La décroissance est-elle possible dans notre modèle économique et monétaire ?
Question d'origine :
Bonjour,
1) Le dernier rapport du GIEC nous informe (timidement) que la décroissance est nécessaire à la tenue des objectifs de l'accord de Paris
2) La Banque de France sur son site nous explique que la monnaie est fabriquée par la dette (à 90%)
3) La dette est associée à des intérêts et le point 2 nous montre que ces intérêts sont eux-même nécessairement issus d'un endettement
4) Dette (point 2) + intérêts (point 3) entraine nécessairement la croissance infinie et exponentielle de la masse monétaire et donc de la dette (confirmée par les chiffres d'endettement qu'on peut facilement trouver sur wikipedia)
5) La génération de la monnaie par la dette nécessite évidemment le développement de l'endettement donc de manière naturelle la consommation elle-même exponentielle. Pour permettre cette consommation, il faut bien sûr produire des biens et des services, ce qui nécessite de la consommation d'énergie et de matière.
N.B. 1 : Les services sont par nature adossés à de la matière et de l'énergie, par exemple ordinateurs, bureaux, chauffage donc électricité et gaz, voitures pour transporter les employés, donc pétrole)
N.B. 2 : La consommation est par ailleurs nécessaire aux états, qui ont besoin des taxes et impôts subséquents pour fonctionner
6) Les points 2 et 5 montrent que la consommation de matière et d'énergie est consubstantielle de notre système monétaire, donc de notre économie. Le point 4 nous montre que cette consommation est nécessairement infinie et exponentielle
7) Conclusion : Le point 6 (croissance infinie et exponentielle de la consommation) rend impossible la réalisation du point 1 (réduction de la consommation), qui est pourtant indispensable à la résolution de la crise climatique
Ma question : Je cherche une contradiction à ce raisonnement, qui montrerait que la décroissance est possible dans notre modèle économique et monétaire
Merci
Réponse du Guichet
La décroissance est un concept opposé à l’idée générale que la croissance du PIB et l’augmentation des richesses produites sont nécessaires pour améliorer la qualité de vie des êtres humains. Pour certains économistes, la pollution environnementale issue du productivisme limitera à terme la croissance économique. Les économistes et scientifiques de différents domaines réfléchissent aux solutions locales et globales pour concilier croissance économique et respect de l’environnement.
Question essentielle que de savoir si et comment «un autre monde est possible» comme l’affirment les altermondialistes depuis les années 2000.
Comment la décroissance est-elle compatible avec le système productiviste qui est celui des sociétés occidentales depuis le début du XXème siècle? La réponse est d’autant plus complexe que l’économie est un domaine où tout est lié et que les Etats sont interdépendants dans la mondialisation.
C’est l’urgence climatique qui fait de la décroissance un débat de société sur les choix de politiques économiques. Quelles sont les mesures à mettre en œuvre pour réduire l’impact environnemental des activités humaines et faire face à l’empreinte historique de l’humanité sur le climat, la biodiversité et les ressources naturelles, l’anthropocène ?
L’objectif du traité international appelé Accord de Paris «de limiter le réchauffement climatique à un niveau bien inférieur à 2, de préférence à 1,5 degré Celsius, par rapport au niveau préindustriel» a été confirmé par le nouveau Rapport du GIEC d’avril 2022.
«La décroissance est un concept économique, politique et social, qui remet en cause l’idée selon laquelle l’augmentation des richesses conduit au bien-être social. Cette théorie vise donc à réduire la production de biens et de services dans l’objectif de préserver l’environnement.
Tous les pays poursuivent un même objectif : produire chaque année plus de richesses que l’année précédente pour favoriser la croissance. Il est généralement admis que plus un pays a de richesse à partager, plus il peut augmenter le niveau de vie de ses habitants. Pourtant, depuis les années 1980, certains prônent la décroissance avançant la logique suivante : la production génère de la pollution et l’épuisement des ressources naturelles (gaz, charbon, sable, eau…). Ces ressources étant limitées et la population ne cessant d’augmenter, le pays est voué à des pénuries pouvant entraîner des crises gouvernementales, géopolitiques voire même l’extinction de l’espèce humaine.»
