Quelle était l'emprise urbanistique de la cité Lafayette à Villeurbanne fin XIXè ?
Question d'origine :
Bonjour,
Qu'elle était l'emprise urbanistique de la ''cité Lafayette'' à Villeurbanne à la fin du 19eme siècle?
Merci pour votre réponse
Cordialement
Clami
Réponse du Guichet

Il est difficile de répondre à votre question autrement que de façon approximative, d'abord parce qu'un quartier n'est pas limité administrativement : d'après ce que nous avons pu lire, la Cité Lafayette s'étendait de la place qui servit tout d'abord de coeur à ce quartier (aujourd'hui place Albert Thomas) pour remonter le long du cours Lafayette.
L'origine de la Cité Lafayette (ou plus exactement de son ancêtre, la cite Napoléon) est visiblement un récit important de la mythologie villeurbannaise, puisqu'on le trouve évoqué dans la plupart des livres consacrés à l'histoire de la ville ; par exemple :
- Villeurbanne : 2000 ans d'esprit d'indépendance
- Villeurbanne autrefois
- Villeurbanne, cité bimillénaire
C'est cependant dans Napoléon et les Lyonnais (p.100) qu'on en retrouve la version la plus détaillée, que nous citons ici in extenso :
Napoléon passait des années de triomphe à l'exil de Sainte-Hélène, sans que la ville ai fait le moindre monument à la gloire du grand homme.
Il faudra attendre l'année 1839, pour qu'enfin un hommage lui soit rendu.
Encore le devait-on à un simple particulier, le sieur Decrussilly.
Ce bourgeois, admirateur de l’Empereur, avait acquis en 1838, un terrain situé au quartier Saint-Antoine à Villeurbanne.
Le lieu était agréable, campagnard, auquel on accédait par le Chemin Lafayette (Cours Lafayette actuel). Quatre autres chemins convergeaient sur l’endroit et le tout formait un vaste rond-point.
Pierre Decrussilly souhaitait développer le quartier naissant. Il projetait d’y construire une cité, qu’il n’hésitait pas à baptiser « Cité Napoléon ».
Le négociant cherchait à attirer l’attention et trouvait bientôt une excellente idée, celle d’ériger une statue de l’Empereur au centre du rond-point.
Alors, notre homme s’associa avec d’autres propriétaires du coin, tels Guillard ou Verdellet Ainé, et lança une souscription publique. Sa démarche recevait un bon accueil, car le « Petit Caporal » revenait chaque jour dans bien des cœurs. Il ne restait plus à la Commission de la Statue qu’à déposer une demande d’autorisation auprès du Conseil municipal de Villeurbanne.
Le 20 mai 1839, Napoléon passait de justesse devant le Maire et ses conseillers, six voix contre cinq, surtout parce que cela ne coûtait rien à la commune.
Decrussilly s’adressait au sculpteur lyonnais Lepind Fils qui avait pris très jeune une esquisse de la statue de Seurre, celle placée au sommet de la colonne Vendôme à Paris.
Villeurbanne aurait donc le même monument, à ceci près que le piédestal de pierre arrivait modestement à six mètres de hauteur.
Quant à la statue de trois mètres, le budget serré imposait aux fondeurs Leblond et Marchetti de la couler en fonte, au lieu et place du noble bronze.
Mais peu importe, le Napoléon des gones montrait beaucoup d’allure au milieu de la place, pratiquement à l’endroit de notre actuel Totem.
Le 17 novembre 1839 à midi, eut lieu l'inauguration devant une nombreuse foule. Le Maire, Claude Primat, avait dépouillé la statue du voile tricolore qui la couvrait, au moment même où retentissaient les salves d’artillerie.
Bien entendu, les discours suivaient, ainsi que la musique du 31° régiment de ligne.
Comme il se doit, un banquet clôturait la cérémonie. Les convives en trinquant à la gloire du grand homme, étaient loin de se douter que trente et un ans plus tard, la statue partirait chez le ferrailleur Desronzières, brisée par les coups de masse de la République.
