Andy Warhol était-il un opportuniste ou un grand artiste ?
Question d'origine :
Bonjour,
J'ai toujours considéré qu'Andy Warhol était un opportuniste, génial certe, mais pas un grand artiste. Suis-je le seul ?
Merci.
Réponse du Guichet
Andy Warhol, opportuniste ou grand artiste ? Quels sont les critères pour juger de la qualité d'un artiste, pour décider de qui, quoi fait art ? Les formes ? Les couleurs ? L'imagination ? Le culot ?...
Dans le cas présent, la question est particulièrement intéressante car, dans un monde en pleine transformation, Warhol a interrogé et révolutionné la conception de l'art. Est-il pour autant un artiste de talent ?
Bonjour,
"Andy Warhol’s Shot Sage Blue Marilyn sells for $195 million - Shot Sage Blue Marilyn d'Andy Warhol se vend 195 millions de dollars", affiche le vendeur d'art, Christie's, sur son site. Ainsi, en mai 2022, Warhol devient le deuxième artiste le plus cher au monde, derrière le Salvator Mundi attribué à Léonard de Vinci (dont la paternité est contestée), vendu 450,3 millions de dollars. - Source : "Shot Sage Blue Marilyn", le célèbre portrait de Marilyn réalisé par Warhol vendu 195 millions de dollars, La Tribune, 10 mai 2022.
Pour Alex Rotter, directeur du département d'art moderne, d'après-guerre et contemporain chez Christie', "Shot Sage Blue Marilyn est le summum absolu de la pop américaine" :
The painting transcends the genre of portraiture, superseding 20th century art and culture. Standing alongside Botticelli’s Birth of Venus, Da Vinci’s Mona Lisa, and Picasso’s Les Demoiselle d’Avignon, Warhol’s Marilyn is one of the greatest paintings of all time.
La peinture transcende le genre du portrait, remplaçant l'art et la culture du XXe siècle. Aux côtés de la Naissance de Vénus de Botticelli , de la Joconde de Léonard de Vinci et des Demoiselle d'Avignon de Picasso , la Marilyn de Warhol est l'une des plus grandes peintures de tous les temps.
Mais pour Hector Obalk, Andy Warhol n'est pas un grand artiste :
Parce que la présence de belles femmes et de scènes d'horreur n'a jamais suffi à ce qu'on puisse féliciter une œuvre "d'embrasser la beauté et la mort", et parce que l'étendue des thèmes évoqués par sa peinture n'est que le triste miroir de la collection des images qu'elle rassemble, Andy Warhol n'est pas un grand artiste.
Pour connaître le fond de la pensée de ce critique d'art dont l'essai publié en 1990, "lui vaut de ne plus pouvoir publier dans les magazines d'art de l'époque" (Wikipédia : Hector Obalk), il vous faudra lire son ouvrage qui "traite tout à la fois de l'œuvre d'Andy Warhol, de la publicité comme art, de l'art contemporain comme genre et de la valeur argumentative des discours esthétiques."
C'est pour la première fois dans l'histoire de l'art qu'un jeune critique et théoricien, alors âgé de 29 ans, inspiré de philosophie analytique et de fantaisie talmudique, a tenté de soutenir un jugement esthétique négatif, sans que jamais sa prose ne verse dans le pamphlet idéologique ou le jugement péremptoire. Cet essai d'un genre nouveau, jamais ennuyeux, stimulant pour l'esprit, aussi précis que subtil, est, de plus, remarquablement documenté. - Source : 4e de couverture édition Champs Flammarion
Vous n'êtes donc, à priori, pas seul à ne pas considérer Andy Warhol comme un grand artiste. Mais comment décide-t-on, juge-t-on de cela ? Quelle est "...la règle du jugement esthétique : où la trouver ? sur quoi la fonder ? comment l'admettre ? à quoi l'appliquer ? faut-il une ou plusieurs règles ? faut-il même une règle ? [...] Quel est le rapport entre un engagement personnel et la communauté des avis, entre l'un et le multiple ? La critique d'art est-elle ouverte à de nouvelles pratiques et de nouveaux champs artistiques ?"
Avant toute chose, afin d'apprécier une oeuvre à sa juste valeur, il paraît bon de se poser toutes ces questions auxquelles répondent Christophe Genin, Claire Leroux, Agnès Lontrade dans Juger l'art paru en 2009 et présenté sur le site de la maison d'édition.
