Peut-on filmer un lieu public pour lutter contre les décharges illégales ?
Question d'origine :
Bonjour,
Je fais beaucoup de balades en vélo dans des chemins de traverse et routes secondaires et je constate souvent aux mêmes endroits des décharges sauvages (gravats, déchets espace verts et autres). Cela m'énerve au plus haut point d'autant plus que je ne réussis jamais à voir les personnes responsables en flagrant délit. J'imagine qu'ils font ça le soir ou tôt le matin.
Ma question est : ais-je le droit d'installer une caméra dans ces lieux de décharge (c'est le bord des routes donc j'imagine que c'est public) pour récupérer les images et les donner à la gendarmerie.
merci
Réponse du Guichet
Les particuliers n'ont pas le droit d'installer des caméras pour filmer l'espace public.
Bonjour,
Les particuliers n'ont pas le droit de filmer la voie publique. Ils ne peuvent filmer que l'intérieur de leur propriété.
Seules les autorités publiques ont le droit d'installer des caméras pour filmer l'espace public. Les mairies ou communautés de communes doivent toutefois respecter certaines obligations. En voici quelques-unes :
Une autorisation préfectorale doit être obtenue ainsi qu'une autorisation spécifique à demander à la CNIL en cas de dispositif installé pour identifier les personnes (caméra associée à un système biométrique). Les caméras ne doivent pas permettre de visualiser l'entrée et l'intérieur des immeubles d'habitation. Une affiche (ou une pancarte), comportant un pictogramme représentant une caméra, doit indiquer au public l'existence du système de vidéoprotection.
Nous vous renvoyons à ces autres documents pour en savoir plus :
- La CNIL a édité un fascicule qui reprend les droits et devoirs de chacun : Vidéo surveillance / vidéo protection sur la voie publique.
- Caméras de surveillance sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public, un article du site officiel de l'administration française
- Avez-vous le droit d'installer une vidéo surveillance sur la façade d'une maison ?
Nous vous laissons par ailleurs consulter les articles L251-1 et L251-2 du Code de la sécurité intérieure.
A noter, on peut espérer que la situation évolue car certaines dispositions de la loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) entrent en vigueur cette année :
METTRE EN PLACE UNE COLLECTE GRATUITE DES DECHETS TRIES DU BATIMENT
Le secteur du bâtiment génère 42 millions de tonnes de déchets qui sont autant de matériaux pouvant alimenter des dépôts sauvages, véritables fléaux écologiques et économiques pour les collectivités. Chaque année l’enlèvement et le nettoyage de ces dépôts représente un coût pour les villes, donc pour les contribuables, estimé entre 340 et 420 millions d’euros. Face à ce constat, plusieurs mesures de la loi sont destinées à améliorer la gestion des déchets de la construction et à lutter contre les décharges sauvages.
Ce qui va changer
• Création d'une filière pollueur-payeur pour le secteur du bâtiment
Les metteurs sur le marché de produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment, par exemple les fabricants de fenêtres, de moquettes, ou encore de béton, seront tenus de s’organiser en filières pour assurer notamment la reprise gratuite des déchets triés par l'artisan ou le particulier.
Ces metteurs sur le marché assureront donc collectivement la seconde vie de leurs déchets qui ne devront plus être retrouvés dans la nature. Cette filière serait opérationnelle à compter de 2022.• Installation de nouvelles déchetteries professionnelles
De nouveaux points de collecte des déchets pour les professionnels seront définis afin d’augmenter le maillage territorial existant. Il en existe aujourd’hui 600 en France. Une concertation aura lieu avec les organisations professionnelles de la filière du bâtiment, les associations de collectivités locales et l’Ademe afin de définir le nombre de nouvelles déchetteries nécessaires pour pallier les besoins des professionnels et éviter que les déchets se retrouvent dans la nature.
• La reprise gratuite des déchets en déchetteries lorsqu'ils sont triés
Les déchetteries reprendront gratuitement les déchets de professionnels, à condition qu’ils soient triés (ferraille, bois, gravats, etc.).
PRENDRE EN CHARGE LE NETTOYAGE DES DEPOTS SAUVAGES PAR FILIERE
Le fléau des décharges sauvages en France a des conséquences majeures sur la pollution des sols et des eaux car ces déchets se retrouvent sur nos routes, sur nos plages, dans nos forêts et nos montagnes.
Ce qui va changer
La prise en charge du nettoyage des dépôts sauvages par les filières des produits au prorata de leurs déchets présents dans les décharges afin d’éviter que des situations d’enkistage perdurent et que cela soit pris en charge par les contribuables.
source : La loi anti-gaspillage dans le quotidien des français : concretement ça donne quoi ?
