A quelle température le homard devient-il rouge ?
Question d'origine :
Bonjour le guichet!
En discutant écrevisses et homards lors d'un repas de famille, la question suivante nous est venue en tête: à quelle température les homards deviennent-ils rouges et plus bleus?
Nous avons trouvé COMMENT ils deviennent rouges lors de la cuisson, mais pas à partir de quelle température... (Pour être honnête, la question est arrivée en se demandant si un homard laissé au soleil en pleine canicule devenait rouge ou pas...)
Merci!
Réponse du Guichet

Il n'y a pas à notre connaissance d'étude ayant déterminé à partir de quelle température le céphalothorax (carapace) du homard passe du bleu au rouge orangé, mais nous allons développer l'explication du phénomène apportée par une étude scientifique de 2002 faisant autorité.
Bonjour,
Vous indiquez avoir trouvé comment et pourquoi les homards deviennent rouges à la cuisson. Comme ceci peut intéresser d’autres lecteurs du Guichet, nous allons dans un premier temps expliquer le comment et le pourquoi. Si possible en nous appuyant sur des recherches scientifiques.
A priori, pourquoi des chercheurs ne se poseraient-ils pas la question de la raison profonde du changement physiologique du (pauvre) homard plongé vivant dans l’eau bouillante?
Des personnes faisant autorité en leur temps s’étaient bien posé la Question (si l’on ose dire !) du changement physiologique d'une personne dont on plongeait le bras dans l’eau bouillante. L’Ordalie par la méthode de l’eau bouillante permettait d’innocenter ou d’accuser (de sorcellerie en général) la personne «testée», à la lumière du résultat obtenu…
Eh bien oui! Une équipe de chercheurs de l'Imperial College (Londres) et des universités de Manchester et de Londres s’est posé la question (brûlante) du changement de couleur du homard et a publié le résultat de ses recherches en 2002. L’article a été publié sous le titre suivant: The molecular basis of the coloration mechanism in lobster shell: Bêta-Crustacyanin at 3.2-Å resolution.
Vous pouvez donc vous référer au texte original, mais pour résumer l’abstract (résumé d'un texte scientifique) déjà imposant de l’étude, nous pouvons nous appuyer sur cette jolie synthèse publiée en 2017 par le magazine Ça m’intéresse :
[Le homard rougit à la cuisson] parce que la chaleur modifie l’interaction entre les pigments de sa carapace et certaines protéines, ce qui entraîne ce changement de couleur. Comme de nombreux autres crustacés, mais aussi des poissons tel le saumon ou des micro-algues, le homard est riche en astaxanthine, un pigment orange de la famille des caroténoïdes. Cependant, tant qu’il reste loin des casseroles, ce délicieux animal arbore une couleur bleu sombre. C’est parce qu’il possède une autre protéine appelée crustacyanine, qu’il accumule en mangeant du plancton. En se liant avec les pigments, celle-ci modifie leur structure et, par conséquent, les longueurs d’onde lumineuse qu’ils absorbent.
En effet, alors que l’astaxanthine absorbe tout le spectre lumineux sauf le rouge-orangé, le complexe pigment-protéine, pour sa part, ne renvoie surtout des longueurs d’onde dans les bleus. Si cette particularité s’est développée chez les homards, c’est certainement parce qu’elle leur conférait un avantage pour se camoufler. Mais alors, que se passe-t-il lors de la cuisson ? Sous l’effet de la chaleur, la crustacyanine se délite, libérant le pigment orange qui rend notre homard si appétissant.
Mais ne nous noyons pas dans une casserole d’eau bouillante et revenons à votre question de départ : à partir de quelle température de cuisson ce délitement de la crustacyanine donne-t-elle cette jolie robe mortuaire rouge orangé au crustacé sacrifié à notre appétit ?
Malheureusement, nous ne trouvons pas de précisions sur la question, ni dans cette étude précitée qui fait autorité, ni dans les articles en faisant le commentaire. Pas plus de détail dans des recettes de cuisine . Les chercheurs précités semblent avoir admis comme principe de départ que la plongée dans l’eau bouillante causait le délitement de cette crustacyanine. Ont-ils eu pitié et ont-ils travaillé sur des bêtes déjà mortes, sans chercher par une Ordalie barbare à leur "faire avouer" à quelle température de cuisson ils changeaient de couleur ? Cette question, comme la vôtre, reste pour l’instant sans réponse…
Que les crustacés, coquillages et poissons qui nous liraient nous pardonnent, mais nous en profitons pour vous proposer quelques ouvrages de cuisine ayant un rapport plus ou moins direct avec votre question :
- Le Larousse des poissons, coquillages & crustacés
- Comment manger un homard et autres énigmes comestibles
Nota bene : sachez que depuis le 1er mars 2018, une loi suisse interdit aux cuisiniers de jeter les homards vivants dans l'eau bouillante, comme l'explique cet article du Monde : En Suisse, les homards vivants ne doivent plus être précipités dans l’eau bouillante. Ils doivent être électrocutés puis cuits à la vapeur dans une machine ad hoc.
Pas mal de homards auraient bien serré la pince aux législateurs helvètes qui ont pondu cette loi.
Cordialement.