Question d'origine :
Où est l'eau quand il n'y en a plus ?
En CE2 j'ai appris grâce "au cycle de l'eau" qu'il y a toujours une quantité définie d'eau sur terre. Nous sommes en sécheresse (rhone-alpes), j'ai vu des tas d'affluents totalement à sec, j'ai vu des prés grillés et des marronniers qui souffrent, les noisetiers jaunissent... Pendant qu'on est à sec qui bénéficie de l'eau que nous n'avons pas ? On m'a posé cette question et je me suis trouvée bien bête à ne pas savoir que dire. Qui en profite ? Les pays en hiver en ce moment ? la mer ? les nuages ? l'humidité de l'air ?
J'ai reçu des restrictions ce jour (interdiction des arrosages, etc), est-ce qu'économiser l'eau tout au long de l'année (interdire l'arrosage en plein soleil quelque soit la temperature, interdire le lavage des voitures, limitation de la consommation humaine, etc) dans toute la France aurait un impact sur les sécheresses estivales ?
Merci,
Pensez à vous hydrater :)
Anaëlle
Réponse du Guichet

Les restrictions d'eau en période de sécheresse visent à prioriser certains usages par rapport à d'autres, de manière à assurer la santé, l'accès à l'eau potable, la salubrité et la défense civile (les pompiers). L'économie d'eau au long de l'année pourrait soulager les nappes phréatiques dont la surexploitation menace tant la pérennité que les cours d'eau qui en dépendent.
Bonjour,
La sécheresse touche en effet notre pays. Dès le moi de mai dernier la préfecture du Rhône a par exemple décrété la situation d'alerte et invité la population à adapter ses pratiques pour limiter la pénurie :
Suite à un hiver et un printemps plus secs que les moyennes saisonnières, le Rhône fait face à un épisode de sécheresse sans perspective d’amélioration à court termeCompte tenu de la situation déficitaire de la ressource en eau pour la saison, le préfet du Rhône a décidé par arrêté du 24 mai 2022 de placer l’ensemble des masses d’eau superficielles du département en situation d’alerte et d’alerte renforcée, à l'exception du bassin versant du Gier.
Pour faciliter la compréhension des différentes mesures, une
carte interactive permettant à chacun d’identifier les mesures de restrictions auxquelles il est soumis, en fonction de l’usage (domestique, agriculture, industriel, collectivités) et du lieu.
Les arrêtés fixant les mesures sont disponibles sur ce lien .
Notons que dès le mois d'avril des mesures semblables avaient été prises dans le Puy-de-Dôme !
Des bulletins mensuels de la situation hydrographiques sont disponibles sur le site de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) Auvergne-Rhône-Alpes. En outre, le site Propluvia du Ministère de la Transition écologique met à jour les arrêtés de restriction d'usage de l'eau. Au moment où nous vous répondons, notre région se partage entre des zones Alerte :
Alerte : Réduction des prélèvements à des fins agricoles inférieure à 50% (ou interdiction jusqu'à 3 jours par semaine), mesures d'interdiction de manœuvre de vanne, d'activité nautique, interdiction à certaines heures d'arroser les jardins, espaces verts, golfs, de laver sa voiture, ...
et Alerte renforcée :
Alerte renforcée : Réduction des prélèvements à des fins agricoles supérieure ou égale à 50% (ou interdiction supérieure ou égale à 3,5 jours par semaine), limitation plus forte des prélèvements pour l'arrosage des jardins, espaces verts, golfs, lavage des voitures, ..., jusqu'à l'interdiction de certains prélèvements
respectivement en jaune et orange sur la carte.
Alors, nous demandez-vous, qui profite de l'eau que nous économisons ? Eh bien la réponse est : nous. Ou plutôt, les mesures de restriction ne visent pas des personnes (physiques ou morales) mais des usages : toutes les sources publiques que nous avons trouvées parlent ainsi d'usages ou d'utilisations prioritaires.
