J'aimerais avoir des informations sur les revêtements de nos trottoirs
Question d'origine :
Bonjour,
En cette période caniculaire, on remarque que les trottoirs emmagasinent et restituent beaucoup de chaleur. Depuis quand et pour quelle raison les trottoirs sont-ils goudronnés ? D'autres solutions novatrices sont-elles actuellement étudiées et quelles sont-elles ? Merci à vous !
Réponse du Guichet
L’apparition des trottoirs ne date pas d’hier, il en existe depuis l’Antiquité mais c’est réellement au cours du XVIIIème siècle que les trottoirs apparaissent presque systématiquement dans les villes. Ils sont tout d’abord créés pour améliorer l’hygiène générale et la sécurité des piétons. L’évolution des matériaux utilisés par la conception des trottoirs semblent être identique à l’évolution des revêtements de la chaussée. La pierre est rapidement abandonnée car elle demeure trop coûteuse à entretenir. Dès 1835, à Paris, l’asphalte fait son apparition sur les trottoirs. Le goudron sera rapidement remplacé par le bitume en raison de sa dangerosité. De par ses propriétés imperméables, malléables et adhésives, le bitume est aujourd’hui utilisé comme liant dans les enrobés bitumeux ou l’asphalte pour fabriquer divers revêtements (routes, parking, trottoirs, etc.)
Aujourd’hui, de nombreuses méthodes alternatives sont expérimentées dans les villes afin de réduire les îlots de chaleur : l’utilisation de peinture ou de revêtement plus clair, la végétalisation ou débitumisation, ou encore l’installation de pavés rafraîchissants…
Bonjour,
Les trottoirs existent depuis l’antiquité, ainsi les villes romaines étaient déjà dotées de trottoirs et possédaient des rues pavées. Les romains avaient le souci de l’hygiène, et urbanisaient en prenant déjà en compte la nécessité d’avoir une ville propre, où l’on pouvait circuler aisément. Cette préoccupation disparaît au temps du Moyen-Age.
Selon nos recherches, il faudra attendre 1606 et la construction du Pont Neuf pour que naissent les premiers trottoirs parisiens. En 1781, presque deux siècles plus tard, on verra le premier vrai trottoir pour piétons, rue de l’Odéon. Il s’agissait d’un revêtement de minces pavés de grès, soutenus par une bordure en pierre. Vers cette période, l’écrivain Louis-Sébastien Mercier demandait encore que l’on généralise l’usage des trottoirs à Paris, comme on pouvait le voir à Londres (qui verra toutes ses rues dotées d’un trottoir dès 1823), l’expérience de la rue de l’Odéon étant encore trop anecdotique. Il ne vivra pas assez longtemps pour voir le premier trottoir bitumé parisien, apparu en 1835, sur le Pont Royal. Les nouveaux revêtements permettent «aux idéaux bourgeois de s’exprimer» comme le souligne l’article de Sabine Barles «La rue parisienne au xix e siècle : standardisation et contrôle ?» extrait de la Revue Romantisme n°171, 1/2016 :
«En 1806, des affiches préfectorales invitent les propriétaires d’immeubles à se prononcer sur leur utilité et à s’entendre pour leur construction, la dépense de premier établissement étant à leur charge. Mais dans les années 1825-1830, le trottoir investit les abords des nouveaux lieux festifs devant les théâtres, cafés, restaurants, opéras, nouveaux lieux riches, de promenade, de nonchalance, de comparaison : le trottoir permet aux idéaux bourgeois de s’exprimer : la propreté de l’habillement – point de boue qui colle aux bas blancs brillants ou au jupon – et le pas décidé – point de flaques ni de bosses – comme sur un parquet de salle de danse. Inutile ici de chercher ses pas, le regard est tout entier occupé à dévisager, reconnaître, mesurer, pavoiser.»
A Londres, le premier trottoir apparaît en 1666 suite au Grand incendie de la ville. Dans la revue «Le 1» consacrée aux villes on apprend que :
«Le grand incendie de Londres de septembre 1666 aurait aidé à l'éradication de la peste en brûlant les rats et les bactéries responsables de la maladie et de sa propagation en ville. Lors de la reconstruction qui s'ensuit, des normes strictes sont imposées pour améliorer l'hygiène générale. La capitale de l'Angleterre est reconstruite après la promulgation de la loi de 1666 sur la reconstruction de Londres par le Parlement. Pour éviter de pareils drames à l'avenir, les bâtiments sont reconstruits en briques et en pierres, les bâtiments en bois sont rasés, des trottoirs sont créés et la ville est ainsi rajeunie.»
Par ailleurs afin d’encourager une culture urbaine de consommation dont Londres est la pionnière, le confort des rues est amélioré. «Les trottoirs apparaissent aux cours du XVIIIème siècle, en tout cas dans les rues commerçants et les beaux quartiers permettant ainsi aux passant de faire du lèche-vitrine sans être gênés par la circulation. » Source : Histoire de Londres de Rémy Bethmont.
A partir de 1837, le goudron, sous-produit du gaz d’éclairage bien moins coûteux que le bitume, apparaît sur les trottoirs.
«Le bitume de Seyssel garde un net avantage technique sur le goudron, mais il demeure presque deux fois plus cher. Surtout brillant quand il est mouillé, il réfléchit les lumières et accroît la luminance : les peintres de boulevards sauront saisir ses impressions automnales à la Belle Époque. La Compagnie Parisienne du Bitume est créée en 1838 pour promouvoir le produit.»
Source : «La rue parisienne au xix e siècle : standardisation et contrôle ?» de Sabine Barles.
De nos jours, l’utilisation du bitume est presque systématique comme l’explique cet article de la revue «Bitume info» (n°30 été/automne 2014) :
«Dans les grandes métropoles comme dans les agglomérations moins importantes, les techniques à base de bitume jouent un rôle primordial dans l’aménagement de la voirie. À Paris, par exemple, 75 % des surfaces de voirie sont réalisés en produits bitumineux, enrobés et asphalte coulé confondus. Les premiers atouts de ces matériaux, de l’avis des techniciens, sont leur facilité de mise en œuvre, la rapidité de remise en service après travaux et leur durée de vie en dépit des interventions répétées pour l’entretien des réseaux.»
Le goudron utilisé en tant que liant pour les routes, trottoirs ou les produits d’étanchéité au début du 20e siècle, sous-produit de la transformation de la houille en coke, est progressivement substitué par le bitume en raison de sa sensibilité thermique et de sa dangerosité. S’il n’est plus utilisé pour les routes depuis 1993, on l’emploie encore pour le revêtement de certaines surfaces nécessitant une résistance aux hydrocarbures (stations d’essence, péages d’autoroutes, etc.).
Aujourd’hui, de nombreuses méthodes alternatives sont expérimentées dans les villes :
- Végétalisation ou débitumisation
- L’utilisation de revêtement innovant plus clair (BIOKLAIR© est un revêtement naturel réalisé par un liant clair issu de la filière végétale.)
- Des nouveaux enrobés plus clair pour réduire la chaleur ou l’application de peinture claire
- Des pavés rafraîchissants : «L'idée est d'utiliser l'eau de pluie. Elle est récupérée, dépolluée et stockée. Sous les pavés, un système de tuyaux au goutte à goutte a été installé. Le mortier pour fixer les pavés permet à l'eau de remonter par capillarité lors de son évaporation»
Pour en savoir plus :
- Brunfaut, Jules. Hygiène publique. Les Odeurs de Paris. 2ème édition. 1882.
- ParisZigZag
- Histoire du bitume
Bonne journée.