A lire aussi :
- La loi « Anti-Gaspillage pour une Economie Circulaire » : une ambition qui concerne le bâtiment
- Les bonnes pratiques des élus locaux face aux décharges sauvages /
: rapport de l'Ademe
Bonne journée.
Question d'origine :
Bonjour
Dans ma précédente question sur les décharges sauvages et la possibilité de mettre des caméras sur ces sites pour trouver les fautifs, vous m'aviez répondu sur l'interdiction de filmer sur la voie publique.
Si malgré cette interdiction, la gendarmerie devait recevoir des vidéos (donc illégales) anonymement, mais montrant clairement les délits; quelle serait son attitude ? les étudierait-elle et lancerait-elle une procédure malgré le fait que la source est dans l'illégalité ? ou ces informations serait tout bonnement mises aux oubliettes car non recevable?
merci
Reformulation :
Réponse du Guichet
Selon les sources que nous avons trouvées, les gendarmes n'ont pas mandat de juger de la recevabilité d'une preuve. C'est au juge d'en décider. Les procédures pénales peuvent admettre des preuves acquises illégalement, mais un flou juridique régnant encore sur la question de la vidéosurveillance illicite, la jurisprudence et la Cour de cassation prévalent dans ses matières.
Bonjour,
Avant de commencer, précisons deux choses : d'abord, nous ne sommes que bibliothécaires et aucune de nos réponses n'a de valeur juridique. Ensuite, le Guichet du Savoir ne peut en aucun cas préconiser une quelconque action illégale, même pour la bonne cause. Pour lutter contre un fléau environnemental comme les décharges sauvages, nous vous conseillons donc de vous en tenir aux moyens légaux.
Ceci étant dit, votre question est complexe car elle aborde un angle mort de la législation.
Selon la Foire aux questions de la Gendarmerie nationale, la dénonciation anonyme d'un acte délictueux peut donner suite à des poursuites. C'est au procureur de la République que revient la décision des suites à donner :
Je souhaiterais communiquer des renseignements tout en restant anonyme. Comment faire ?
Vous pouvez transmettre un courrier anonyme au procureur de la République.
L'article 40 du code de procédure pénale (CPP) prévoit en effet que le procureur de la République reçoive les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner, sans pour autant imposer que la personne précise son identité.
Il est également possible de témoigner sous couvert d'anonymat selon les dispositions de l'article 706-57 et suivants du CPP.
Quant à l'utilisation d'images filmées illégalement dans une procédure policière, puis éventuellement judiciaires, elle semble relever d'un certain flou légal. Notons cependant que selon l'Article 20 du Code de procédure pénale les agents de police judiciaire (policiers ou gendarmes) n'ont pas vocation à juger de la légalité d'une preuve :
Sont agents de police judiciaire :
1° Les gendarmes n'ayant pas la qualité d'officier de police judiciaire ;
2° Les fonctionnaires titulaires du corps d'encadrement et d'application de la police nationale n'ayant pas la qualité d'officier de police judiciaire, sous réserve des dispositions concernant les fonctionnaires visés aux 4° et 5° ci-après ;
3° (Abrogé)
4° Les gardiens de la paix issus de l'ancien corps des gradés et gardiens de la police nationale nommés stagiaires avant le 31 décembre 1985, lorsqu'ils comptent au moins deux ans de services en qualité de titulaires et ont satisfait aux épreuves d'un examen technique dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ou détiennent les qualifications professionnelles permettant l'accès au grade supérieur ;
5° Les gardiens de la paix issus de l'ancien corps des enquêteurs de police, nommés stagiaires avant le 1er mars 1979, lorsqu'ils comptent au moins deux ans de services en qualité de titulaires et remplissent les conditions d'aptitude prévues par la loi n° 78-788 du 28 juillet 1978 portant réforme de la procédure pénale sur la police judiciaire et le jury d'assises ou ont satisfait aux épreuves d'un examen technique dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ou détiennent les qualifications professionnelles permettant l'accès au grade supérieur.
Toutefois, les fonctionnaires mentionnés aux 1° à 5° ci-dessus ne peuvent exercer effectivement les attributions attachées à leur qualité d'agent de police judiciaire et se prévaloir de cette qualité que s'ils sont affectés à un emploi comportant cet exercice ; l'exercice de ces attributions est momentanément suspendu pendant le temps où ils participent, en unité constituée, à une opération de maintien de l'ordre.
Les agents de police judiciaire ont pour mission :
De seconder, dans l'exercice de leurs fonctions, les officiers de police judiciaire ;
De constater les crimes, délits ou contraventions et d'en dresser procès-verbal ;
De recevoir par procès-verbal les déclarations qui leur sont faites par toutes personnes susceptibles de leur fournir des indices, preuves et renseignements sur les auteurs et complices de ces infractions.
