Où se situe "on" entre le big-bang et sa lumière ?
Question d'origine :
Thème cosmologie
La lumière du début de l'univers nous arrive après un parcours de 13,7 milliards d'années : comment est-ce possible puisque par définition "on" y était aussi !
Curieusement, je n'ai jamais vu la question ainsi posée et je n'ai pas trouvé d'explication.
Merci pour toute piste sur un sujet qui peut paraître une question bête
Réponse du Guichet
42.
Et : c'est la faute à l'expansion de l'univers.
Bonjour,
A une question si complexe, touchant à "la vie, l'univers, et le reste", nous serions tentés de répondre : 42, comme Douglas Adams dans la saga H2G2, le guide du voyageur galactique. Mais une réponse aussi simple n'est pas totalement satisfaisante, d'autant que votre interrogation en contient d'autres : comment la lumière se diffuse-t-elle dans l'univers ? Qu'en est-il des premiers signaux lumineux émis après le Big Bang ? Comment la vie est-elle apparue sur Terre ? Qui est "on" ?
Sur ce dernier point, plusieurs types de réponses d'ordre philosophique peuvent être apportées : ce "on" présent à l'origine de l'univers peut par exemple être Dieu, selon vos convictions et votre sensibilité, qu'il ne nous appartient pas de juger. En considérant la question selon un angle plus scientifique, on peut cependant supposer que vous voulez parler de la matière constituant les corps stellaires, et donc des atomes qui nous composent, dont l'origine provient du Big Bang. Selon Futura-sciences en effet, "Du Big Bang sont nées la matière et l'énergie. Cette immense explosion, qui s'est produite il y a 13,7 milliards d'années, a fourni tous les éléments nécessaires à l'élaboration de l'univers. Peu à peu les atomes se sont regroupés pour former des molécules, qui ensemble ont formé des corps plus complexes encore, toujours observables quand on regarde le ciel" et ont mené à "l'apparition de cellules vivantes sur notre bonne vieille planète Terre. La suite est une autre histoire et fait appel à d'autres lois de la nature : l'évolution des espèces par les moyens de la sélection naturelle."
ps://catalogue.bm-lyon.fr/ark:/75584/pf0002588130.lochttps://catalogue.bm-lyon.fr/ark:/75584/pf0002588130.locale=frNous passons rapidement sur ce préalable qui n'est pas le fond de votre propos mais vous pourrez approfondir l'histoire physique et chimique de notre biosphère avec des ouvrages de notre catalogue, tels que De l'origine de l'Univers à l'origine de la vie : une virgule dans l'espace-temps de Sylvie Vauclair ou Comment la vie a commencé d'Alexandre Meinesz.
Pour nous aider à comprendre ce que vous appelez la "lumière du début de l'univers", ouvrons Big-bang : comprendre l'univers depuis ici et maintenant de Jean-Philippe Uzan. L'auteur nous explique que durant les premières années de son existence, l'univers était "encore trop chaud pour que les atomes se forment", les photons trop énergiques attachant systématiquement les électrons tentant de s'associer aux noyaux d'hélium présents. A cette époque, protons, électrons et noyaux d'hélium formaient un plasma opaque d'où les photons, du fait des collisions permanentes avec des particules chargées, ne pouvaient s'échapper - et donc produire de lumière. Jusqu'à ce que, 380 000 ans après le Big Bang, affaiblis par le refroidissement de l'univers, ils laissent les noyaux d'hydrogène et l'hélium former des atomes - lesquels, neutres par nature, laissent passer la lumière, c'est ainsi que "l'univers devient subitement transparent". Les protons se mettent alors à se déplacer dans toutes les directions, formant le rayonnement fossile ou fond diffus cosmologique qui "baigne tout l'univers".
Quelques minutes après sa naissance, l'Univers était un océan grouillant de particules électriquement chargées : des noyaux d'hydrogène et d'hélium chargés positivement et des électrons chargés négativement. Environ 380 000 ans plus tard, ils se sont combinés pour former des atomes neutres, permettant ainsi aux rayonnements énergétiques du Big Bang de se propager librement à travers l'espace.
Tout l'Univers baigne encore dans ce rayonnement primordial, mais il est aujourd'hui plus faible et moins énergétique. A cause de l'expansion de l'espace (d'un facteur 1000 plus ou moins depuis que le rayonnement a été émis), la longueur d'onde de l'éclat primordial a été étirée d'environ 1 mm et sa température a chuté [...]. les rayonnements du fond diffus cosmologique n'ont été découverts qu'en 1965, et plus ou moins par hasard. Depuis lors, l'émission rémanente du Big Bang a été étudiée en détail au moyen d'instruments très sensibles, sur Terre comme dans l'espace. La meilleure carte du rayonnement du fond diffus cosmologique dont disposent les astronomes à ce jour est celle établie par le télescope spatial européen Planck en 2013.
