Quelle est la vie d'un professionnel de e-sport français en 2022 ?
Question d'origine :
Quelle est la vie d'un professionnel de e-sport français en 2022 ?
Quelles compétitions doit-il faire ?
Quels entraînements doit-il suivre ?
Quel est son parcours ?
Merci
Réponse du Guichet
Avec un nombre de pratiquants se chiffrant en millions, l'eSport est en plein boom en France. Le nombre de gamers gagnant leur vie en tant que professionnels est pourtant estimé à seulement 200. C'est que, dans un monde en pleine structuration et qui tend à se professionnaliser, les places sont chères, même si des cursus d'études post-bac sont désormais proposés. Quant au quotidien du gamer, il est celui d'un sportif de haut niveau, fait de préparation physique et mentale, de pratique quotidienne, de stratégie, et d'une grande discipline.
Bonjour,
Pour répondre à toutes ces questions, nous vous invitons d'abord à consulter l'ouvrage très complet Le phénomène eSport [Livre] : raconté par les gamers : jouez sérieux / sous la direction de Philippe Rodier ; coécrit avec Paul Arrivé, Amanda Charbonnel, Dorian Costanzo... [et al.] ; préface de Shaunz :
- LCS (League of Legends Championshit series) de l'éditeur Riot games ;
- BizCon (Blizzard Convention) par Blizzard
- TI (The International) de Valve Corporation
- CWL (Call of Duty World league) d'Activision
- FIWC (FIFA Interactive World Cup) de FIFA
- DreamHack, créée en 1994 en Suède
- IEM (Intel Extrem Masters), créée en 2007 en Allemagne
- ESWC (Electronic Sports World Convention) créée en 2003 en France
- MLG créée en 2002 aux Etats-Unis
- EVO (Evolution Championship series) créée en 2002 aux Etats-Unis
- WESG (World Electronic Sports Games) Créée en 2016 en Chine
- Starladder, créée en 2012 en Ukraine.
Selon un article de Studyrama, la pratique est en plein essor en France :
De son côté, l’esport connaît une croissance exponentielle en France. Chaque année, le secteur génère des revenus croissants, selon une étude menée par SuperData Research pour PayPal : 22,4 millions de dollars de recettes en 2016, 23,5 millions de dollars en 2017 et 25 millions de dollars en 2018. L’esport poursuit sa croissance en 2019, avec plus de 30 millions de dollars de recettes attendus.
Mais combien de joueurs esport sont recensés en France ? Le territoire compte 2,08 millions de pratiquants d’esport (sportifs de loisirs et amateurs), selon le Baromètre France esport publié en septembre 2018. Et sans surprise, ils sont majoritairement âgés de 15 à 34 ans. Face à l’engouement des compétitions de jeux vidéo, une première Coupe du monde de Fortnite (jeu de tir) a été organisée fin juillet 2019 à New York et a permis à deux jeunes français âgés de 16 et 19 ans de se distinguer et d’empocher respectivement 339 000 et 565 500 euros. De quoi donner envie à de nombreux jeunes joueurs de devenir des eChampions et des professionnels de l’esport.
Face à cet engouement pour les sports en ligne et la pratique en compétition, le secteur devrait susciter de plus en plus de vocations au cours des prochaines années. Pour répondre à cette nouvelle demande, des écoles spécialisées dans les métiers du gaming ont vu le jour, non seulement pour former les futurs organisateurs et animateurs de compétitions de jeux, mais également pour répondre à un besoin croissant de nouvelles compétences. Parmi les nouveaux métiers émergents dans le secteur, figurent le responsable de la monétisation, le chef de projet esport, le data analyst, le coach esport ou encore le manager esport.
L’entraîneur de League of Legends estime qu’il est difficile d’expliquer à ces jeunes joueurs, âgés d’une vingtaine d’années en moyenne, la différence entre la passion et le travail : "Ils sortent du lycée où on ne leur apprend pas spécialement à se préparer à cela. Quand ils arrivent, ils ont les yeux plein d’étoiles et pensent qu’ils vont jouer toute la journée ! Ils tombent des nues ! Je leur dis ‘L’objectif, ce n’est pas de s’amuser !' Mon objectif est qu’ils soient capables de rivaliser, au moins avec la division 2 [compétition semi-pro de League of legends, ndlr]."
Ce secteur de l’esport se structure aussi avec l’arrivée de compétitions "officielles". Des ligues font leur apparition, à l’instar de la Ligue française de League of Legends. C’est elle qui rassemble le plus de public en France. "C’est en gros la Ligue 1 de ce jeu League of Legends", explique Bertrand Amar, qui dirige les opérations esport chez Webedia (groupe qui a co-créé la compétition).
"Quand on parle d’esport, chaque jeu est une discipline et la discipline majeure, c’est League of Legends, qui est un jeu qui se joue à cinq contre cinq. Nous avons créé en janvier 2019 la LFL, qui voit s’affronter les joueurs professionnels. Il n’y a que des joueurs salariés, qui vivent leur vie de ce jeu." Une ligue créée pour répondre notamment aux besoins de compétitions organisées des équipes.
