Quels sont les arguments pour et contre le nucléaire ?

Bonjour,

Vous avez du mal à vous faire une opinion sur le sujet du nucléaire, et vous avez raison. Le contexte de l'urgence climatique complexifie en effet le débat sur le nucléaire : selon l’accord de Paris, les émissions de gaz à effet de serre devraient cesser d’ici 2050, ce qui signifie que les combustibles fossiles devraient être progressivement éliminés afin de décarboner l’économie. Or les sources d’énergie disponibles sont les énergies dites "renouvelables" (telles que l’énergie solaire, l’énergie hydraulique, l’énergie éolienne, l’énergie marine et l’énergie géothermique), mais aussi l'énergie nucléaire.

La question est alors de savoir si nous pouvons faire du nucléaire une "énergie de transition", c'est à dire une énergie qui peut être utilisée pour remplacer les combustibles fossiles pendant la phase de transition énergétique.

Pour vous faire une opinion, voici les principaux arguments pour et contre le nucléaire.

1. Les arguments pour le nucléaire .

• La Radioactivité est un danger improbable aujourd’hui :

Selon l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), il existe une radioactivité naturelle qui n’est pas la même partout. Elle augmente notamment en fonction de l’altitude et varie en fonction de la nature des roches. Parallèlement, la radioactivité est aussi produite de manière artificielle : elle est utilisée en chimie, en biologie, en archéologie ou encore en médecine. Le danger n’apparaît qu’en cas d’exposition à de fortes doses. Selon l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, de sérieux risques pour la santé apparaissent lorsque le corps est soumis à un rayonnement dépassant largement les seuils autorisés. Le risque existe donc en cas d’accident nucléaire, mais il est fortement improbable.

• Nous avons besoin du nucléaire pour stopper le changement climatique car les "énergies renouvelables" sont insuffisantes :

L’énergie éolienne et l’énergie solaire ne couvrent aujourd’hui que 3 % de la demande totale d’énergie. Voir : Les chiffres clefs de l’énergie renouvelable.

• ​​​​​Le nucléaire assurerait notre l’indépendance énergétique :

Le nucléaire est la principale source d’énergie européenne qui permettrait en outre de 1,1 millions d’emplois, explique Kirsty Gogan, co-fondatrice et directrice de Energy for Humanity

Selon le rapport de l’OCDE «La sécurité d’approvisionnement énergétique et le rôle du nucléaire», publié en 2011, le nucléaire a contribué à améliorer la sécurité énergétique de ses pays membres. «Le nucléaire, explique le rapport, est un mode de production d’électricité concurrentiel présentant une forte densité énergétique et une faible sensibilité aux variations des prix de la matière première, l’uranium, contrairement aux technologies brûlant des combustibles fossiles. Les ressources d’uranium sont également bien réparties dans le monde, certains pays de l’OCDE comme l’Australie, le Canada et les États-Unis en détenant de fortes proportions».

Ainsi, l’énergie nucléaire aurait permis à la France de se prémunir des aléas géopolitiques et des ruptures d’approvisionnement en énergie. En 2014, 77% de la production d’électricité française était d’origine nucléaire selon EDF.

• Le nucléaire c’est aussi de l’électricité moins chère :

France Info, citant les calculs d’Eurostat, confirme les chiffres. La France paie son électricité moins cher que la plupart de ses voisins européens. Une note du Trésor, publié en novembre 2015, vient lister les raisons de cet écart, notamment «la prépondérance du nucléaire dans le mix électrique, qui offre à la France un avantage en termes de coûts de production par rapport à ses voisins». La part élevée du nucléaire dans la production d’électricité en France permet donc aux Français de bénéficier d’une électricité abordable.

• Le nucléaire serait considérée comme une énergie à faible impacte pour le climat :

La décision du Conseil européen de soutenir la formulation de la présidence finlandaise en faveur des « sources d’énergies renouvelables et neutres pour le climat » laisse la porte ouverte à la classification de l’énergie nucléaire comme énergie verte dans la nouvelle taxonomie du financement durable de l’UE.