C’était le 6 mars 1871, Napoléon en morceaux valait 100 Francs au profit du bureau de bienfaisance, tandis que la place Napoléon devenait la place de la Cité — aujourd’hui place Albert Thomas.
L’immeuble de la Société Générale reste le seul témoin de l’évènement.
A l’époque il abritait un café que son propriétaire avait eu l’astucieuse idée d’appeler: «Le Café de la Colonne».

L'ouvrage ne cite malheureusement pas de sources pour appuyer son récit, mais ces articles d'époque publiés par la Revue du Lyonnais tendent à le confirmer :
M. Lepind, auquel on doit une statuette de Jacquard, vient de modeler une statue de Napoléon que la commune de Villeurbanne a inaugurée le 17 novembre. Ce travail offre beaucoup de prise à la critique. M. Decrusilly, à l'aide d'une souscription, a placé sous le patronage de l'Empereur, la Cité Napoléon dont il a projeté l'établissement. Aussi , lit-on , sur l'une des faces du piédestal, celte énigmatique inscription :
LA CITÉ, FIÈRE DE SON NOM,
A ÉRIGÉ CE MONUMENT
1839.La hauteur totale du monument est de 9 mètres. La statue qui peut avoir 9 à 10 pieds a été fondue dans les ateliers de MM. Leblond et Marchettyaux Brotteaux. Trois discours prononcés par MM. Decrusilly, Frottier et Verdellet, quelques détonnulions de boites, quelques fanfares militaires ont fait tous les frais de celte solennité. Gagnez donc des batailles, comme celles d'Austerlilz et de Marengo , faites-vous donc un cortège de rois , ayez donc porté deux couronnes, commandé à des empires , mené à la gloire et à la mort des milliers d'hommes pour en venir à cette mesquine ovation, à la porte d'une grande ville que l'on a rempli de son nom et qui , avant comme après l'exil, eut toujours des voix enthousiastes et des cœurs chauds pour vous recevoir. O instabilité des choses humaines ! Quelle leçon pour les grands de la terre !
source: Revue du Lyonnais » série 1 - n°10 ( 1839 ) » pp.398
La statue érigée au premier empereur, à la cité Napoléon, n'existe plus.
Nous avons encore cependant Suchet, Martin et Jacquard en très-beau bronze.
Malheureusement, l'anecdote si elle raconte la création de la future Cité Lafayette, ne dit pas grand chose de son développement, ni de son étendue au XIXe siècle. Le livre de Marc Bonneville consacré plus précisément à l'urbanisme de Villeurbanne, reste également très évasif sur son emprise, révélant cependant qu'il empiète sur Lyon :
[...] la Cité Lafayette (autrefois Cité Napoléon) construite sous le second empire (le long du cours Lafayette sur le territoire lyonnais et débordant sur Villeurbanne), destinée à accueillir en symbiose les industries et les résidences ouvrières.
in: Villeurbanne : naissance et métamorphose d'une banlieue ouvrière, processus et formes d'urbanisation, p.22
Au cours de nos lectures, la dénomination "Cité Napoléon" nous a paru faire souvent l'objet d'une certaine confusion : fait-elle référence à la place originellement créée sur le lieu dit du "Rond-Point" (dont il semble que le nom: "Place de la cité Napoléon", était simplement raccourci en "Cité Napoléon" dans l'usage) ou à l'ensemble du quartier qui s'est développé autour de cette place. On lit par exemple : "La Cité Napoléon devint la Cité Lafayette, puis place de la Cité". Et ailleurs: "... tandis que la place Napoléon devenait la place de la Cité - aujourd'hui place Albert Thomas."
