Qui était l'invité de cette émission de France Culture ?
Question d'origine :
Bonjour, Rediffusion d'un interview par Jean Lacouture sur France culture mardi 9 août à 20h. Il s'agissait d'un résistant communiste d'origine espagnole qui a été arrêté par la gestapo ds les maquis de Bourgogne-Yonne (Joigny) et déporté à Buchenwald. Je n'ai pas compris le nom de l'interviewé. Si vous pouvez le retrouver, merci.
Réponse du Guichet
Il s'agissait de l'homme politique espagnol et écrivain d'expression française Jorge Semprun.
Bonjour,
C'est en 1996 que Jean Lacouture consacre sept épisodes de sa série "A voix nue" à l'écrivain et homme politique espagnol Jorge Semprun :
Quelle idée d’entretien pouvait venir plus naturellement à Jean Lacouture que celle d'un "À voix nue" avec Jorge Semprun, l'un des hommes de ce temps qui aura su joindre avec intrépidité l'écriture à la vie ?
Jean Lacouture a choisi de le provoquer sur deux terrains périlleux : la déportation et la clandestinité révolutionnaire. Comment cette machine à broyer l'homme qu'était Buchenwald a-t-elle, au contraire, construit Semprun, en faisant l'homme sans peur et sans haine qu'il est aujourd'hui ? Comment des années de vie clandestine sous Franco ont-elles forgé cet écrivain, avivé sa lucidité, épuré sa sensibilité ?
Une série produite par Jean Lacouture et réalisée par Nicole Vuillaume. Rediffusion des cinq émissions du 20 au 24 mai 1996.
À lire aussi : Jorge Semprun : l'écriture et une vie
Ce résumé est donné par le site de Radio France sur lequel vous trouverez toute la série. A cet égard, pn remarquera les épisodes sont numérotés sur 5, de 1 à 7 - comme si la vie de Semprun, homme de lettres et d'action, dont l'histoire personnelle a été marquée par la guerre d'Espagne, la Résistance, qui fut Ministre de la Culture en Espagne et écrivain reconnu en France ne pouvait se tenir dans un cadre trop contraignant - et à vrai dire sa vie est au coeur de son oeuvre abondante, dont L'Ecriture ou la vie (1994) est peut-être l'opus le plus connu.
Voici un extrait de l'entrée que lui consacre l'Encyclopaedia universalis :
Né le 10 décembre 1923, à Madrid, dans une famille espagnole républicaine appartenant à la grande bourgeoisie castillane, Jorge Semprun est le fils d'un diplomate chassé d'Espagne par Franco. Installé à Paris, il découvre la langue française en « clandestin de la vie » (L'Algarabie, 1981) et poursuit des études au lycée Henri-IV. Il racontera dans Adieu vive clarté (1998) comment il parcourt Paris, un Baedecker et les œuvres de Baudelaire sous le bras. Sa fréquentation de l'intelligentsia française et sa passion pour la poésie se prolongent dans l'action politique au côté du Parti communiste espagnol en exil : il y adhère en 1942, après avoir rejoint les F.T.P. dès 1941. Dénoncé en 1943, il est arrêté par la Gestapo et envoyé à Buchenwald où il reste seize mois. Le Grand Voyage (1963) refait le trajet vers le camp de la mort où il retrouve Henri Maspéro et surtout Maurice Halbwachs, son professeur de philosophie et maître à penser, qui mourra dans ses bras à quelques semaines de la libération des camps (Le Mort qu'il faut, 2001).
[...]
Le destin de Semprun fut de se chercher un destin. Après l'action politique directe, il s'imposa une morale de l'ambiguïté fondée sur un nécessaire « travail de deuil » qui maîtriserait le passé tout en élaborant « les principes d'un avenir européen » qui permît « d'éviter les erreurs du passé » (Mal et modernité, 1995). Ardent dans la lutte, viscéralement antifasciste et défenseur passionné des droits imprescriptibles de la personne humaine, l'auteur a voulu choisir la vie, voire la survie – et non l'écriture – quand les situations historiques l'imposaient. Ses livres revêtent dès lors un statut paradoxal. En brouillant les chronologies au sein d'un même ouvrage pour rapporter des souvenirs empruntés à des ensembles historiques très différents, Semprun développe un propos parfois mal visible au-delà de la dénonciation salutaire des camps nazis et soviétiques (Se taire est impossible, avec Elie Wiesel, 1995). Que pourra conserver le lecteur de demain d'une œuvre tellement chevillée à l'événement et au compte-rendu autobiographique ?
Source :Michel P. SCHMITT, « SEMPRUN JORGE - (1923-2011) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 10 août 2022. Consultable intégralement avec votre abonnement BmL.
Cette vie et cette oeuvre, avec leurs parts d'ombre et leurs contradictions, ont logiquement inspiré de nombreux biographes et critiques. Voici quelques-un de ces ouvrages à notre catalogue :
Jorge Semprun : entre résistance et résilience / Corinne Benestroff ; préface de Boris Cyrulnik
Jorge Semprun, l'écriture de la vie / Gérard de Cortanze
Jorge Semprun : l'écriture et la vie / Soledad Fox Maura ; traduit de l'anglais et de l'espagnol par Isabelle Taudière
La deuxième vie de Jorge Semprun : une écriture tressée aux spirales de l'histoire / Françoise Nicoladzé
Le masque et le masqué : Jorge Semprun et les abîmes de la mémoire / Maria Angélica Semilla Duran
La lecture et la vie : Oeuvre attendue, oeuvre reçue : Jorge Semprun et son lectorat / Françoise Nicoladzé
La transcription des entretiens de Semprun avec Jean Lacouture a fait l'objet d'un livre paru chez Grasset en 2012 et présent à notre catalogue :
Si la vie continue... : entretiens avec Jean Lacouture / Jorge Semprún
Nous vous invitons enfin à découvrir les Oeuvres de Jorge Semprun à la Bibliothèque municipale de Lyon
Bonne journée.