Quel est le statut du président de la République française ?
Question d'origine :
Bonjour,
Je me pose une petite question sûrement bête mais la fonction de président de la république étant rémunérée, je me demandais sous quel statut le PR exerce ses fonctions. A-t-il un contrat de travail ou est-ce simplement une rémunération en forme de "dédommagement" ? Cotise-t-il pour la retraite, le chômage, paye-t-il des cotisations sociales ?
Dans la continuité de ma question, comment est organisé l'emploi du temps du PR ? A-t-il des jours de repos obligatoires ? Dans quelle mesure peut-il avoir du temps libre et avoir des loisirs ?
Je vous remercie chaleureusement de vos réponses!
Réponse du Guichet
Le président de la République est l’homme politique le plus haut placé de France. Quel est son contrat de travail? Quel salaire perçoit-il pour exercer ces lourdes fonctions? Cotise-t-il à la retraite ? Comment est calculé sa retraite ?
Un président en CDD ?
Comme on peut s’en douter, Emmanuel Macron n’a pas de contrat de travail à durée déterminée de 5 ans car il exerce un «mandat», institué par le Conseil Constitutionnel. Aussi, il ne touche pas de salaire mais une indemnité.
Pendant longtemps, il avait le loisir de fixer le montant de sa rémunération. Jacques Chirac l’avait ainsi élevée à 7.984€ net par mois. Puis Nicolas Sarkozy a apporté de la transparence à la rémunération des membres de l’exécutif par l’adoption du décret du 23 août 2012. Il établit que « Le Président de la République et les membres du Gouvernement reçoivent un traitement brut mensuel calculé par référence au traitement des fonctionnaires occupant les emplois de l’État classés dans la catégorie dite “hors échelle”.»
Depuis le «traitement» du président est aligné sur le traitement des fonctionnaires. Sur leurs « bulletins de salaire » (appelés aussi «relevés de traitement et d’indemnités»), il se présente en 3 parties :
- traitement brut,
- indemnité de résidence (3% du traitement brut)
- indemnité de fonction (25% de la somme du traitement brut et de l’indemnité de résidence
Le document de l’Observatoire de l’éthique publique consacré à «La rémunération et les avantages matériels des membres du pouvoir exécutif français» précise que, malgré le souhait de transparence, ces bulletins ne sont pas communicables (pp 8 et 9).
Le président de la république reçoit un traitement brut mensuel calculé par référence au traitement des fonctionnaires occupant les emplois de l'État classés dans la catégorie dite "Hors échelle". Le traitement est «au plus égal au double de la moyenne du traitement le plus bas et du traitement le plus élevé de cette catégorie. Ce traitement est complété par une indemnité de résidence égale à 3 % de son montant et par une indemnité de fonction égale à 25 % de la somme du traitement brut et de l’indemnité de résidence. » (article 1). « Le traitement brut mensuel prévu à l’article 1er est fixé, pour les ministres et les ministres délégués, à 1,4 fois la moyenne du traitement le plus élevé et du traitement le plus bas perçu par les fonctionnaires occupant des emplois de l’État classés dans la catégorie hors échelle » (article 2). « Le traitement brut mensuel, l’indemnité de résidence et l’indemnité de fonction du Président de la République et du Premier ministre sont égaux aux montants les plus élevés définis à l’article 1er ci-dessus majorés de 5 % » (article 3)» (décret du 23 août 2012)
Le Président de la République et le Premier ministre reçoivent la même rémunération mensuelle brute de 15203,9 € : soit 11808,8 € de TB ; 354,3 € d’IR et 3040,8 € d’IF, le tout imposable bien sûr et soumis à cotisations.
Chaque candidat à l’élection présidentielle doit depuis 2013, fournir une déclaration de patrimoine à la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP) : la première à sa prise de fonctions, la seconde à l’issue de son de mandat. Elle est publique (voir celle d’Emmanuel Macron à la fin de son mandat). Cette déclaration permet tout simplement de mesurer une éventuelle « variation de la situation patrimoniale entre le début et la fin de l’exercice des fonctions présidentielles ».
Pour ses vacances à Brégencon, le président pose-t-il des congés payé ou des RTTs ??
L’article 7 de la Constitution utilise en effet l’expression “vacance de la Présidence de la République” mais il s’agit ici non pas de «vacances» au sens où nous l’entendons quand nous posons des congés payés mais d’une période d’absence prolongée ou définitive (dans le cas d’une maladie grave ou d’un décès) pendant laquelle la Constitution prévoit que les fonctions présidentielles sont reprises par le Président du Sénat.Dans le texte, rien donc sur les congés du président. On sait néanmoins par la pratique que la période du 1er au 15/8 est régulièrement une période choisie par l’exécutif pour prendre des «vacances» mais la lourdeur de la mission et la responsabilité engagée par le président et ses ministres suppose qu’ils soient tout de même mobilisables en cas de problème important.
En novembre 2018, une étrange polémique reproche au chef de l’État de s'accorder trois jours de repos. «Pourquoi une société qui s'est battue pour obtenir et conserver ses jours de congés payés a-t-elle tant de mal à en accorder au titulaire de l'un des postes les plus difficiles du pays?[…] En décidant lui-même de s'octroyer quelques journées "off", le président fait penser à ces start-ups qui ont aboli le système classique de congés. Chaque salarié pose autant de jours qu'il le souhaite... à condition de remplir ses objectifs. En l'occurrence, Emmanuel Macron n'a pas de DRH au-dessus de lui. Ou plutôt si, il s'appelle le peuple français.» (Source France Culture).
La retraite à 49 ans pour Emmanuel Macron ?
