes :
L'élimination des micropolluants organiques à l'état de traces (pesticides, solvants chlorés, HAP, perturbateurs endocriniens, résidus pharmaceutiques, cosmétiques, PFAS, etc.) et des matières organiques naturelles réfractaires à la clarification (et potentiellement précurseurs de sous-produits de chloration), ainsi que l'amélioration des qualités organoleptiques, sont des objectifs importants à atteindre lors de l'affinage des eaux destinées à la consommation humaine. L'adsorption, c'est-à-dire la propriété de certains matériaux de fixer à leur surface des composés dissous, permet d'atteindre ces objectifs. C'est donc une opération d'affinage primordiale, principalement en traitement des eaux de surface et, de plus en plus souvent, en eau souterraine.
Bien que d'autres adsorbants soient parfois utilisés en traitement d'affinage pour éliminer certains composés minéraux gênants ou toxiques (alumine activée, oxydes de fer, échangeurs d'ions) ou les matières organiques dissoutes (résines macroporeuses), le charbon actif est le matériau adsorbant le plus utilisé à grande échelle. C'est un matériau obtenu par pyrolyse du bois, noix de coco, charbon, lignine ou autre composé organique, qui présente in fine un très haut degré de porosité associée à une grande surface développée.
On retrouve aussi le charbon actif dans les carafes filtrantes. Voici ce que mentionne à ce propos un avis de l'Anses :
Le charbon actif est généralement utilisé en grain (CAG), pour réduire la concentration en chlore de l’eau, adsorber les composés organiques « responsables des goûts et odeurs », et éliminer des micropolluants (EPA 2006, NAC 1997). Son efficacité dépend de la nature, de l’origine et de la qualité du produit (capacité d’adsorption du charbon), de la quantité utilisée et de sa durée de contact avec l’eau. Le CAG est également un support biologique privilégié, ses aspérités favorisant l’adhésion des micro-organismes dans le filtre, l’accumulation de la matière organique à la surface des pores pouvant servir de nutriments. L’objectif annoncé du traitement du CAG par de l’Ag est de limiter la prolifération microbienne dans le filtre de la carafe et non de désinfecter l’eau. Les effets bactéricide (réduction du nombre de micro-organismes), et/ou bactériostatique (inhibition du développement de micro-organismes), de l’Ag vis-à-vis de micro-organismes présents dans l’eau ont été étudiés dans différentes publications (Fewtrell pour l’OMS, 2014 ; Bell, 1991). S’agissant des carafes filtrantes, aucune publication scientifique étudiant spécifiquement l’efficacité du traitement à l’Ag des médias filtrants sur la prolifération microbienne n’a été identifiée.
Les bâtonnets binchotan peuvent-ils être considérés comme du charbon actif ? Voici quelques extraits d'un article de l'Express consacré au Binchotan, que nous avons consulté via Europresse :
"Charbon actif" : mettre du binchotan dans l'eau a-t-il un sens?
[...] Transformé en charbon actif, ce morceau de chêne japonais sort du bois dans toutes les épiceries et magasins bio.
[...] Un bois provenant du sud du Japon
Le principe est de laisser le bâtonnet, souvent appelé "charbon actif" au minimum 30 minutes dans l'eau pour la "purifier". Il doit au préalable avoir été bouilli une dizaine de minutes - les sites et revendeurs ne sont pas d'accord sur la durée, allant de 5 à 20 minutes. Il faut compter deux petits morceaux par litre.
Les mérites prêtés à ce morceau de charbon tubulaire s'expliquent par sa méthode de fabrication. Le binchotan est un charbon "actif" initialement produit au sud du Japon, utilisé dans les barbecues et grils nippons. Non seulement il ne génère pas de fumée, mais il donne sa saveur particulière aux yakitoris.
Du bois de chêne ubamegashi est séché, puis cuit dans un four en terre. S'ensuit une phase de carbonisation, durant laquelle le bois se consume à 400°C pendant plusieurs jours, pour se transformer en charbon, créant des pores dans l'élément. Et enfin une phase d'activation : la porte du four est ouverte, l'afflux d'oxygène attise la combustion et la température atteint les 1200°C. Cela provoque la libération du goudron contenu dans les pores. Le charbon a alors des capacités d'adsorption - et non d'absorption -, c'est-à-dire que, plongé dans un liquide, ce solide poreux retient à sa surface des molécules en suspension.
Le binchotan est obtenu à partir d'un bois endémique du sud du Japon.
La demande de plus en plus forte a poussé notamment des sociétés en Chine à se lancer dans la production de binchotan, mais à base de bambou, moins coûteux. [...]
Le charbon actif est une méthode de filtration avérée et très développée. "Les propriétés du charbon actif sont bien connues pour l'élimination du chlore et de certains micropolluants organiques, explique le laboratoire qualité d'Eau Paris. À ce titre il est régulièrement utilisé, en grain ou en poudre, dans de nombreuses usines de traitement d'eau potable -dont celles d'Eau Paris-, en particulier pour éliminer les pesticides." [...]
Une efficacité qui n'est pas prouvée
Le binchotan est moins contraignant : il suffit de le laisser dans l'eau en permanence (il ne doit pas être à l'air libre) pour qu'il agisse. Et, lorsque son action se fait moins sentir, on le fait de nouveau bouillir pour le "réactiver". "J'ai cassé plusieurs carafes, mais jamais le binchotan! Il suffit de le faire bouillir 20 minutes tous les six mois, et ça repart", s'enthousiasme Pierre.
Pourtant, selon la société Midorinoshima, spécialisée dans l'importation et la promotion de produits japonais de luxe, "la seule façon de réactiver les charbons serait de les porter de nouveau à des températures supérieures à 1200°C". Ces importateurs entre autres de binchotan haut de gamme recommandent donc d'en racheter lorsque les effets disparaissent.
Le laboratoire qualité d'Eau Paris est plus mesuré : "Nous ne disposons d'aucune donnée sur son efficacité et son innocuité, notamment son aptitude à 'adsorber' des composés dans l'eau tels que les métaux." Car si les études sur le charbon actif sont nombreuses, les recherches sur le binchotan sont rares. Celle qui fait foi date de 2014, en Australie. Le but était de savoir s'il pouvait remplacer le charbon traditionnel dans la fabrication d'aluminium. Les scientifiques citent des informations données par la société Miura -spécialisée... dans le charbon. La conclusion est que "le binchotan a des propriétés uniques grâce à sa méthode de fabrication", sans plus de détails sur de potentiels effets sur la santé.
De toute façon, selon Eau Paris, il "n'est pas utile de filtrer l'eau de Paris, celle-ci respectant les critères de conformité".
De fait, nous n'avons pas trouvé d'article sur le sujet dans Google Scholar que nous puissions consulter en texte intégral... Nous ne pourrons donc pas vous informer plus précisément sur l'efficacité du binchotan relativement au charbon actif "classique" utilisé pour la production d'eau potable.
Bonne journée.