• Au plus fort de notre urgence climatique nous avons besoin du nucléaire pour assurer la transition énergétique :

Au nom de l’urgence climatique, nous ne pouvons plus suivre de comme l’Allemagne, l’Autriche et le Luxembourg raisonnements purement idéologiques qui nous pousseraient à fermer la plus grande source d’énergie propre d’Europe.

Plusieurs institutions et organisations internationales, parmi les plus crédibles et les plus accréditées au monde, ont établi des feuilles de route pour atténuer le changement climatique. Dans son rapport spécial sur le réchauffement climatique à 1,5°C publié en octobre 2018, le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) dresse un constat sans appel : pour ne pas dépasser 1,5 degré de réchauffement planétaire, les émissions mondiales de CO2 doivent être divisées par deux d’ici 2030, mais pour cela le nucléaire est nécessaire.

• On peut être écologiste et défendre le nucléaire car le nucléaire n’est pas polluant :

"Le nucléaire est une technologie accessible dès aujourd'hui et, à structure existante, elle est peu émettrice de CO2 à comparer avec des centrales à charbon ou des centrales à biomasse."

Le président Jean-Marc Jancovici est le président du think tank The Shift Project qui œuvre en faveur d’une économie libérée de la contrainte carbone. The Shift Project est une association loi 1901 reconnue d’intérêt général, guidée par l’exigence de la rigueur scientifique et sa mission consiste à éclairer et à influencer le débat sur la transition énergétique, qui selon elle n’est pas viable avec l’arrêt de la production d’énergie nucléaire. L’association classe d’ailleurs le nucléaire dans les «énergies durables».

• De l'autre côté, comme l'a expliqué franceinfo, les énergies renouvelables ne sont pas non plus totalement propres :

En effet, elles génèrent des émissions indirectes, parce qu'elles exploitent des terres rares, qu'elles vont de pair avec les énergies fossiles et que leurs matériaux ne sont pas assez recyclés. En un mot, le nucléaire peut être considéré comme une «énergie de transition» qui peut contribuer à une plus grande décarbonatation et à l’expansion des énergies renouvelables, tels que le solaire et l’éolien, dans toute l’UE.

Mais pour pousser la réflexion plus loin, le site de l’ADEME propose plusieurs études par secteur d’énergie. Vous savez désormais qu’il est faux de penser que les énergies renouvelables n’ont pas d’impact environnemental. Il faut également savoir regarder à long terme afin de déterminer quelle est la meilleure solution pour notre futur. 

2.  Les arguments contre le nucléaire 

• L’énergie nucléaire est absurde d’un point de vue économique et nous n’avons ni le temps ni l’argent pour compter sur l’énergie nucléaire pour la production d’électricité à faibles émissions :

Les centrales nucléaires en cours de construction ont été en chantier pendant 6,7 ans en moyenne, certaines depuis plus de dix ans. Les réacteurs qui ont été terminés en 2018 (tous en Chine) auront eu une durée moyenne de construction de 10,9 ans – le temps de construction en dehors de la Chine étant beaucoup plus long pour des raisons de participation et de réglementation. Mais, selon les scientifiques, nous devons réduire les émissions mondiales de 50 % d’ici 2030. En outre, les centrales nucléaires elles-mêmes sont touchées par le changement climatique. Au cours de l’été chaud et sec de 2018, plusieurs réacteurs européens ont dû réduire leur production d’énergie ou s’arrêter complètement en raison du faible niveau d’eau des rivières et des températures élevées.

• Selon le dernier World Nuclear Industry Status Report et le Fraunhofer ISE, les coûts de l’énergie éolienne et solaire sont inférieurs à ceux de l’énergie nucléaire depuis 2014 :

Selon ce rapport, le coût de l’électricité par source énergétique dans l’UE devrait être jusqu’à 30 % plus élevé par MWh pour l’énergie nucléaire que pour l’énergie éolienne et solaire.