La presse locale se fait l'écho de cette confusion. Une recherche des occurrences de Cité Napoléon/Cité Lafayette révèle au fil d'adresses évoquées qu'on désigne bien de la sorte tout un quartier - dont il est possible ainsi de voir quelles rues le constituent - entre autres : "A la cité Napoléon , rue Saint-Victorien, 31", "cité Napoléon, rue de la Ferrandière, 12", "chemin Lafayette, 3, à Villeurbanne (cité Napoléon)", "chemin de Saint-Antoine, 24, cité Napoléon", "31 bis, r. St-Victorien, Cité-Lafayette", "cours de la République, 70, à la cité Lafayette", "avenue de Saxe, 100. Cité Lafayette", etc.
Mais on trouve par ailleurs tout aussi régulièrement, Cité Lafayette utilisé pour désigner la place de la Cité Lafayette. Par exemple dans cet article : "Incendie à la cité Lafayette.. — Hier soir, à 8 h, 1\2, un incendie s'est déclaré à la cité Lafayette, 47, dans un appartement situé au troisième étage, occupé par M. Maraud, employé à la compagnie O. T. D. Le feu est dû à une cause jusqu'à présent inconnue. M. Maraud était absent. Tout a été brûlé. [...] Le service d'ordre était fait par les gardiens de la paix du poste de la Cité. Une enquête est ouverte par M. Albertini, commissaire de police des Charpennes." (ici, on pourrait presque conclure que l'usage de "Cité Lafayette" est réservé à la place et "La Cité", au quartier)
ou encore ici : "Les habitants de la cité Lafayette sont invités à une réunion publique qui aura lieu rue et cité Lafayette, 124, à huit heure du soir."
Les plans d'époque (ou un peu plus tardifs) font clairement apparaître La Cité (puis La Cité Lafayette) comme un quartier (au même titre que notamment Les Maisons Neuves, cf. les extraits de plans joints ci-après), mais sans évidemment en fixer les limites. Pour une bonne raison : le quartier n'est pas une division administrative, et n'a donc pas de caractère officiel. Il reflète un urbanisme d'usage qui de ce fait évolue, se transforme (pour s'en convaincre, tenter de déterminer les limites du quartier de la Guillotière par exemple). On peut à la limite se référer de nos jours aux périmètres précis définis pour les conseils de quartier, mais sans garantie d'échapper aux questions soulevées par l'imprécision de la notion même de "quartier" (sur lesquelles ont dû d'ailleurs s'arracher les cheveux les personnes chargées de définir ces nouvelles divisions) : le quartier qui vous intéresse par exemple n'est tout simplement pas pris en compte par cette nouvelle délimitation des conseils de quartier villeurbannais (voir document Nouveaux périmètres des conseils de quartier à télécharger sur la page). Il se trouverait à cheval entre le Conseil de quartier Gratte Ciel-Dedieu-Charmettes et le Conseil de quartier Ferrandière-Maisons Neuves. Note: Pour plus de précisions, vous pouvez vous reporter à la réponse que nous apportions à une question sur la délimitation des quartiers à Lyon.
Dans ces conditions, il est évidemment difficile de proposer une délimitation précise de la Cité Lafayette, surtout il y a un siècle de cela.
Nous avons contacté le Rize qui n'a pour l'instant rien trouvé de concluant sur le sujet.
Complément(s) de réponse

Le Rize nous apporte les informations suivantes. Nous les en remercions vivement.
Voici des précisions complémentaires:
- l’inauguration de la statue de Napoléon date du dimanche 17 novembre 1839, sur la «place Napoléon».
- le cours de la République qui se termine en cette place s’appelait auparavant le «cours Napoléon» (chemin vicinal N°5) , devenu en 1870 le «cours de la République»: délibérations du 1er décembre 1870, puis du 18 août 1871. Je vous joins un article sur cette rue qui évoque aussi la place [Nous joignons ces documents au corps de notre précédente réponse].
- Par ailleurs, il existe des plans cadastraux, éventuellement visibles sur notre site du Rize +, dont voici le lien: http://lerizeplus.villeurbanne.fr/arkotheque/consult_fonds/resultats.php?ref_fonds=4
Cela répondra peut-être en partie à votre question ..
Nous n’avons pas d’autre «historique» sur ce lieu.