Toutefois, en parcourant divers·es études et ouvrages, nous pouvons tenter de dresser un portrait de ce "fils d'immigrés slovaques devenu une icône dans les années 1960 lorsqu'il élève des objets triviaux au rang d'oeuvres d'art et s'oppose aux valeurs traditionnelles, [...] chef de file du pop art".
Par exemple, avec Andy Warhol : le renard blanc de Jean-Noël Liaut publié 2021, nous apprenons comment il a "pu révolutionner l'art de la seconde moitié du XXe siècle" et comment ce grand angoissé à la santé fragile a su se métamorphoser en un « renard blanc », comme l'a surnommé la comédienne Paulette Goddard : un être fureteur, malin, flairant le sens du vent, comprenant son époque avant tout le monde" :
Pour éclairer le mystère Warhol, Jean-Noël Liaut a mené l'enquête pendant plus de trente ans. Il a recueilli les confidences inédites de nombreux proches de l'artiste - les célèbres critiques d'art John Richardson et Stuart Preston, Pierre Bergé, Lee Radziwill ou l'égérie Ultra Violet - pour dresser un portrait tout en nuances, loin des habituelles visions partisanes présentant le pape du pop art comme un génie absolu ou comme un imposteur.
En déconstruisant le mythe warholien, en faisant la part de son talent et de son habileté, de ses visions prophétiques et de son sens du marketing, ce récit intime et romanesque révèle un Warhol inattendu, tour à tour touchant et agaçant, génial et opportuniste, charismatique et profondément seul. - Source : 4e de couverture Allary éditions
Puis, avec Cécile Guilbert dans Warhol spirit,
... on peut [encore] se demander qui était vraiment le dessinateur, le peintre, le photographe, le cinéaste, le producteur, le graphiste, l'auteur, le journaliste, l'éditeur, le directeur artistique, l'animateur de télé, l'acteur, le mannequin américain d'origine tchèque nommé Andy Warhol. Était-il un prophète ? un imposteur ? un monstre ? un crétin ? le pape du pop ? un théologien paradoxal ? une machine célibataire ? un héritier du dadaïsme ? un martyr ? un taoïste ? un dévot ? un fantôme ? un avare ? un apôtre de la société du spectacle ? une victime sacrificielle ? un "fils à maman" ? un vampire ? un robot? un sage ? un dandy ? un mystique ? une marionnette ? un saint ? une marque ? un obsédé de la mort ? du néant ? le plus véridique artiste de la seconde moitié du XXe siècle qui continue d'irradier le XXIe ? Pour le savoir, il ne suffit pas de le voir. Il faut aussi le lire, l'écouter, tendre l'oreille vers sa parole et sa pensée. - Source : 4e de couverture édition Grasset
Holy terror [Livre] : Andy Warhol confidentiel de Bob Colacello est aussi un document important car c'est une biographie écrite par un des proches de Warhol :
Si vous voulez tout savoir sur Andy Warhol, vous n'avez qu'à regarder la surface de mes peintures, de mes films et de moi-même : me voici. Il n'y a rien d'autre derrière. » À en croire l'artiste, sa biographie exhaustive aurait pu tenir dans les quelques lignes de cette quatrième de couverture... Mais ce serait se laisser duper par le masque de Pygmalion branché derrière lequel il s'employa toute sa vie à s'effacer, jusqu'à finir par se confondre avec sa légende. Car malgré une existence passée sous les feux des projecteurs, ce maître du paradoxe fut aussi un homme timide, secret, dont la disparition laisse, trente ans plus tard, bien des zones d'ombre : génie ou imposteur ? Artiste visionnaire ou publicitaire virtuose ? Champion de la contre-culture ou fossoyeur de ses espoirs émancipateurs ? Gourou à la tête d'une cour d'adeptes ou simple opportuniste qui sut s'entourer ?
Ami, confident et proche collaborateur de l'artiste avec qui il dirigea, de 1971 à 1983, le magazine Interview, Bob Colacello est l'un des rares à avoir fait partie du cercle très fermé de ses intimes, et à détenir les clés de l'énigme. Dans Holy Terror, il nous fait ainsi découvrir l'envers du décor de son atelier mythique, la Factory, les relations de pouvoir complexes qui se jouaient dans l'entourage de l'artiste, les secrets du peintre au travail, et nous emmène avec lui dans un tourbillon de soirées sélectes et de vernissages d'avant-garde au casting idéal : Mick et Bianca Jagger, Elizabeth Taylor, Paulette Goddard, Liza Minnelli et tant d'autres...
