Quels auteurs, intellectuels, psy et philosophes ont traité le thème de l'audace ?
Question d'origine :
Quels auteurs, intellectuels, psys et philosophes ontt traité le thème de l'audace ? D'où vient ce terme ? Merci.
Réponse du Guichet

Si le courage est avant tout une réaction et une force de résistance, l'audace tiendrait d'avantage de la provocation. Elle conduit à sortir des rangs, faire un pas surprenant, peut-être même innovant. Oser... penser à sa manière, par exemple. Sortir du "prêt à penser", malgré la peur du conflit.
Bonjour,
Le terme d’audace vient du mot latin « audacia », lui-même venant de « audax » qui signifie «hardi». Il est décrit dans de nombreux documents de référence – le Larousse de la Langue française définit l’audace comme:
- une « hardiesse qui ne connaît ni obstacle, ni limites; le courage »;
- (péjoratif) attitude de quelqu’un qui méprise les limites imposées par les convenances, impertinence, insolence;
- acte qui viole les convenances, les règles.
Le Centre national de Ressources textuelles et lexicales (CNRTL) donne également sa définition en quelques points plus développés, en précisant notamment que c’est « une qualité de l’âme qui incite à accomplir des actions difficiles, à prendre des risques pour réussir une entreprise considérée comme impossible ».
Sur le plan de l’action physique, elle serait « un courage extrême qui entraîne à des actions dangereuses au mépris des risques et périls » voire même «une hardiesse excessive et prêtant à critique. »
Le CNRTL propose ainsi, lui aussi, une définition nuancée quant à ses aspects positifs et négatifs.
Voici ce que dit André Comte-Sponville dans son "Dictionnaire philosophique", éd. PUF 2013, de l'audace d'un point de vue d'un philosophe(p. 102) :
" Un courage extrême face au danger, mais qui reste proportionné aux enjeux (c’est moins et mieux que la témérité) tout en excédant quelque peu la mesure ordinaire. Vertu limite et unilatérale. Davantage de courage que de prudence; plus d’action que de réflexion.
On remarquera que l’audace est moralement neutre. Elle peut se lettre au service du mal comme du bien, de l’égoïsme comme de la générosité. On ne la confondra pas avec l’héroïsme, qui ne vaut pas seulement face eu danger (mais aussi face à la souffrance, à la mort, à la fatigue….) et qui ne se dit que du courage désintéressé ou généreux. "
En revanche, voici la définition que l’auteur donne du courage (p. 221):
" La vertu qui affronte le danger, la souffrance, la fatigue, qui surmonte la peur, la plainte ou la paresse. C’est la vertu la plus universellement admirée, sans doute depuis le plus longtemps, et d’ailleurs (avec la prudence), l’une des plus nécessaires. Toutes les autres, sans courage, seraient impuissantes ou incomplètes.
Vertu cardinale, donc, proprement, ce que l’étymologie à sa façon confirme (dans «courage», il y a cœur, dans «vertu», il y a «courage») et que l’expérience ne cesse de nous rappeler. On évitera pourtant de le louer trop aveuglément. D’abord parce que le courage peut servir aussi au pire; ensuite parce qu’il ne tient lieu d’aucune des vertus qu’il sert. L’amour peut donner du courage, non le courage suffire à l’amour. "
En outre, dans son « Petit traité de grandes vertus », il se réfère à Aristote, voyant la vertu comme un sommet entre deux vices, et concrètement, il situe le courage entre la lâcheté et la témérité.
La littérature sur le sujet est riche et les auteurs et penseurs qui s’y sont intéressés l’ont abordé non seulement en tant que question philosophique, mais aussi dans sa dimension psychologique. Aujourd’hui, le développement personnel visant à améliorer les performances de l’individu et à l’aider à valoriser ses talents, s’intéresse à cette question : pour réaliser ses rêves, il faut oser le faire.
Vous trouverez ici quelques éléments bibliographiques, une sélection qui ne prétend cependant pas à l'exhaustivité :
Aristote, dans sa « Rhétorique » ;
Saint Augustin, dans « 83 Questions » ;
Saint Thomas d’Aquin, dans son œuvre majeure « Somme Théologique » où il appuie son raisonnement sur les idées de ces deux auteurs ;
« Les Vertus et l’amour » de Vladimir Jankélévitch contiennent un chapitre intitulé «Le courage et la fidélité» ;
« La fin du courage. La reconquête d’une vertu démocratique » de Cynthia Fleury .
Pour compléter la sélection, voici quelques articles de psychologie qui introduisent le lecteur à la notion d’audace :
« Eloge de l’audace » par Pascale Senk ;
Et un autre de la même auteure, « L’audace, entre raison et émotion », paru sur le site du Figaro santé ;
« Comment devenir audacieux? » de Laurence Lemoine.
Quant à Daniel Kahnemann, il étudie le champ de la prise de décision.
Par ailleurs, « La renaissance de l’audace », un article de Roger-Pol Droit paru dans « Les Echos » du 26 mai 2017 peut également inspirer vos recherches. Sa chronique « Des 'Tontons flingueurs' à Thomas d’Aquin » fait un bref et amusant tour de manège de la question.
Pour finir, il n’est pas inutile de consulter un nombre important de citations illustrant moult aspects et contextes dans lesquels s’inscrit l’audace que proposent certains sites, comme dicocitations.com ou citations.ouest-france.fr. Vous trouverez ici les réflexions d’Aristote, de Søren Kierkegaard, de Goethe et de Cocteau, de Machiavel et de Danton, et tant d’autres encore…
Le thème d’audace n’est pas étranger à la littérature romantique, pour ne citer que le fameux passage de Victor Hugo, issu de son roman « Les Misérables ».
S’il s’agit d’analyser l’audace humaine, impossible de ne pas évoquer « Monsieur Cogito » - cet homme qui ne cesse de réfléchir, comme l’annonce son nom - de Zbigniew Herbert, grand poète du XXe siècle. L’humanisme, réponse à toute domination barbare, repose sur le courage et à la fidélité aux idéaux humains :
Monsieur Cogito: l’envoi (fragments du poème, traduction de Jacques Burko)
"Va où les autres sont allés – jusqu’à la sombre limite
chercher la toison d’or du néant ta récompense dernière
redresse-toi et va parmi ceux à genoux
parmi ceux qui se détournent parmi les effondrés
tu n’as pas été préservé pour vivre
tu as très peu de temps il faut témoigner
ose même lorsque la raison défaille ose
dans le bilan final cela seul comptera
que ta Colère impuissante soit comme la mer
chaque fois que tu entendras les humiliés les battus
(…)
veille – et quand la lumière sur les monts te donne le signal – lève-toi et va
tant que le sang fait tourner dans ta poitrine la sombre étoile
redis les exorcismes anciens des hommes les légendes les contes
tu conquerras ainsi le bien que tu ne conquerras pas
redis les paroles grandes redis-les entêté
comme ceux qui traversaient le désert et périssaient aux sables
pour cela ils te récompenseront de ce qu’ils auront sous la main
d’une fustigation de rires d’un meurtre sur le tas d’ordures
va c’est la seule façon d’accéder au cercle des crânes froids
au cercle de tes ancêtres: Guilgamesh Hector Roland
défenseurs du royaume sans limites et de la ville de cendres
Sois fidèle Va "