Nous avions conscience avec le développement de l‘esport que les audiences voulaient des contenus plus récurrents, plus fréquemment et que les teams avaient besoin d’évoluer dans des compétitions sérieuses, bien organisées. Avant la LFL, le circuit compétitif de ce jeu était surtout basé sur des tournois, indépendants des uns des autres. Il n’y avait pas d’unité dans l’organisation, dans la qualité de production. Les équipes étaient fatiguées d’appréhender ces tournois et surtout, les audiences n’avaient pas de quoi alimenter leur passion pour le jeu.
Bertrand Amar, responsable esport chez Webedia
Passer d’un modèle de tournois à une ligue reflète donc l’évolution de l’esport. Dans ce secteur en pleine expansion, la France compte jouer un rôle. Elle envisage ainsi de devenir le leader européen du secteur et l’une des premiers pays esportifs au monde. En 2019, le chiffre d’affaires du secteur était estimé à 50 millions d’euros.
A l’ISEFAC Bachelor (première école à lancer un Bachelor 100 % eSport & Gaming en 2016), on trouve un programme spécialisé dans le sport électronique d’une durée de trois ans. Cette formation peut se dérouler sur l’un des sept campus de l’école de commerce (Paris, Lyon, Bordeaux, Nantes, Lille, Montpellier, Nice) et accueille des étudiants de tous horizons. C’est le cas de Thibaud, étudiant en 1re année du Bachelor eSport et gaming, qui donne plus de détails sur le contenu des cours : “Nous avons des matières spécialisées dans notre filière, comme l’histoire et la culture du jeu vidéo ou l’économie du sport électronique, détaille Thibaud. Mais il y a aussi un tronc commun avec du marketing fondamental, des cours sur les outils quantitatifs ou collaboratifs. Ces enseignements sont plus généraux, mais restent appliqués au gaming.”
La première année de ce Bachelor est axée sur la communication, le marketing et une partie commerciale. La seconde poursuit ces apprentissages tout en mettant l’accent sur le management et le marketing. “En terme de management, cela va notamment passer par du coaching d’équipe eSport. On développe également l’aspect juridique de l’eSport. La troisième année est orientée sur des modules très spécifiques du secteur”, précise Alexandre Faburel, responsable pédagogique de la filière.
Au-delà de la théorie, les formations eSport reposent souvent, et en grande partie, sur des projets collaboratifs et la mise en situation des étudiants. “Récemment, on a dû concevoir de manière fictive un club ou une structure eSport. Nous avons fait une analyse concurrentielle, fait des prévisions sur le coût. Cela englobait l’aspect financier, le marketing et la communication”, explique Thibaud.
Une démarche de responsabilisation des étudiants en Bachelor eSport
Romain Tixier, chef d’entreprise mais aussi intervenant au sein du Bachelor de l’ISEFAC, donne des cours d’histoire et d’économie du sport électronique ainsi que des cours de marketing fondamental. Cet expert eSport confirme cette volonté de responsabiliser les étudiants. “Évaluer sur des partiels ne m’intéresse pas ; il faut confronter les jeunes avec les réalités du secteur.” C’est pourquoi l’école implique également les étudiants dans les plus grands événements se déroulant dans l’Hexagone. “Nous sommes par exemple allés au salon Paris Games Week. Cela nous apporte un regard nouveau sur tout ce que l’on peut voir en cours, mais aussi sur l’envers du décor”, se souvient Thibaud.
L’industrie de l’eSport étant en pleine professionnalisation, il en va de même pour les étudiants, qui sont rapidement mis dans le bain du monde du travail. A l’ISEFAC Bachelor, un stage de 10 à 12 semaines est programmé au cours de la première année. “Je suis actuellement responsable marketing junior au sein de l’association Crystal Gaming”, confie Thibaud, avant de poursuivre : “Nous sommes bien préparés par notre cursus et cela se ressent dans la sphère professionnelle.”
[...] Dans le club professionnel de jeux vidéo Vitality, les joueurs sont traités comme des athlètes de haut niveau, qui s’entraînent dans un lieu à la hauteur de leurs ambitions : l’enceinte emblématique du Stade de France, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). La Team Vitality compte aujourd’hui neuf équipes professionnelles pour huit jeux vidéo : Counter-Strike : Global Offensive (CS : GO), Rocket League, Fortnite, FIFA, League of Legends, Rainbow Six, Teamfight Tactics et Valorant. Elle est considérée comme l’une des meilleures organisations e-sportives en Europe.
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L’aventure n’a pourtant débuté qu’en 2013, lorsque Fabien « Neo » Devide a lancé Vitality avec trois amis. A 28 ans, ce passionné de jeux vidéo et de compétition dirige aujourd’hui l’un des plus gros clubs d’e-sport en Europe. [...]
Passées les portes du centre, il n’y a plus de doute. Matchs d’entraînement, séances de kiné, suivi diététique et cours de sport… tout est fait pour que les six joueurs de l’équipe professionnelle de CS : GO conservent leur place au sommet de l’e-sport mondial. Pour sa régularité, l’équipe avait été nommée « meilleure du monde » en 2020, par le site spécialisé HLTV. Une réussite que les joueurs aimeraient un jour pouvoir compléter en remportant un « major », l’une des compétitions les plus prestigieuses de Counter-Strike.