Bob Colacello signe aussi bien un livre de référence sur la vie et l'oeuvre de Warhol qu'une plongée captivante dans l'underground new-yorkais des années 1970-1980 sur lequel il régnait.
Mais on connaîtra mieux le personnage et l'artiste en lisant Ma philosophie de A à B et vice-versa sorti en France en 2007, "ouvrage devenu «culte» [où] Warhol concocte un pot-pourri irrévérencieux et drôle de ses points de vue sur l'art et la société" :
Avec un mélange de sérieux et de dérision, il procède à la remise en question des valeurs sacrées de la civilisation américaine et développe des théories originales sur des sujets que l'on n'avait pas l'habitude d'explorer au moment où est paru le livre. Sous une apparente frivolité, il dévoile les idées fondatrices de sa pratique artistique, par exemple sa conception toute personnelle de la beauté. L'ouvrage se construit sous forme de dialogues imaginaires entre A et B, abordant à bâtons rompus, et sur un mode provocateur, les thèmes en apparence les plus disparates. - Source : Flammarion
Voici également ce que disait Damien Sausset de cet ouvrage :
Publiés initialement en 1975, les écrits d'Andy Warhol constituent sans doute la meilleure introduction possible à l'œuvre de ce génie aujourd'hui encore décrié. Le pop art tel que le pratiquait Warhol fut sans aucun doute l'une des critiques les plus virulentes de la société de consommation américaine des années soixante. Pour ceux qui en douteraient, il suffit de se plonger dans cet ouvrage passionnant où Warhol alterne les considérations les plus anodines avec d'authentiques analyses du monde qui l'entoure. Amour, travail, succès, mort, sont autant de thèmes qu'il traite avec un détachement d'une profonde drôlerie. Ces écrits démontrent aussi, si besoin en était, combien Warhol fut profondément conscient du rôle qu'il s'était imparti : ressembler à l'extrême vacuité des images de ses peintures. Aujourd'hui encore, cet ouvrage compose un portrait troublant de la société dans laquelle nous vivons, comme si ce que repérait Warhol était désormais la norme d'un monde globalisé.
Le Journal de Warhol paru chez Grasset en 1990 aide aussi à resituer sa pensée dans son époque, à mieux pénétrer son cerveau, sa mémoire :
Je n'ai pas de mémoire, disait Andy Warhol. Mon cerveau est comme un magnétophone qui aurait une seule touche, pour effacer." Moyennant quoi le maître du pop art a passé les dix dernières années de sa vie à appeler chaque matin sa collaboratrice, Pat Hackett, pour lui dicter les moindres détails de la nuit qu'il venait de passer. Le résultat - dont on découvre, ici, la traduction française - est une passionnante succession de scènes, cruelles ou cocasses, misérables ou scabreuses, où défile tout ce que le théâtre new-yorkais a pu compter de personnages. De Truman Capote à Jackie Onassis, de John Lennon à Donald Trump, Grace Jones ou Liz Taylor, ils sont tous là, épinglés par ce collectionneur de génie qui les observait mine de rien et consignait leurs grimaces sur son polaroïd intérieur. Et c'est avec un plaisir probablement égal à celui qu'ont dû éprouver - toutes proportions gardées - les contemporains de Saint-Simon ou du cardinal de Retz que l'on assiste à ces soupers, fêtes en tout genre et coke-parties qui ont fait les riches heures du " Studio 54 " et de la " Factory ". On lira ce livre, au choix, comme une chronique de la modernité. Le tableau d'un siècle qui s'achève. Le portrait d'une Babylone qui n'en finit plus de se décomposer. Ou bien - et c'est, au fond, l'hypothèse que je retiens - le geste ultime d'un artiste qui pensait qu'il n'y avait rien derrière son œuvre car il n'y a rien, non plus, derrière le monde et ses reflets. - Bernard-Henri Lévy.
Enfin, les entretiens réunis dans Andy Warhol, entretiens [Livre] : 1962-1987, "offrent un merveilleux démenti aux clichés qui escamotent le génie de l'artiste et la portée singulière de son oeuvre."
Provocant, manipulateur, à la fois indifférent et passionné, contradictoire et lumineux, le dandy Warhol s'y révèle d'une intelligence déconcertante. Qu'il parle de peinture, de cinéma, de mode, de sexe, des stars mondiales ou de l'ordinaire de la vie américaine, il ne perd jamais de vue les exigences de son art. Capable de tout montrer et de tout dissimuler dans ses images comme dans ses propos les plus simples, il s'est fait le miroir exact d'une époque futile et grave, hantée par la beauté et la mort. La sûreté de son diagnostic montre que Warhol est bien le philosophe dont il avait ironiquement pris la pose. - Source : 4e de couverture édition Grasset
Ce recueil d'entretiens, presque tous inédits en français, n'est pas un simple livre de plus sur Warhol : il constitue la source essentielle pour la compréhension du dernier artiste mythique du XXesiècle." - Alain Cueff.
