Dans quel livre trouve-t-on ce parallèle entre "la colline qui prie" et "la colline qui travaille" ?
Question d'origine :
Bonjour,
Je n'ai pas trouvé la célèbre distinction, attribuée à Michelet, entre "la colline qui prie" et "la colline qui travaille" à Lyon dans le "Tableau de la France" qui figure en tête de son Histoire de France.
Auriez-vous la référence de l'ouvrage où figure ce parallèle souvent cité ?
Merci et bien cordialement.
Réponse du Guichet
Il semble que la formule trouve sa source dans une oeuvre posthume, Le Banquet, dans laquelle Michelet évoque "l'opposition des deux montagnes, de la montagne mystique, de celle du travail". Transformée par les années, l'expression de Michelet deviendra la colline qui travaille face à la colline qui prie.
Bonjour,
Lors de nos recherches, nous avons trouvé sur internet un texte de Michelet qui pourrait être à l'origine de l'expression. Plusieurs blogs citent ce même texte, mais cela ne signifie rien quant à son authenticité : l'un d'eux est peut-être la source de l'ensemble des citations. Le problème, c'est que la source donnée pour cet extrait (Michelet, Les deux collines, 1879, Calmann-Lévy) n'existe pas. En tout cas aucune des oeuvres de Michelet ne porte ce titre.
S'agit-il alors du titre d'un chapitre de l'oeuvre d'où ce texte est extrait ? La date de publication et le nom de l'éditeur fournissent cependant un indice précieux : il s'agirait en effet d'une oeuvre posthume de Michelet, un texte repris par sa veuve à partir de documents laissés par l'écrivain.
On trouve en effet dans Le Banquet - ou l'unité de l'Eglise militante, un chapitre du deuxième livre (Du Banquet Socialiste) intitulé Fourvières et la Croix-Rousse, le Duel des Deux Montagnes, où se lisent ces lignes :
Oui, malgré l'effort méritoire des beaux fleuves qui viennent y mêler leurs flots et leurs populations, malgré le génie pacifique de cette noble reine, la Saône, malgré la peine que se donne, à travers cent détours, le Rhône, pour atteindre ce mariage qui fait sa grandeur et son nom, la nature, front à front, y pose les deux révélateurs de la guerre intérieure, deux rocs, la Croix-Rousse et Fourvières.
J'avais senti cela confusément, dès mon premier voyage à Lyon.
Mais je voyais encore sans voir. Je sentais, mais d’un cœur aveugle. Tout ce qu’il me disait, c’est qu’en cette masse industrielle et qu'on jugerait absorbée par le pain, la faim, le travail, pourtant pèse un air fanatique. Je l’aspirais moi-même, en gravissant péniblement les âpres montées de la Grande Côte ou les escaliers noirs de la ville opposée, qui ont l’air de monter aux nuées pluvieuses.
Je vis bien, dès ce jour, l’opposition des deux montagnes, de la montagne mystique, de celle du travail ; mais je ne sentis pas leur guerre, la conciliation des deux fleuves, la rencontre de tant de provinces, l’autel romain des soixante nations des Gaules, renouvelé par la Fédération de 90, ces souvenirs d’union me voilaient la lutte réelle. Je retournai à Lyon deux fois, trois fois et m’initiai aux mystères du travail, à ce laborieux effort de tant d’arts combinés qui, des mains maigres d’un peuple sans air et sans soleil, fait fleurir pour toute la terre l’incomparable iris de fleurs qu’on appelle la soierie de Lyon.
C’est la dernière fois seulement, en octobre 1853, que, moins distrait par le détail, mûri par tant d'épreuves, et plus éclairé par le cœur, j’eus la révélation complète.
J'avais dit en 1830 : Quis Deus incertum est ; habitat Deus.
Et je dis, vingt-trois ans après, accoudé à la rampe du plus haut sommet de Fourvières, voyant venir à moi la montagne opposée dans son entassement de maisons d’ouvriers qui présentent douze ou vingt étages, le pied dans la noire ville, les cyprès étouffés de son Jardin des Plantes : « Ce ne sont pas là deux montagnes; ce sont deux religions. »
Le texte diffère sensiblement de celui qu'on trouve cité à plusieurs reprises sur le web. Cela peut s'expliquer par l'histoire complexe de l'édition du texte, reconstituée à partir de fragments dans les archives laissées par Michelet à sa veuve. Si cela vous intéresse l'édition du texte que nous possédons à la bibliothèque fournit une synthèse détaillée des différentes éditions du texte.
Bonne journée.