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Quatre heures par jour, les joueurs s’entraînent en cinq contre cinq face à d’autres équipes lors de matchs amicaux. Une pratique plus couramment appelée « scrim » qui permet aux entraîneurs d’analyser les stratégies adverses, et d’ajuster les performances de leurs joueurs.
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Pour cet objectif [de devenir et rester le meilleur club mondial], comme derrière chaque grande équipe professionnelle, se cachent des hommes de l’ombre. Rémy « XTQZZZ » Quoniam, 32 ans, est un ancien joueur et commentateur de Counter-Strike. Aujourd’hui, il est l’entraîneur principal de l’équipe. Son rôle est d’améliorer les performances de ses joueurs dans le jeu – en analysant leurs erreurs, celles de leurs adversaires et en élaborant les meilleures stratégies à adopter.
A l’inverse, le manageur Matthieu Péché, ancien médaillé olympique de canoë-kayak qui a rejoint Vitality en 2019, s’occupe de la vie de l’équipe en dehors du jeu. « J’essaie de leur apporter l’hygiène de vie d’un sportif de haut niveau, explique-t-il. C’est-à-dire se réveiller à des heures fixes, prendre un vrai petit déjeuner, se coucher avant minuit, bien manger, faire du sport. En un peu plus d’un an, on a fait beaucoup de progrès, même si certains essaient toujours de grignoter en cachette. »
Au cœur de ce centre d’entraînement, un homme à la carrure impressionnante s’affaire sans arrêt. C’est Raynald Choquet, le « coordinateur de la performance » au sein de l’équipe. Un titre flou qui désigne principalement tout ce qui a trait à la préparation physique : des cours de sport obligatoires au suivi de la nutrition.
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Après une heure d’entraînement physique obligatoire pour tous les joueurs présents sur le site du Stade de France, le jeune joueur de Fortnite Karim « Airwaks » Benghalia termine la session au sol. Malgré les difficultés, certains joueurs ne ménagent pas leurs efforts. L’image du joueur sédentaire, rivé devant son ordinateur qui se gave de chips et de boissons sucrées ? Très peu pour eux.
« Petit à petit, les joueurs ont pris conscience de tout ce que pouvait leur apporter un entraînement physique », confie Matthieu Péché. Une bonne condition sportive entraîne une meilleure posture devant l’écran, des maux de dos ou des problèmes de poignets évités, explique Raynald Choquet. Tandis qu’une bonne endurance cardiaque apporte un meilleur mental lors des compétitions.
Corentin « RocKy » Chevrey, est, lui, une des figures les plus emblématiques du jeu de football FIFA. Double champion de France, vice-champion de la e-Ligue 1 et champion du monde de la FIFA : Ultimate Team en 2017… A 23 ans, ce joueur d’exception n’a plus grand-chose à prouver. Sous l’œil bienveillant de Raynald Choquet, le joueur nous fait une démonstration d’exercices cognitifs.
Le jeu est simple : toucher le plus rapidement les boutons lorsqu’ils s’allument. Un jeu d’enfant ? Pas vraiment. Il faut rester le plus concentré possible pour réussir l’un de ces exercices. Notre petit préféré : toucher avec la main droite lorsque le bouton devient bleu, avec la main gauche quand il devient rouge.
Après les séances de sport et d’exercices cognitifs, retour dans le jeu pour le champion du monde de FIFA, Corentin « RocKy » Chevrey. Aux côtés de son entraîneur et manageur Brian Savary, lui-même ancien joueur professionnel, il analyse ses dernières parties. Un enjeu important pour ces e-sportifs de haut niveau qui perfectionnent ainsi leur stratégie.
Après la séance de sport, quelques dizaines minutes sont laissées aux joueurs pour reprendre des forces… avant de lancer le deuxième match de la journée. « Ils commencent souvent le matin par trois heures de stratégie, explique leur manageur, Matthieu Péché. L’après-midi, ils s’entraînent près de quatre heures contre d’autres équipes. Et deux fois par semaine, ils ont des séances de kiné pour vérifier que tout va bien. »
Pour devenir un des meilleurs joueurs du monde, il faut savoir faire des sacrifices. Dans ce rythme de vie intense, il peut être difficile pour les joueurs d’avoir une vie de famille ou une simple vie sociale. En 2020, l’ancien capitaine de l’équipe, le Britannique Alex « ALEX » McMeekin, décidait subitement de quitter la formation, évoquant ce « mode de vie exigeant d’un joueur de haut niveau » qui « ne lui convenait plus ».
- "Pro gamer, c'est 35 à 50h d'entraînement par semaine, du talent et un certain ego" sur EuroSport
- "La Routine quotidienne des joueurs professionnels" sur intel.fr
- Méthode d'entraînement du pro-gamer sur pro-gamer.fr
- "Le marché de l'eSport en France" par Agence française pour le jeu vidéo
- Association France eSport
- "Baromètre 2021 de l'eSport en France" par France eSport