Selon Futura sciences, ces rayonnements forment une sorte de "carte d'identité de l'Univers" :
Le rayonnement fossile est une clé pour l'étude de la cosmologie. Il nous parvient aujourd'hui de régions qui se trouvent actuellement à plus de 45 milliards d'années-lumière de la Terre, et sa température n'est que de 2,78 K environ. Mais au moment où ce rayonnement a été émis voilà presque 13,7 milliards d'années, ces régions étaient portées à des températures de plusieurs milliers de degrés. L'univers observable était déjà très grand du fait de l'expansion plus rapide que la vitesse de la lumière ayant dilaté l'espace dans ses tout premiers instants.
Le fond diffus cosmologique peut être vu comme une sorte de carte d'identité de notre univers, car selon sa forme, son âge et sa composition, les caractéristiques de ce rayonnement ne sont pas les mêmes. Il pourrait aussi garder la mémoire d'effets de gravitation quantique dans l'univers très primordial.
Le livre de Jean-Pierre Uzan cité plus haut précise bien que dès sa diffusion la lumière "baigne tout l'univers" : de nos jours, "chaque centimètre cube de l'univers contient 411 photons" émis à cette occasion. Comment se fait-il alors que ce rayonnement ne soit pas visible partout ?
D'après les sources que nous avons pu consulter, cela est dû à l'expansion de l'univers, éloignant les corps célestes les uns des autres. Celui-ci a l'effet de dilater la longueur des ondes lumineuses : la lumière émise il y a 13,7 milliards d'années, associée à une température d'environ 3000 kelvins - comparable à celle du filament d'une ampoule électrique et donc d'apparence jaune pâle - a changé de longueur d'onde. Il s'agit maintenant d'une lumière froide (2,725 kelvins, soit, selon Govert Schilling, "2,73° au-dessus du zéro absolu" !) qui émet dans une longueur d'onde encore plus basse que les infrarouges, celle des micro-ondes, invisibles à notre oeil. Un phénomène expliqué de façon lumineuse dans cette vidéo de Science étonnante :
De fait, le fond diffus cosmologique nous apparait comme une sphère entourant la terre. Ce phénomène, appelé selon Wikipédia surface de dernière diffusion, est dû à un biais d'observation
Contrairement à ce que son nom suggère, la surface de dernière diffusion n'est pas une région qui possède des propriétés particulières (comme la surface d'une étoile, d'où part son rayonnement), mais plutôt l'ensemble des points de l'Univers observable d'où ont été émis les photons du fond diffus cosmologique à la recombinaison et que l'on reçoit aujourd'hui. Ces points correspondent à ceux situés à une distance telle que la lumière a mis environ 13,7 milliards d'années (temps écoulé entre l'époque d'émission du fond diffus cosmologique et maintenant, correspondant à l'âge de l'Univers) pour parvenir jusqu’à nous en voyageant en ligne droite. Comme l'Univers est homogène et isotrope, ces points sont tous situés à distance identique de l'observateur : la surface de dernière diffusion est une sphère dont le centre est l'observateur.
En d'autres termes, la surface de dernière diffusion a le même aspect de n'importe quel point de l'univers, conformément à la forme de l'univers observable depuis un point fixe, sphérique par définition. C'est également ce que dit Futura-sciences :
Nous ne pouvons pas voir au-delà de cette surface avec de la lumière car cela correspond à un temps où la matière était trop dense pour être transparente. Une bonne analogie consiste à comparer la situation à celle d'un physicien solaire cherchant à regarder à l'intérieur du Soleil.
Un contributeur du Forum du même site résume cette question d'une formule que nous trouvons très heureuse "Autrement dit pour des ET [extraterrestres] vivant quelque part sur cette sphère nous sommes sur leur fond diffus."
L'existence du fond diffus cosmologique, conforme à la loi du corps noir de Planck (1901) et conceptualisée par Georges Gamow en 1948, n'a été observée qu'en 1964 par les radioastronomes Arno Penzias et Robert Wilson tout à fait par hasard alors qu'ils testaient une antenne "pour capter les signaux de l’un des premiers satellites de télécommunication" ! Depuis, de nombreuses équipes ont observé le rayonnement fossile à l'aide d'instruments de plus en plus perfectionnés, le plus récent étant le satellite Planck lancé en 2009 et qui a livré entre 2013 et 2018 de précieuses informations sur les débuts de notre univers, dont ce cliché devenu célèbre :
Image : Planck CMB. Source : ESA. License Creative commons attribution.
Pour aller plus loin, et si vous avez de solides notions de physique, vous pouvez consulter cette page très complète du site du Laboratoire astroparticule et cosmologie de l'Université de Paris.
Nous vous invitons également à consulter les pages du journal en ligne du CNRS consacrées au fond diffus cosmologique.
Bonne journée.