Les agents de police judiciaire n'ont pas qualité pour décider des mesures de garde à vue.
C'est donc, en principe, à l'autorité judiciaire qu'il revient d'exploiter ou non les preuves produites. Mais ici, on se heurte à un manque de législation concernant l'usage de la vidéo en justice. Selon Dalloz :
Les règles d’admissibilité de la preuve par vidéosurveillance, en particulier, souffrent d’une grande imprécision, a fortiori lorsque les images sont issues d’un système de traitement automatique de données. Quant à l’exploitation de vidéos postées et diffusées sur internet dans le cadre d’une procédure judiciaire, elle n’est régie par aucun texte juridique.
Seule la captation d’images effectuée par les services enquêteurs eux-mêmes est visée par différents textes épars et de valeurs diverses.
La question peut se poser, bien sûr, de savoir s’il faudrait un texte spécifique pour la vidéo puisqu’il n’y en a finalement pas eu pour l’ADN ou l’aveu ?
La vidéo est un mode de preuve spécifique dans la mesure où elle est exploitée par les services de police pour donner lieu à une représentation commentée d’un certain moment de la réalité.
L'avocat Thibault du Manoir de Juaye a publié pour Anews sécurité la vidéo Dans quelles conditions utiliser un enregistrement vidéo ? Il explique que dans une procédure civile, il est impossible d'utiliser une preuve illégalement acquise. En revanche, dans le cas d'une procédure pénale, une telle preuve peut être reçue par la cour... mais vous "expose à une plainte pour atteinte au respect de la vie privée ou pour enregistrement frauduleux" :
Nous serions donc tentés de dire qu'un juge - et donc, pourquoi pas, les gendarmes en amont - peut légalement décider d'utiliser des images illégales puis que le dépôt illégal de déchet peut entraîner des sanctions pénales :
Les articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales attribuent au maire des pouvoirs de police administrative destinés à préserver la salubrité, la santé et la sécurité publique. Les articles L. 2224-13, L. 2224-14 et L. 2224-16 du code général des collectivités territoriales permettent au maire, ou au président de l’EPCI compétent en matière de collecte des déchets, de fixer le règlement de collecte des déchets, et de sanctionner les infractions à ce règlement. Le maire, ou le président de l’EPCI compétent en matière de collecte des déchets, est également investi par l’article L. 541-3 du code de l’environnement d’un pouvoir de police administrative pour réprimer l’abandon ou le dépôt illégal de déchets.
En parallèle, les articles R. 632-1, R. 634-2, R. 644-2 et R.635-8 du code pénal, ainsi que l’article L. 541-46 du code de l’environnement, fixent les contraventions et délits en matière d’abandon de déchets. Les agents habilités à sanctionner sont listés aux articles L. 541-44 et L.541-44-1 du code de l'environnement. Le Centre national de la fonction publique territoriale proposera prochainement une formation pour l'habilitation des agents des collectivités territoriales.
(Source : Ministère de l'Ecologie)
De façon similaire, un article des Echos nous apprend qu'une vidéosurveillance illicite a pu être considérée comme élément de preuve recevable par la cour de cassation :
Les juges français ont ainsi estimé que si la surveillance est effectuée sur le lieu du travail à l’insu des salariés, les enregistrements vidéo effectués constituent un mode de preuve irrégulier. Toutefois, il faut être prudent car cela dépend de la juridiction saisie. Cette solution a été retenue en matière prud’homale et par la chambre sociale de la Cour de cassation. Dans le domaine répressif, les juges ont admis un mode de preuve par la vidéosurveillance alors même que le salarié n’a pas été informé : ainsi, la chambre criminelle de la Cour de cassation a décidé quant à elle que ces enregistrements peuvent être retenus comme preuve du vol dans la caisse de l’entreprise par un salarié.
D'une manière générale, si les modes de preuves dans une procédure pénale sont libres en vertu de l'Article 427 du Code de procédure pénale qui stipule que "Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d'après son intime conviction", l'acceptation d'une preuve illégale dépend beaucoup de l'appréciation des cours, et peut faire jurisprudence. Un article de Village-Justice consacré à ces complexités pourra vous intéresser.
Rappelons toutefois que nous ne sommes pas juristes. Pour plus de précision nous vous conseillons de consulter un avocat ou un juriste. Sachez qu'il est possible d'obtenir un conseil juridique gratuit.
Vous pouvez également vous renseigner via le tchat de MaGendarmerie.
Bonne journée.