Selon le Gouvernement, "en période de sécheresse, pour préserver les utilisations prioritaires de l'eau (santé, sécurité civile et approvisionnement en eau potable)", le site notre-environnement.gouv.fr évoque la nécessité de "préserver les usages prioritaires : santé, sécurité civile, eau potable, salubrité". Mêmes discours sur un document d'ecologie.gouv.fr ou encore une page de la Métropole de Nantes...
(Précisons que l'expression sécurité civile désigne les pompiers.)
En retournant au site Propluvia, on s'aperçoit que même le niveau de restriction le plus élevé "Crise", n'impose à la population aucune restriction sur ces usages prioritaires : vous pourrez donc toujours boire et vous laver.
De fait, ce ne sont ni les nuages ni l'humidité de l'air, encore moins les Néo-Zélandais qui pourraient profiter du non-nettoyage de nos voitures, puisque ce n'est ni dans les cumulonimbus ni dans la brume ni dans les All Blacks que nous captons notre eau douce, mais dans des nappes phréatiques (à 62%) et dans des cours d'eau (à 38%). Nous vous recommandons à ce sujet la lecture de deux de nos réponses qui expliquent bien la tension entre les ressources et les besoins en eau :
Maintenant, économiser de l'eau tout au long de l'année peut-il avoir un impact sur les sécheresses futures ?
Tout d'abord, revenons sur les causes de la sécheresse : selon le Centre d'information sur l'eau, celle-ci est principalement due à des "précipitations insuffisantes durant l’hiver et le printemps (entre septembre et mars)" empêchant les réserves d’eau de "se recharger comme elles devraient pour maintenir un équilibre hydrologique", combinées à des chaleurs excessives entraînant "une augmentation naturelle de l’évaporation et de l’évapotranspirations des plantes avec pour conséquences un assèchement et une érosion des sols" - mais aussi à la surexploitation des nappes phréatiques :
Une consommation d’eau excessive pour les activités humaines peut entraîner une aggravation de la sécheresse. Lorsque les réserves d’eau diminuent en raison d’une météorologie défavorable (anticyclone persistant), elles ne sont pas toujours gérées efficacement par l’homme dans le cadre de ses exploitations agricoles, industrielles et domestiques. Une surexploitation des ressources en eau peut entraîner un assèchement des nappes phréatiques et menacer leur pérennité.
En cause, selon Reporterre, une trop grande dépendance de notre agriculture à l'irrigation issue de captages souterrains :
Une étude publiée début octobre dans le journal scientifique Nature montre que la capacité des nappes phréatiques à se reconstituer est totalement dépassée par le rythme des prélèvements, dont 70 % vont à l’agriculture. À l’échelle mondiale, environ 40 % des aliments que nous cultivons sont arrosés d’eau provenant de captages souterrains.
Les auteurs, issus d’universités des Pays-Bas, d’Allemagne, du Canada et des États-Unis, décrivent les modalités de ce désastre environnemental occulte et progressif, provoqué par l’humain. Il faut des années, voire des décennies, pour que les conséquences d’une surexploitation des eaux souterraines soient visibles. Le résultat est le lent assèchement de milliers d’écosystèmes fluviaux dans le monde. Selon les auteurs, quelque 15 à 21 % des bassins versants d’où l’eau souterraine est extraite ont déjà dépassé un seuil écologique critique.
Ce nombre pourrait atteindre 40 à 79 % d’ici vingt ou trente ans. « Cela signifie que des centaines de rivières et de ruisseaux du monde entier seront tellement appauvris, et certains le sont déjà, que leur faune et leur flore seraient menacées », a déclaré Inge de Graaf, auteure principale de l’étude et hydrologue à l’Université de Fribourg. En France, cet été, et l’été dernier, le niveau de nombreuses rivières a drastiquement baissé et certaines étaient à sec.
Les auteurs définissent le seuil critique comme un débit diminué pendant au moins trois mois distincts, sur deux années consécutives, ou le moment où le débit ne peut plus subvenir aux besoins des animaux et des plantes.
C'est donc bien les nappes phréatiques qu'il s'agit de soulager en limitant notre recours à l'eau douce en période de sécheresse.
Pour aller plus loin :
Bonne journée.