Ce quatrième de couverture mentionne également que "maître des évidences, stratège des apparences, Andy Warhol a beaucoup insisté pour faire croire qu'il n'y avait rien derrière ses images. Et que lui-même n'avait pas grand-chose à dire. Deux ou trois citations partout répétées ont fixé le portrait d'un artiste amusant et superficiel, excentrique et mondain : sous les surfaces lisses de ses tableaux, sous son masque impassible, inutile de chercher autre chose qu'un aimable vide."
Mais alors, sur quoi est bâtie la renommée de Warhol ?
Philosophe mais rationnel, esprit malicieux, observateur pour ne pas dire visionnaire, doué pour l'art des affaires, les affaires de l'art et pour faire l'histoire de l'art, il parvient à une place unique où, partant du postulat qu'il n'a rien à dire, il vide ses œuvres de contenu, il les multiplie avec les outils du monde consummériste, ce qui les "appauvrie", les évide davantage et, ce faisant, il dénonce le marché de l'art grâce auquel il devient célèbre malgré tout. Andy Warhol est un génie grâce à "la façon dont il a envisagé l’articulation de l’art à la société et au monde des affaires".
Ce passage du un au multiple, Warhol en a fait un des piliers de la Factory, et de sa bonne fortune (artistique comme financière) dans la reproduction des œuvres, et comme un témoignage de « l’art commercial et… des mécanismes de la diffusion de la culture de masse » (Stich, 2008, p. 97). L’industrialisation de l’Art, dont la Factory de Warhol n’est que le symbole, prend son essor avec les techniques modernes de reproduction de l’image (entre autres photographie et sérigraphie chères à Warhol, mais aussi cinématographie) et du son (du phonographe à l’iPod). L’objet passe du un au multiple, selon la loi économique de Ford (1908 production en série de la mythique Ford T), la baisse du coût de revient par unité produite permet une baisse du prix et donc une augmentation du nombre de produits vendus, ce qui au final enrichit plus conséquemment le producteur du dit produit.
Cette transformation de l’œuvre d’art sous la poussée des techniques de reproduction durant les premières décennies du xxe siècle produit cette bascule du pop art des années 1960, que ce soit dans la musique, la peinture ou le cinéma. La consommation de l’œuvre par le plus grand nombre, objectif visé par la rentabilité et le retour sur investissement, change le rapport du sujet à l’objet culturel qui est toujours une des formes socialisées de l’objet du désir en tant « qu’il élève l’objet à la dignité de la Chose » (Lacan, 2006, p. 191).
[...]
Comme Duchamp, Warhol abandonne à cette époque l’esthétique: l’art n’est désormais plus une question de contenus (formes, couleurs, manière ou patte) mais de contenant. Warhol abandonne son métier de dessinateur, renonce au savoir-faire, à la main, et se consacre à l’Art; sphère qu’il dissocie des questions de goût, de beau et d’unique. Les objets qu’il montrera seront banals, kitch, de mauvais goût. Ce seront des objets de consommation courante : boîtes de conserve, bouteilles de Coca-Cola, photos parues dans les journaux et ré-assemblées. Il s’agit de montrer le déjà-là, la beauté est immanente dans l’objet, et c’est ce que veut mettre en évidence le modernisme du début du xxe.
[...]
Pour lui l’Art se réglait sur les lois du marché des produits, il s’agissait d’un produit comme un autre. «Ce n’est pas la valeur de l’objet qui compte, c’est la valeur que vous voulez qu’il ait […] Je voulais être un homme d’affaires de l’art ou un artiste homme d’affaires… Gagner de l’argent c’est de l’art, travailler c’est de l’art et faire de bonnes affaires c’est le meilleur des arts» (Warhol, 1973, p.92). Telle une machine, il se met ainsi à produire des «objets» prêts à être consommés en retirant ainsi de l’œuvre toute la sphère créative qui primait dans l’art jusqu’alors. L’heure n’est plus à la création mais à la production.
[...]