• Pour les ménages, l’électricité nucléaire sera aussi de plus en plus chère :

L’investissement pour maintenir la production d’électricité nucléaire à son niveau dans les années à venir sera considérable, «un énorme chantier d’1,7 milliard d’euros par réacteur d’ici à 2030, soit 55 milliards d’euros». À ce rythme, le prix de l’électricité d’origine nucléaire est appelé à augmenter, et l’électricité nucléaire devient de moins en moins compétitive, ce que confirme le journal Le Monde.

• Le nucléaire ne serait donc pas une solution au changement climatique :

C’est ce que pense aussi l’association «Sortir du nucléaire», qui brandit un rapport produit par le cabinet Wise Paris en 2015.

Une France sans nucléaire d’ici 2050 est possible selon l’association d’experts Négawatt, qui promettent, dans leur scénario 2017-2050, un mix énergétique 100% renouvelable au milieu du siècle.

• Les centrales nucléaires en fonctionnement ne sont plus sûres :

L’âge d’exploitation des centrales nucléaires n’a cessé d’augmenter et atteint aujourd’hui 80 ans pour certaines ! Pourtant, les centrales nucléaires ne sont pas assurables. Les chercheurs du secteur des assurances ont étudié qu’une centrale nucléaire moyenne devrait payer 72 milliards d’euros par an pour couvrir les conséquences d’une éventuelle fusion. Au Japon, Tepco a dû demander une aide d’État après la catastrophe nucléaire de Fukushima, laissant la charge financière de 170 milliards d’euros (et comptant toujours) sur la société et les citoyens.

• Le risque d’accident nucléaire est réel :

Un article publié dans le journal L’Express en mars 2016 s’interroge : «un Fukushima français est-il possible ?». Selon Pierre-Franck Chevet, président de l’Autorité de sûreté nucléaire, «Il faut imaginer qu’un accident de type Fukushima puisse survenir en Europe». Le risque existe et les menaces sont nombreuses. Le risque terroriste, en premier lieu, est une question de plus en plus débattue par les politiques et les experts, qui craignent qu’un commando s’en prenne à une centrale nucléaire avec pour objectif de provoquer un accident majeur. Le risque nucléaire est loin d’être négligeable, et les conséquences pourraient être dévastatrices.

• Le danger des déchets nucléaires sont aussi réels :

L’ énergie nucléaire produit des déchets hautement radioactifs, comme l’explique l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) sur son site internet. Environ 2 kilos de déchets radioactifs sont produits par an et par habitant en France. À cause de leur radioactivité extrême, ces déchets présentent un risque pour l’homme et l’environnement et sont enfouis profondément sous terre dans des sites de stockage. La question de l’enfouissement des déchets provoque régulièrement des passes d’arme entre les antinucléaires et l’ANDRA, comme le rapporte Le Monde. L’enfouissement de déchets nucléaires d’une durée de vie de 100 000 ans à plusieurs millions d’années posera d’ailleurs de nombreux problèmes aux générations futures, d’après cet article de Slate.

Nous espérons avoir répondu à votre question et ainsi vous avoir aidé à vous faire votre propre opinion... et nos opinions en la matière comptent, elles peuvent jouer un rôle majeur dans les choix de nos gouvernements en matière de production énergétique !

Bien cordialement,

Le Département Société.

 . Pour aller plus loin sur le sujet :

- Quelques sites à visiter  :

Nucléaire non merci

La transition énergétique pour la croissance verte

Climat : tout savoir sur le rapport du GIEC

- Vous pouvez également trouver à la bibliothèque municipale de Lyon, les livres suivants :

Nucléaire [Livre] : les vérités cachées : face à l'illusion des énergies renouvelables / Fabien Bouglé

Le bluff du nucléaire [Livre] : le prétexte du climat / Jean-Luc Pasquinet

Faut-il sortir du nucléaire ? [Livre] / Géraldine Woessner ; avant-propos de Olivier Duhamel

Le nucléaire, c'est fini [Livre] / La Parisienne libérée

Nucléaire, une catastrophe française [Livre] / Erwan Benezet

Nucléaire, danger immédiat [Livre] : et ça se passera près de chez vous ! / Hugues Demeude & Thierry Gadault