Que sait-on des signaux électriques dans les plantes ?
Question d'origine :
Quelles sont les connaissances sérieuses, scientifiques, au sujet des signaux électriques dans les plantes?
(en réponse à quel type de stimulus, quel ordre de grandeur, quelle durée, quelle fréquence, quelle variabilité de plante à plante, etc)
Réponse du Guichet

Aujourd’hui les connaissances sur la communication des plantes par signaux électriques semblent assez précises. Les études menées dans le domaine sont nombreuses et ouvrent de nouvelles perspectives, notamment pour l’agriculture.
Comme expliqué sur la page Wikipédia Communication chez les plantes, ces dernières semblent posséder plusieurs modes de communication dont les signaux électriques.
Dans le petit article Chez les plantes les canaux donnent le rythme, le CNRS reprend une étude menée par des scientifiques de l’Ecole polytechnique, du CNRS, d’Inrae, de l’Université Paris-Saclay et de l’Université Clermont-Auvergne. Ils ont découvert que l’oscillation des plantes par le vent provoquerait chez elles un signal électrique :
«Les plantes, bien qu’ancrées au sol, oscillent fréquemment sous les sollicitations du vent. Tout comme les animaux, elles possèdent à la surface de leurs cellules « des interrupteurs moléculaires » capables de convertir en quelques millisecondes un signal mécanique en un signal électrique. Chez les animaux, les vibrations sonores activent les « interrupteurs moléculaires » situés dans l’oreille. Des scientifiques du CNRS, d’Inrae, de l’Ecole polytechnique, de l’Université Paris-Saclay et de l’Université Clermont-Auvergne1 ont mis en évidence que chez les plantes, les oscillations rapides des tiges et des feuilles dues au vent activeraient de manière très efficace ces « interrupteurs ». Ceux-ci permettraient ainsi aux plantes « d’être à l’écoute » du vent. Un avantage capital pour se préparer aux tempêtes, en modulant leur croissance. Ces travaux ont été publiés dans PNAS le 28 décembre 2020.»
Plus de détails sur les travaux menés par ces équipes de scientifiques sur cette page rédigée en anglais : Cellular transduction of mechanical oscillations in plants by the plasma-membrane mechanosensitive channel MSL10. Vous y trouverez en prime des vidéos qui expliquent bien les expériences mises en place pour comprendre le phénomène.
L’Université de Lausanne (UNIL) semble également s’intéresser aux signaux électriques émis par les végétaux. Le magazine universitaire Uniscope propose un reportage sur le professeur Edward Elliston Farmer et le Département de biologie moléculaire végétale de l’UNIL. Ils travaillent sur le système de défense naturelle des végétaux. Voici ce que l’on peut y lire à propos des signaux électriques émis pas les plantes :
Un système de défense sophistiqué
Lorsqu’une feuille est blessée, elle «prévient les autres» en émettant un signal électrique qui passe par ses veines puis se distribue à ses sœurs selon un modèle mathématique. Fondamentalement différente de ce qu’on observe dans les neurones des animaux, cette alarme enclenche la production de l’hormone «jasmonate». Une sorte de chef des armées, qui réveille les gènes de défense du végétal. Des glucides sont envoyés à la feuille endommagée pour la soigner. Des protéines sont produites qui, une fois avalées par les larves, limiteront leur capacité de digestion et réduiront leur croissance. Une odeur sera aussi générée pour attirer les prédateurs des insectes.
«Ce mécanisme est le résultat d’une coévolution de plusieurs centaines de millions d’années. Un élément central pour l’équilibre plantes-insectes dans la nature, que l’agriculture intensive est venue chambouler, notamment par la pratique de la monoculture, qui favorise les ravageurs», déplore le biochimiste.
Ces conclusions ont notamment été rendues après une recherche fondamentale menée de 2017 à 2022 par le département de biologie végétale de l’UNIL, intitulée Wound activation of jasmonate signalling: extending the squeeze cell hypothesis.
Enfin une équipe de scientifiques brésiliens a découvert qu’à l’instar de notre système nerveux, les tomates, lorsqu’elles sont attaquées, informent le reste du plant à l’aide d’impulsions électriques. L’étude est expliquée dans cet article de Sciences et Vie Les tomates se défendent par signaux électriques, 31 juillet 2021.
Vous retrouverez en anglais le compte rendu de l’étude et toutes les ressources qui lui sont associées sur ce site : Fruit Herbivory Alters Plant Electrome: Evidence for Fruit-Shoot Long-Distance Electrical Signaling in Tomato Plants.
Ces découvertes offrent de nouvelles perspectives, notamment, dans le domaine de l’agriculture, comme expliqué ci-dessous :
«Le changement climatique menace la sécurité alimentaire dans le monde entier. En surveillant les signaux électriques des plantes, nous pourrons peut-être détecter d’éventuels signaux de détresse et des anomalies. Lorsqu’ils sont utilisés à des fins agricoles, les agriculteurs peuvent savoir quand une maladie est en cours, avant même que des symptômes à part entière n’apparaissent sur les cultures, comme des feuilles jaunies. Cela peut nous donner l’occasion d’agir rapidement pour maximiser le rendement des cultures», explique Chen Xiaodong, professeur de science et génie des matériaux à la NTU.
Source : Des biologistes développent un dispositif de communication végétale, site Trustmyscience
Ou encore dans l'article de l'université de Lausanne précédemment cité Il sonde le pouvoir invisible des plantes :
Des promesses pour l’agriculture
Le fruit de ces recherches pourrait profiter au domaine de l’agriculture. Un ancien membre de ce laboratoire est notamment employé aujourd’hui chez PhytlSigns, une start-up basée à Gland (VD) qui propose d’optimiser l’arrosage des cultures sur la base de leur activité électrique.
«Les travaux sur la jasmonate sont très prometteurs pour ce secteur économique», lance le professeur. Les cultures génétiquement modifiées sont-elles encore souhaitables? «Si d’importants problèmes alimentaires devaient survenir en Europe, par exemple liés au réchauffement climatique, je pense que les gouvernements seraient tentés d’utiliser le génie génétique. On sait que quand une population est affamée, cela change la donne. En manipulant la voie de la jasmonate, il est théoriquement possible de rendre une plante plus apte à se défendre par ses propres moyens ou, dans certains cas, d’en faire un aliment comestible pour les humains et les animaux», conclut le professeur.
Bonne journée