Pourquoi y a-t-il eu à Lyon une "commune libre des États-Unis" ?
Question d'origine :
Bonjour
Dans le quartier des États-Unis sur l immeuble du 71 du boulevard éponyme, se trouvait une plaque émaillée datant des années 30, avec l inscription "commune libre des États-Unis". Auriez-vous des infos sur l origine de cette appellation.
Cordialement
Réponse du Guichet
Nos recherches dans les différentes collections de la bibliothèque (presse ancienne, revues, monographies) au sujet d’une ancienne plaque émaillée sur l’immeuble du 71bd des Etats-Unis se sont révélées infructueuses.
Nous avons notamment consulté les articles de presse relatant l’inauguration du quartier en juin 1934. Il n’est jamais fait mention dans ces textes d’une quelconque inscription consacrée à la «commune libre des Etats-Unis».
Dans les articles sur l’histoire du quartier que nous avons lus il n’en est point fait mention non plus.
Le Musée Urbain Tony Garnier que nous avons contacté, et que nous remercions ici pour son aimable coopération, nous a dit ne pas avoir connaissance de cette ancienne plaque Boulevard des Etats-Unis. Nos collègues se demandent toutefois «si celle-ci ne serait pas en lien avec la couleur politique assez "rouge" de ce quartier ouvrier à l'entre-deux-guerres ?...»
Les militants (communistes) y sont nombreux et les Etats-Unis ont l’image d’un «quartier rouge». On y vote rouge, même s’il n’y a pas de «cellule» propre au quartier, celui-ci se trouvant dans l’aire de recrutement des usines avoisinantes.
Berthet Claire. Des bâtisseurs aux habitants : le quartier en question. Les États-Unis à Lyon (1917-1939). In:Mélanges de l'École française de Rome. Italie et Méditerranée, tome 105, n°2. 1993. pp. 301-315.
Rapporter l’existence de cette plaque à la question de l’individualité du quartier dans le paysage urbain lyonnais nous parait une hypothèse intéressante. En effet, nous lisons dans l’ouvrage de Claire Berthet,Contribution à une histoire du logement social en France au XXe siècle. Des bâtisseurs aux habitants. Les H.B.M des Etats-Unis de Lyon
Si «l’hagiographie locale est liée à la séparation physique du reste de la ville», elle est aussi construite pour partie sur l’observation et les images des milieux voisins environnants, édifiant et développant «un sentiment d’identité indéniable (…) autour des thèmes de l’opposition au reste du monde et à la ville elle-même». En effet, l’opposition, la distance avec le tissu pré-existant aux H.B.M émerge dès son édification et se construit également plus avant dans le siècle, après la construction des groupes H.L.M.
Cette différenciation apparaît tout d’abord à la lecture des cartes topographiques de l’époque. Perdurant jusqu’après la seconde guerre mondiale, le tissu originel est mixte, mi-rural mi-urbain. S’y côtoient des implantations industrielles importantes ou de petits ateliers, quelques fermes, de petites constructions d’habitation, immeubles peu élevés ou pavillonnaires et lotissements réalisés par une société, l’Effort Prolétarien (à l’est des H.B.M).
Dans l’article cité précédemment
Ce nouveau quartier (Etats-Unis) a vu un mythe s’attacher à lui, à son nom : celui d’un lieu à conquérir, en référence à l’Ouest américain, évocation pour et par les habitants d’une société en construction, en tout cas d’un esprit «pionnier» caractéristique de la population. Cette image du quartier, développée a posteriori, se trouve être l’une des identités les plus révélatrices des Etats-Unis, celle de l’identité idéale en quelque sorte.
N’hésitez pas à nous aiguiller sur vos sources, vos souvenirs ou tout autre élément qui pourraient nous aider à compléter notre réponse.
Bonne journée