Qu'est-ce qui distingue une société ouverte d'une société fermée ?

Bonjour,

Nous vous rappelons d’une part que des petits mots comme «bonjour», «merci»... sont appréciés au Guichet du Savoir, d'autre part qu’il est aussi plus facile et agréable de répondre à une question réellement formulée (par une phrase et pourquoi pas un point d’interrogation). Merci à vous.

«Le concept de société ouverte a été décrit par Henri Bergson d’abord, puis par Karl Popper. Il s’agit d’un concept social et philosophique de première grandeur. Bergson répartissait les types de société en deux catégories : la société ouverte se définissant comme une société fondée sur une morale ouverte et une religion dynamique, tandis que la société fermée reposait sur une morale close et une religion statique. Autrement dit, une société ouverte, dans l’esprit de Bergson, est celle qui met l’accent sur une morale de l’amour et sur l’expérience religieuse, menant ainsi à réunir l’ensemble de l’humanité. Karl Popper, en revanche, affirmait qu’une société ouverte correspond à une société démocratique et gouvernée par la raison, donnant la priorité à l’indépendance de l’individu et aux décisions raisonnables. La société ouverte de Popper a servi de socle idéologique au discours libéral à l’époque où ce dernier s’opposait à toute idéologie totalitaire.» Extrait de cet article dans Diogène La société ouverte et ses nouveaux ennemis, Han Goo Lee.

Bergson expose son point de vue sur la question dans Les Deux Sources de la morale et de la religion.

En voici un résumé tiré de Les notions philosophiques (T.1) : «La société close est la société humaine telle qu’elle est sortie des mains de la nature. Elle est fondée sur un instinct social agissant à travers des systèmes de conduites répétitives et d’obligations orientés tout entiers vers la satisfaction des besoins du groupe et la conservation de sa cohésion interne (mécanismes d’inclusion-exclusion)… La société ouverte est celle «qui embrasserait en principe l’humanité entière»… Les sociétés closes vont engendrer une morale constituée d’un ensemble d’obligations et d’interdits traduisant la pression sociale du groupe sur les individus, morale impersonnelle, donc, et agissant sous la forme de mœurs, idéologies et institutions statiques. La morale ouverte s’oppose à la morale close comme le mouvement au repos, pour reprendre l’image de Bergson. Expression de la durée créatrice, elle est toute entière aspiration et élan, et s’incarne dans des personnalités privilégiées, saint ou héros, qui agissent pour toute l’humanité en la rendant divine.»

Quant à Karl Popper, voici ce qu’il en dit en introduction de son ouvrage La société ouverte et ses ennemis: «Il décrit [son ouvrage] certaines des difficultés auxquelles doit faire face notre civilisation, une civilisation dont on pourrait sans doute dire qu’elle a pour objectif l’humanisme et la rationalité, l’égalité et la liberté; une civilisation encore dans l’enfance, mais dont l’essor se poursuit en dépit des fréquentes trahisons de ses dirigeants intellectuels. Il s’efforce de montrer qu’elle ne s’est pas encore remise du choc de sa naissance, du passage de la société tribale ou close, soumise à des forces magiques, à la société ouverte, qui libère les capacités critiques de l’homme, et que c’est bien le choc de cette transition qui favorise les mouvements réactionnaires orientés vers un retour au tribalisme.»... «J’appelle société close la société magique ou tribale, et société ouverte, celle où les individus sont confrontés à des décisions personnelles. Une société close typique peut être comparée à un organisme, et la théorie biologique de l’État peut, dans une large mesure, lui être appliquée. On peut, en effet, la rapprocher d’un troupeau dont la cohésion est maintenue par des liens comme la parenté, la vie commune, la joie ou douleur… La théorie organique de l’État peut se concevoir dans le cas d’une société close, parce que la dépendance des membres à l’ensemble y est déterminée par des règles immuables, comme dans un organisme vivant.»

La société ouverte et ses ennemis. 1 : L'ascendant de Platon / Karl R. Popper

La société ouverte et ses ennemis. 2 : Hegel et Marx / Karl R. Popper

Pour plus de détails :

DELSART (Didier), « Société close et société ouverte chez Bergson et Popper. Opposition ou complémentarité ? » tiré de Sociétés fermées et sociétés ouvertes, de Bergson à nos jours dans Éthique, politique, religions 2015 – 2, n° 7

Sociétés ouvertes, sociétés fermées et anti-barbarie. Esquisse d’une anthropologie du doute, Joël Candau

La société ouverte ?, numéro de juin 2018 de la revue Esprit

Société ouverte et La Société ouverte et ses ennemis dans Wikipédia

Une société ouverte ? sur France Culture

Bonne lecture !