Cependant, en exhibant notoirement ce marché économique, Warhol soutenait avoir une autre intention. En effet, en incarnant lui-même le capital, en devenant un homme d’affaires hors pair à la recherche de l’argent et du pouvoir, Warhol représentait cyniquement l’absurde de la consommation. Il se projetait dans une participation-dénonciation de la vie américaine et de son kitsch, incarnait un miroir à double face qui témoignait d’une réalité sociale d’un nouvel ordre. Non conformiste et dérangeant, Warhol le provocateur prétendait avoir ce rêve «d’être une machine», rêve qu’il accomplissait en s’identifiant jusqu’à l’absurde à l’anonymat de la production de masse. Il transformait soudainement l’art en une marchandise, une image sans qualité, vidée de toute profondeur et de tout élément sacré, de toute visée sublimatoire.
Cependant, ce Warhol’s System n’était pas un avatar de la société de consommation: Warhol l’entrepreneur d’affaires était le résultat d’une nouvelle forme d’art qu’il mettait en exergue dans l’exagération et le trop; une nouvelle forme d’art, non plus seulement moderne, mais postmoderne et communicationnel.
Ainsi l’Art comme affaire était une proposition ultime de Warhol porteuse d’une démystification fondamentale où résidait justement l’amorce d’un art contemporain axé sur les principes de la communication et qui s’exhibait hors subjectivité, hors expressivité, en tant que système de signes circulant dans des réseaux (McLuhan, 1965).
Source : Fongond, Marie, et SergeLesourd. «Warhol, une esthétique «consumatoire» ou l'art comme modernité»,Cliniques méditerranéennes, vol. 80, no. 2, 2009, pp. 165-175.
Voici d'autres ouvrages sur Andy Warhol qui pourraient vous intéresser :
- Duchamp & Warhol [Livre] : de l'artiste à l'anartiste / Claude Amey, 2016
Duchamp et Warhol couvrent un siècle (1887 : naissance de l’un, 1987 : mort de l’autre) ; mais ils participent de deux générations nées à l’art dans des périodes et conditions historiques et géopolitiques très différentes ; comme c’est également le cas de leur extraction socioculturelle et familiale. Tout d’un certain point de vue les oppose : l’un se confronte à l’art au temps de l’émergence des avant-gardes en quête d’autonomie esthétique, l’autre au moment où l’art se désautonomise en prélevant des éléments et des formes d’une socialité affichée consumériste. Leur rapport à l’existence est aussi très dissemblable (l’un ascète et peu productif, l’autre prolifique et dans l’abondance). Mais d’un autre point de vue, leur rapport à l’idée d’art les rapproche curieusement : tous les deux vilipendent toutes règles esthétiques qui contreviendraient à leur pulsion d’agir à leur façon. À ce titre, la notion duchampienne d’"anartiste" (ni art ni anti-art) est un fil conducteur pour l’un et l’autre. Plus que les œuvres de Duchamp et Warhol, c’est la compréhension de leur parcours, à la fois dissemblable et semblable à travers l’art et les conditions culturelles attenantes, qui est à l’origine de cet essai. [source : Editeur]
- La Reine du pop [Livre] / Michel Bulteau, 2001
Michel Bulteau prétend que l'arrivée du pop art était imprévisible. Brutalement, on est passé d'une peinture gestuelle, viscérale et virile, à une peinture figurative, simplifiée et colorée. Les divinités du rock ont remplacé les divinités égyptiennes. Et cela, grâce à Andy Warhol. Il ressort de ce livre le portrait d'un homme secret, ambigu, difficile, voire impossible, mais un des plus grands artistes américains du XXe siècle.
- Andy Warhol [D.V.D.] : le pape du pop art / réal. de James Sanders et Ric Burns, 2015
Pour les plus jeunes
Cet ouvrage fait découvrir aux jeunes lecteurs la vie d'Andy Warhol, enfant d'émigrés pauvres qui se hissa grâce à son talent mais aussi à beaucoup de culot au rang de star de l'art contemporain. Musique, cinéma et provocation ont fait de lui une des dernières icônes du XXe siècle.
- Au pays de Andy Wahrol [Livre] / [textes de] Sylvie Girardet ; [illustrations] Nestor Salas, 2018
Mais pour comprendre l'homme ou le génie, qu'il soit opportuniste ou grand artiste, rien de mieux que de regarder l'étendue de son œuvre non ? Voici donc une sélection de titres disponibles à la bibliothèque municipale de Lyon :
- Andy Warhol hommes [Livre] / Andy Warhol ; préf. Alan Cumming
Peu connus et souvent exécutés pour son propre plaisir, les portraits d'hommes réalisés par Andy Warhol figurent parmi ses œuvres les plus personnelles et les plus sensuelles.
