Existe-t-il une explication scientifique à la période climatologique des saints de glace ?
Question d'origine :
Bonjour,
Existe-t-il une explication scientifique/climatique aux "saints de glace". Étant agriculteurs, nous constatons effectivement chaque année une chute des température à cette période.
Merci pour votre travail !
Réponse du Guichet
Aucune étude sérieuse n’a révélé de phénomène particulier les 11, 12 et 13 mai, même si on a évoqué, entre autres, la traversée par la Terre d’un nuage de poussière qui diminuerait le flux solaire, une hypothèse abandonnée. La lumière de la lune rousse a même été un temps soupçonnée, à tort, de faire roussir les plantes, alors que le froid seul en était responsable.
La climatologie récente montre même que deux années sur trois, la dernière période de froid de l'année a eu lieu après les Saints de Glace... De plus, les gelées en plaine autour des 11–13 mai sont devenues rares, et les températures minimales varient fortement d’une année sur l’autre. En revanche, il arrive que début mai des fronts froids venant du Nord atteignent nos latitudes : dans ce cas, si la présence d’un anticyclone permet de dégager le ciel, elle s’accompagne d’une perte de chaleur encore importante, surtout la nuit, et il peut donc geler même si les températures journalières ont globalement tendance à augmenter pour atteindre la période estivale. Ceci est décrit par le phénomène climatique appelé "North Atlantic Oscillation".
On peut considérer ces savoirs imagés comme des moyens mnémotechniques pour conserver sa vigilance face aux caprices du climat : un repère pratique pour rappeler qu’un dernier coup de froid reste possible au printemps, mais non comme une “loi” climatologique fiable.
Bonjour,
Vous souhaitez savoir si il existe une explication scientifique/climatique aux "saints de glace". Étant agriculteurs, vous constatez chaque année une chute des température à cette période.
Que nous dit Météo France dans sa réponse à la question De la fraîcheur aux Saints de glace : est-ce toujours d’actualité ? (13/05/2025) : la climatologie récente montre que deux années sur trois, la dernière période de froid de l'année a eu lieu après les Saints de Glace. De plus, les gelées en plaine autour des 11–13 mai sont devenues rares, et les températures minimales varient fortement d’une année sur l’autre.
La climatologie récente montre que deux années sur trois, la dernière période de froid de l'année a eu lieu après les Saints de Glace...
On étudie 130 stations en métropole, en plaine (altitude max 400m), en s'intéressant aux occurrences de gelées entre le 14 mai et le 30 juin (inclus). La période temporelle est 1951-2023, soit 73 années. Sur 73 années étudiées, il y a 49 années où au moins une station en France métropolitaine a mesuré du gel entre les Saints de Glace et le 30 juin. On a donc 67% des cas (soit 2 années sur 3) où la dernière période de froid de l'année a eu lieu après les Saints de Glace. Ce phénomène est donc faux 2/3 du temps. [...]
On peut souligner une tendance à la baisse des périodes de gel à grande échelle, puisque après 1995, c'est l'année 2012 qui compte le plus de stations avec gelée la même année, au nombre de 31 seulement. Avant 1995, il y avait régulièrement des années où 30 stations ou plus mesuraient des gelées après les Saints de Glace. Si on regarde par décennie, on constate que la décennie 1990 compte le plus d'années sans mesure de gel (5 années, soit 50%), bien qu'elle contienne 1995, l'année comportant le maximum de stations ayant mesuré du gel (70 stations). La décennie 2010 compte le moins d'années sans mesure de gel (2 années, soit 20%). Il gèle donc plus régulièrement entre 2010 et 2020 qu'entre 1990 et 2000, mais à moins d'endroits.
Le portail de diffusion des savoirs de l’Université Claude Bernard Lyon 1, Sciences pour tous, donne des clés pour comprendre Pourquoi fait-il très froid 3 jours au mois de mai (8 juin 2015). Voici la réponse d’Alain Miffre de l’Institut Lumière Matière :
La période dite des “Saints de glace” est située traditionnellement les 11, 12 et 13 mai de chaque année. On célèbre ces jours-là respectivement Saint Mamert, Saint Pancrace et Saint Servais.