"Finalement, la décroissance est un concept opposé à l’idée générale que la croissance du PIB et l’augmentation des richesses produites sont nécessaires pour améliorer la qualité de vie des habitants. Ses partisans affirment que ce sont les pays les plus avancés qui doivent diminuer la quantité de richesses qu’ils produisent puisque ce sont eux qui consomment la plus grande quantité de ressources naturelles."
Décroissance ou développement durable ?
"Si un consensus semble se faire sur la notion de développement durable, les militants de la décroissance sont plus radicaux. En effet, pour eux, le développement durable n’empêche en rien la poursuite d’une logique de croissance économique qui mène tout droit vers les pénuries et les crises. Bien qu’ils paraissent proches, ces deux termes sont donc totalement différents.
Le développement durable vise à concilier croissance économique et respect de l’environnement alors que la décroissance considère que la croissance économique est un des principaux facteurs de la destruction de l’environnement."(source)
Voici quelques pistes et sources de réflexion sur les façons de concilier les logiques antagonistes de croissance économique et de respect de l’environnement.
Pour certains économistes, "l’idée n’est pas de supprimer les marchés mais de leur donner de nouvelles règles: Taxes sur la pollution, allocation universelle, plafonnement des revenus; et une constante: la réduction du temps de travail, seul moyen d’éviter le chômage si l’on ramène la production aux niveaux d’il y a 40 ans." (France Culture)
Contre la croissance comme indicateur de bien-être
«C’est dans les années1970 qu’émerge le concept de décroissance. Le terme n’est pas pris dans son sens littéral («état de ce qui décroît», c’est-à-dire qui diminue). Il s’agit plutôt de s’opposer à la croissance économique, en tant que but à suivre ou indicateur de bien-être.
Son origine est attribuée au rapport Meadows, publié en1972 par le Club de Rome, un groupe de réflexion international. Intitulé The Limits to Growth (traduit en français sous le titre Halte à la croissance?), ce document prédit l’effondrement inéluctable d’une civilisation dont la population, l’activité économique et les impacts sur l’environnement seraient en perpétuelle croissance.
Selon les auteurs de ce rapport «la finitude de la Terre – où les ressources naturelles, surfaces habitables ou agricoles sont limitées – empêchera à long terme de profiter d’une croissance permanente de la population, de l’économie ou de l’exploitation de ces ressources». (source Les décodeurs du Monde)
- Le changement de système économique de la croissance à tout prix vers une prospérité plus qualitative est une première étape : «verdir la production à travers l’éco-efficacité, tout en investissant dans la sobriété, et trouver comment réduire la production et la consommation.» (source Polytechnique)
- Certains économistes développent le concept de «démondialisation»pour expliquer les nuances que peut prendre le développement économique pour perdurer.
- Dans l’essai Pour une écologie du 99%, les auteurs explorent les objectifs pour atteindre la justice sociale et le développement écologique.
- De nombreux guides pratiques et sites internet proposent aux volontaires de s’engager concrètement pour, selon le mouvement des colibris, contribuer à toutes les échelles au respect de l’environnement.
Pour aller plus loin:
- Un article de la revue Usbek et Rica Peut-on concilier décroissance et progrès ?
- Un article du Drenche: La décroissance : utopie ou solution ?
- Article de France Info sur le débat entre croissance et décroissance
- Un article de Slate Pourquoi la décroissance ne résoudra pas la crise environnementale
- La décroissance est aussi un journal
Les Bibliothèques de Lyon proposent de riches ressources pour se documenter sur les leviers de la décroissance. Vous trouverez des réponses à vos questions dans les essais sur la décroissance, des solution à l'échelle locale dans des guides pratiques ou des essais sur la mondialisation et son devenir.
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