Au terme de leurs fonctions est évidemment celle de la retraite, les membres du pouvoir exécutif continuent de bénéficier d’un ensemble d’avantages.
«Les Président de la République ne cotisent pas ès-qualité pour leur retraite. Jusqu’à présent, en effet, l’article 19 de la loi n° 55-366 du 3 avril 1955 dispose qu’« il est attribué aux anciens Présidents de la République française une dotation annuelle d’un montant égal à celui du traitement indiciaire brut d’un conseiller d’État en service ordinaire ». Autrement dit, au terme de leurs fonctions, les anciens Présidents français reçoivent 74 700 € bruts par an, soit 6 225€ bruts par mois. Cette somme est soumise à l’impôt sur le revenu, mais est dévolue aux anciens Présidents sans considération d’âge ou de durée de mandat et peut être cumulée avec d’autres revenus (voire avec leurs autres retraites) sans écrêtement.»
Ainsi, à l’issue de son second mandat, Emmanuel Macron aura 49 ans et touchera immédiatement cette somme généreuse, jusqu’à son dernier souffle. «La loi ajoute d’ailleurs que « la moitié de cette dotation sera réversible sur la tête de la veuve ou, en cas de décès, sur la tête des enfants jusqu’à leur majorité" (Source: Observatoire de l’éthique publique p.27).
Cette « retraite » peut également être cumulée avec d’autres fonctions que le Président de la République peut librement accepter après son mandat.
Le Président de la République est en premier lieu membre de droit du Conseil constitutionnel. Pour cela, ils touchent – en plus de leur « retraite » – environ 15000 €. François Hollande et François Mitterrand ont déclaré ne pas vouloir y siéger. Valérie Giscard d’Estaing refusa jusqu’en 2004 et Jacques Chirac quant à lui, déclare mettre ses fonctions entre parenthèses en 2011. Évidemment, le refus de siéger au Conseil Constitutionnel entraîne la perte de l’indemnité.
Les anciens Présidents bénéficient aussi d’avantages matériels : un cabinet comptant 7 à 3 collaborateurs, des locaux meublés et équipés et une prise en charge des frais de réception et des frais de déplacement, pour eux-mêmes et un collaborateur pour les seules activités liées à leurs fonctions d’anciens chefs de l’État. Selon des chiffres livrés en 2019, le coût total (personnel, locaux et frais liés aux anciennes fonctions) pour les anciens Présidents de la République s'élève, hors des dépenses de sécurité et de conducteur, à 2 566 838 €.
Des sommes évidemment très élevées qui pourraient naturellement interpeler les citoyens. Des privilèges également pointés par l’ancien député socialiste René Dosière qui raconte dans son livre Frais de palais : Vivre à l'Elysée, de De Gaulle à Macron , 20 ans de combat pour la transparence du budget de l’Élysée. Il y raconte l'évolution des mœurs à l’Élysée et la prudence plus accrue de ses locataires au fil du temps, sur la gestion de cette bourse. Rappelons qu’il faudra attendre 2008, à l'initiative de Nicolas Sarkozy, pour que son budget soit officiellement rendu public. Depuis 2009, les comptes et la gestion des services de la présidence sont soumis au contrôle de la Cour de comptes.
René Dosière analyse finement les successifs rapports de la Cour des comptes pour identifier dérives ou au contraire les améliorations de la dépense publique qui concerne tous les Français. Suivez sur son blog ses observations! On y apprend ainsi que le gouvernement Castex est le plus dispendieux de la Vème République et qu’en 2021, la présidence ne comptait que pour 10 centimes d’euros sur 1000 euros de dépenses publiques.
Le travail scrupuleux d’observation de René Dosière est relevé par l’Observatoire de l’éthique publique qui le cite à plusieurs reprises dans le document La rémunération et les avantages matériels des membres du pouvoir exécutif français et s’appuie sur ses conclusions pour proposer 12 pistes d’évolutions dans ce domaine (p. 38 à 43).
Aller plus loin :
Au cœur de la fonction présidentielle
- Le président de la République en 30 questions / Isabelle Flahault,... Philippe Tronquoy,..., La Documentation Française, (Doc’en popche . entrez dans l’actu), 2021
- Le président de la République / Marie-Anne Cohendet, Dalloz (Connaissance du droit), 2012
- Présidents : au coeur du pouvoir / Jean Garrigues ; préface Jean-Louis Debré, Le Faune éditeur, 2016
- Lorsque le Président paraît : pratiques et rituels de la République / Denis Fleurdorge, Imago, 2012
Les coulisses du Palais
- Les invisibles de l'Elysée / Emery Doligé, Les presses de la Cité, 2022
- Les visiteurs du soir : ce qu'ils disent à l'oreille du Président / Renaud Revel, Plon, 2020 pour tout savoir sur les conseillers du président
- Les cardinaux de la République / Renaud Revel, First, 2016 pour entrer dans les coulisses du Secrétariat général de l’Elysée.
- La garçonnière de la République / Emilie Lanez, Grasset et Faquelle, 2017
Les comptes
- Les ouvrages de René Dosière , en particulier:
- L'argent caché de l'Elysée / René Dosière ; préface de Guy Carcassonne, Seuil, 2007
- L'argent de l'Etat / René Dosière, Seuil, 2012
- L'Etat au régime : gaspiller moins pour dépenser mieux / René Dosière, Seuil, 2012
- Argent, morale, politique / René Dosière ; préface de Jean-Louis Debré, Editions du Seuil, 2017
- Frais de palais : Vivre à l'Elysée, de De Gaulle à Macron / René Dosière, Editions de l’Observatoire, 2019
Après l’Élysée