Croyance populaire ou dévotion religieuse, ces saints sont invoqués par les agriculteurs pour éviter le gel de leurs plantations sous l’effet d’une baisse de la température qui s’observerait à cette période. On trouve ainsi plusieurs dictons populaires qui recommandent d’attendre que les Saints de glace soient passés pour procéder à de nouvelles plantations : “Avant Saint-Servais, point d’été ; après Saint-Servais, plus de gelée“, par exemple.
Alors, pourquoi les Saints de glace ont-ils lieu au mois de mai ?Une première hypothèse a consisté à considérer qu’à cette période de l’année, la Terre, dans son orbite autour du Soleil, pourrait traverser un nuage de poussières réfléchissant le rayonnement solaire. Cette hypothèse s’est vite révélée erronée puisqu’ aucun satellite n’a observé ce type de poussières pendant les Saints de glace.
L’explication scientifique n’est en effet pas de nature astrophysique mais d’origine climatique. Sous nos latitudes moyennes de l’hémisphère Nord, le passage de fronts froids, amenant de l’air du Nord se produit couramment durant l’hiver. Ainsi, pendant l’hiver, des masses d’air froid parviennent à nos latitudes et provoquent des épisodes de froids parfois très rugueux. Cette circulation atmosphérique hivernale s’achève lorsque les conditions anticycloniques estivales prennent le dessus. Toutefois, cette modification de la circulation atmosphérique, d’hivernale à estivale, s’effectue progressivement et il arrive que début mai des fronts froids venant du Nord atteignent nos latitudes.Dans ce cas, si la présence d’un anticyclone permet de dégager le ciel, elle s’accompagne d’une perte de chaleur encore importante, surtout la nuit, et il peut donc geler même si les températures journalières ont globalement tendance à augmenter pour atteindre la période estivale. Ceci est décrit par le phénomène climatique appelé North Atlantic Oscillation.
Les Saints de glace tombent ainsi chaque année au mois de mai, car c’est à ce moment précis de l’année que la circulation atmosphérique hivernale s’achève avec les dernières descentes d’air froid polaire avant l’été. Ceci ne signifie pas pour autant qu’il va nécessairement geler les nuits des 11, 12 et 13 mai prochains : on ne peut en effet prédire avec certitude la circulation des masses d’air à une date précise. On peut en revanche prévoir, que, en moyenne, cette circulation a une probabilité non nulle de se produire.
D’intenses recherches sont actuellement en cours, notamment à l’Institut Lumière Matière, pour mieux comprendre ce type de phénomènes qui sont en lien étroit avec les questions et les enjeux liés au changement climatique et enseignés dans l’unité d’enseignement Observation par satellite et applications au climat en première année du Master de Physique.
Source : Sciences pour tous (Université Lyon 1)
Et quid de la lune rousse ? la revue en ligne La Ligue la disculpe totalement dans son article : Lune rousse et Saints de Glace: la dangereuse météo du printemps (Mercredi 26 avril 2023, par François Chamaraux, docteur en sciences, enseignant en mathématiques et sciences) :
Comme on l’a dit, en avril et mai, donc en plein dans la lune rousse, les fameuses gelées tardives risquent d’abîmer les plantes, en particulier les feuilles tendres, qui meurent en… roussissant. Or, comme on l’a vu, les nuits froides sont celles où le ciel est découvert, celles donc où la lune a été bien visible! Si un lendemain matin de beau clair de lune, je découvre mes fleurs de vignes ou mes feuilles de tomates anéanties par le gel, je pourrais être tenté de soupçonner la lumière maléfique de l’astre nocturne, déjà accusé de nombreux maux8. Ainsi la lumière de la lune de printemps a-t-elle été soupçonnée, à tort, de faire roussir les plantes, alors que le froid seul en est responsable.
Disculpons ici la lune, victime d’une confusion classique entre corrélation et lien de cause à effet !