- Andy Warhol [Livre] : polaroids 1958-1987 / editor Reuel Golden ; art direction & design Richard Allan & Rebecca Anderson ; essay Richard B. Woodward ; text Meredith Mendelsohn, 2017
- Warhol live [Livre] : la musique et la danse dans l'oeuvre d'Andy Warhol / sous la direction de Stéphane Aquin, 2008
- Hyperstar. Andy Warhol, son monde et ses films. [Livre] / Stephen Koch ; [Traduit de l'américain par Nicole Tisserand], 1974
- Andy Warhol [Livre] : le cinéma comme "braille mental" : the cinema as "mental braille" / Patrick de Haas ; with an english translation by Sally Shafto, 2005
Cette étude sur le cinéma d'Andy Warhol appréhende ses films en les rapportant à l'attitude globale qui génère l'ensemble de l'activité de l'artiste, c'est-à-dire en analysant peinture et cinéma dans leur contexte mental commun. Ainsi, les questions du dandysme, de l'affirmation de l'indifférence, de l'attrait pour la surface, du voyeurisme apparaissent comme les clés de cette œuvre.
- Andy Warhol [Livre] : les pochettes de disques 1949-1987 : catalogue raisonné : exposition, musée des beaux arts de Montréal, pavillon Jean-Noël Desmarais du 25 sept. 2008 au 18 janv. 2009 / Paul Maréchal, 2008
Bonne journée.
Complément(s) de réponse
Bonjour,
Pour compléter notre réponse du 10 août, il nous semble important d'apporter une nuance au portrait dressé par les auteurs de presque toutes les publications citées. En effet, celui-ci resterait incomplet si nous gardions sous silence le point de vue, singulier pour l'époque, de Valerie Solanas, la femme qui a tiré sur Warhol. Disposant de peu d’éléments biographiques sur la vie de celle-ci, c’est à une rencontre imaginaire avec Solanas à laquelle s’est livrée Sara Stridberg dans La faculté des rêves. Dans un échange téléphonique avec Viva Ronaldo, probablement Viva*, on y trouve ces mots :
VIVA RONALDO : Bureau d'Andy Warhol. A qui ai-je l'honneur ?
VALERIE : Dis à Andy de se radiner au téléphone. J'ai pas que ça à faire.
VIVA RONALDO : Il faut que tu cesses ces coups de fil.
VALERIE : T'as qu'à croire, ouais... Perruques. Paranoïa. Pseudo-artistes. Plagiaires. Cleptomanes. Dracula. Suceurs de sang. Sangsues.
VIVA RONALDO : Nous avons porté plainte à la police contre toi pour tes coups de fil intempestifs.
VALERIE : Okay, génial ! Mais s'il a vraiment pardonné à Valerie, comment se fait-il qu'il ne vienne pas lui rendre visite ?
VIVA RONALDO : Au revoir, Valerie.
VALERIE : Et moi je peux ajouter que j'ai porté plainte contre votre art et vos visages-mecs. Dis-lui de chercher ma pièce. Dis-lui que je lui pardonne s'il me rend ma pièce. Dis-lui que tant que le soleil brillera et que le ciel sera bleu je n'en démordrai pas.
Ce dialogue, bien que fictif, nous invite à relativiser l'engouement quasi général pour le roi du pop art qui sut porter le phénomène de starification à son paroxysme. En effet, si Warhol est le premier à faire fructifier ses talents artistiques grâce au système marchand et capitaliste sur lequel il s'appuie, Valerie Solanas est tout l’opposé. Refusant à l’extrême ce système dont le pilier est le patriarcat, suite à la perte d’un manuscrit qu’elle avait confié à l'artiste et qu’il a perdu, elle se débat contre un Warhol qui l’humilie en lui proposant un des petits rôles parmi sept autres, de femmes qui subissent les assauts sexuels d'un homme dans le film érotique et expérimental I, a man.
Dans un monde gouverné par le capitalisme, le libéralisme et le néo-libéralisme où une partie des un·es est exploitée par les autres à des fins productives et reproductives dans le but de s'enrichir, on peut comprendre que Warhol soit devenu une légende. Mais qu'en serait-il de ce culte si nous vivions dans une société égalitaire ? Aurions-nous le même regard sur l'artiste et son œuvre ?
Bonne journée.
__________________________
* Nous vous renvoyons à la notice du Wikipédia anglophone car elle semble plus complète que le francophone.