Question d'origine :
Quelle est la philosophie de l'éducation du philosophe Nicolas Berdiaev ? A-t-il eu des enfants ? A-t-il enseigné ?
Sur wikipedia, il est dit que son livre La Philosophie de l'inégalité ne sera pas publié, est-ce vrai ? Où pourrait-on se procurer le manuscrit ?
Réponse du Guichet
Nicolas Berdiaev ne semble pas avoir spécifiquement développé une philosophie de l'éducation et n'a pas enseigné, bien qu'il ait donné de multiples conférences et participé à des colloques universitaires.
Marié à Lydia Ioudifovna, il n'a pas eu d'enfant.
Son livre La Philosophie de l'inégalité, écrit en 1918, a été traduit et publié notamment par les éditions de l'age d'Homme.
Nicolas Berdaiev est né le 19 mars 1874 à Kiev dans une famille aristocratique. Il rompt avec ce milieu et développe dans ses années de formation un marxisme critique : il n’en partagera jamais toutes les propositions, notamment en raison du développement de sa pensée religieuse et spirituelle qui l’éloigne du matérialisme.
Passé par le marxisme donc, l’idéalisme chrétien, voire l’anarchisme mystique, Berdiaev élabore une philosophie chrétienne qui chemine avec l’orthodoxie russe, sans abandonner son souci des questions sociales. Il manifestera d’ailleurs son accord avec la Révolution de février 1917 mais pas au bolchévisme des années 20. Cette hostilité lui vaudra une expulsion hors de Russie et un exil allemand puis français. Il mourra en France en 1948. Sa pensée influencera beaucoup le mouvement personnaliste.
Berdaiev s’est marié à Lydia Ioudifovna, une poètesse avec laquelle il n’eut pas d’enfant, comme le confirme le texte d’Igor Sollogoub, tiré du colloque Nicolas Berdiaev – un philosophe russe à Clamart, dont les actes ont été publiés en 2019.
La biographie de Pierre Aubert n’indique pas qu’il ait eu une véritable activité d’enseignant. En revanche, elle fait plusieurs fois mention de conférences qu’il aurait données à l’Institut théologique orthodoxe de Saint-Serge à Paris. Aubert précise: « par ses conférences, il essaie d’influencer le Mouvement de la jeunesse chrétienne en voulant élever ses intérêts intellectuels, éveiller son intérêt pour l’histoire de la pensée russe et présenter les aspects sociaux du christianisme. Il tirera un bilan très critique de ses efforts dans son autobiographie en relevant son peu d’écho auprès de ces jeunes et les nombreuses incompréhensions dont il a souffert » (p. 68). Il a également participé à des colloques à travers l’Europe.
Cependant, il ne semble pas que la philosophie de Berdiaev, portée sur les rapports de l’Homme à Dieu et au monde, ait tourné autour des questions éducatives. D’autant que s'il a suivi lui-même une partie de sa formation philosophique à l’université, il se présente dans son Essai d’autobiographie spirituelle comme un autodidacte :
« Je lis avec aisance et rapidité, m’orientant extrêmement vite dans l’esprit de l’ouvrage, sachant immédiatement discerner l’enchaînement des idées. Ma manière de lire est active, je réagis d’une façon créatrice et je retiens moins le sujet du livre que les pensées [29] qu’il suscite en moi. C’est un trait qui m’est particulier. Mais je n’ai jamais pu admettre un maître ou un guide, sous ce rapport je suis autodidacte. Je n’avais rien d’un pédagogue, je concevais la vie comme une lutte pour la liberté, non comme une éducation. C’est moi-même qui dressais mon programme d’études. Le travail philosophique ne me fut suggéré par personne, il me vint de l’intérieur de moi-même. Je n’ai appartenu à aucune école, j’étudiais toujours et je continue à le faire à présent. Mais c’est une libre participation à la science universelle et mon attitude envers elle est déterminée par moi seul ».
Concernant La philosophie de l’inégalité, la fiche Wikipédia paraît inexacte: si ce texte n’a pas été publié en Russie tout de suite après sa rédaction en 1918, il a bien été édité en Allemagne en 1923. Il existe une version publiée par l’Age d’Homme en 1976 sous le titre De l’inégalité ainsi qu’une version en ligne accessible depuis le très riche site Classiques des sciences sociales, maintenu par l’université de Québec. Vous y trouverez par ailleurs d’autres textes de Berdiaev.
Bonnes lectures !