L'article sus-cité rappelle que les Saints de Glace relèvent d'une assertion un peu vague et probabiliste, comme souvent en météorologie, mais un bon point de repère pour éviter des catastrophes aux champs ou au jardin :
Examinons la première interprétation: se produit-il un coup de froid les 11, 12 et 13 mai? Non. En examinant les courbes de températures, on s’aperçoit qu’aucune anomalie n’a lieu ces jours-là. A Uccle par exemple, ils furent certes un peu froids en 2021, 2020 et 2019, mais plutôt chauds en 2018, 2017 et 2016 Plus largement, aucune étude sérieuse n’a révélé de phénomène particulier les 11, 12 et 13 mai, même si on a évoqué, entre autres, la traversée par la Terre d’un nuage de poussière qui diminuerait le flux solaire, une hypothèse abandonnée. La première interprétation semble donc erronée.
La deuxième interprétation semble en revanche assez juste : si des gelées sont encore possibles début mai, on n’en observe presque jamais après le 13. Presque! Car on apprend qu’il a gelé le 16 mai 1941 à Uccle, ainsi que le 22 mai 1955, record de la gelée la plus tardive. Plus récemment, il a gelé le 14 mai 2010 à Middelkerke. On a même mesuré des températures négatives jusqu’en juin dans des régions plus fraîches, comme le 1er juin 1975 à Rochefort ou le 5 juin 1991 à Charleville-Mézières (France). Des gelées en juillet ont même été observées en plaine (1er juillet 1962 en Champagne)!
En résumé, que se passe-t-il aux Saints de Glace? Strictement rien de spécial! Mais on peut tout de même affirmer : «En Europe de l’Ouest tempérée, en plaine, après le 13 mai (mais on aurait pu choisir le 16 ou le 11), les gelées deviennent très peu probables, quoique encore possibles». Il s’agit d’une assertion un peu vague et probabiliste, comme souvent en météorologie, mais un bon point de repère pour éviter des catastrophes aux champs ou au jardin.
Et l'article de conclure sur le message de sagesse que véhicule cette croyance populaire !
Peu importe qu’il fasse froid jusqu’au 13 ou au 16 mai: l’important est de se méfier, encore début mai, des dernières gelées. On peut considérer ces savoirs imagés comme des moyens mnémotechniques pour conserver sa vigilance face aux caprices du climat.
Aller plus loin sur le Web :
Les "saints de glace" existent-t-ils vraiment ? (France Inter, 12 mai 2019)
C'est quoi les Saints de glace ? (France Bleu, 10 mai 2019)
Des gelées aux premiers jours de chaleur : un début mai contrasté ! (Météo France, 6 mai 2021)
Aller plus loin sur le portail Persée (qui donne accès à des collections de publications scientifiques) :
Josserand Marcel. Deux légendes sans fondement : l'été de la Saint Martin et les saints de glace. In: Bulletin mensuel de la Société linnéenne de Lyon, 44ᵉ année, n°6, juin 1975. pp. 27-31
Pelletier Henri. Les caprices du temps. In: Revue des sciences naturelles d'Auvergne, volume 41 fascicule 1-4, 1975. pp. 65-69
Enfin, voici des références récentes, issues de nos collections, qui sauront répondre à vos questions climatiques :
Le grand guide de la météo et du climat [Livre] : le temps et le climat, les phénomènes atmosphériques, les cycles météorologiques, le changement climatique / avec la participation de Olivier Nouaillas, 2025
Les arbres fruitiers à l'épreuve du climat [Livre] : enjeux et solutions pour nos vergers / Éric Dumont, 2025
Climats passés, climats futurs [Livre] / Jean Jouzel, 2019
Mon jardin s'adapte au changement climatique [Livre] : anticiper, repenser et aménager / Pierre Nessmann, 2021
Le climat en 100 questions [Livre] / Sylvestre Huet, Gilles Ramstein, 2022
Tout comprendre (ou presque) sur le climat [Livre] / BonPote [Thomas Wagner], Anne Brès, Claire Marc, 2022
Bel hiver à vous,
La grande histoire du climat