Comment fonctionne le Pôle Cold Cases et crimes sériels de Nanterre ?
Question d'origine :
Bonjour,
Je suis à la recherche d'informations sur le fonctionnement du Pôle Cold Cases et crimes sériels créé le 1er mars 2022 à Nanterre par le ministère de la justice. Je souhaiterais savoir combien d'affaires criminelles non élucidées ont été identifiées en mars 2022 comme étant de sa compétence. Je voudrais aussi savoir qui sont les magistrats qui composent ce Pôle, comment les affaires à solutionner lui parviennent (auto-saisie des magistrats, transferts des parquets...) et de quels moyens particuliers d'enquête il dispose.
Merci.
Réponse du Guichet
On compte en France 173 crimes non élucidés et 68 procédures susceptibles de viser des crimes sériels. Pour répondre à la spécificité de ces crimes sériels ou non élucidés, pour que des faits ne restent pas impunis et que des victimes ne tombent pas dans l’oubli, un nouveau pôle judiciaire national unique a été créé dans le cadre de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire. Cette initiative était attendue depuis nombre d’années par les familles de victimes et leurs avocats.
Bonjour,
Voici ce que nous pouvons dire du nouveau pôle dédié aux cold cases :
Types de dossiers pour ce pôle unique
Sur les 241 dossiers susceptibles de relever de ce nouveau pôle, une équipe d'enquêteurs spécialisés avait en mai 2022 (d'après le Parisien) écumé 107 dossiers. 7 d'entre eux étaient alors dans le mains de ce service.
Selon l'article 706-106-1 du Code de procédure pénale, les procédures pouvant relever de ce pôle spécialisé concernent les crimes sériels ou non élucidés 18 mois après la commission des faits, dont les meurtres et empoisonnement, les actes de torture et de barbarie, les viols, enlèvements ou séquestration. Il peut également être sollicité quand « les investigations présentent une complexité particulière », lorsqu'il existe une dimension nationale ou locale des faits ou quand les investigations nécessitent un haut niveau de technicité et d'expertise.
"Pour la première fois également, le parquet de Nanterre expérimente une nouvelle procédure pénale, celle du parcours criminel, qui permet de s'intéresser à un individu suspecté de crime, en parallèle d'une information judiciaire déjà ouverte".
Source : Pôle cold cases : la liste des premières affaires criminelles que réveille la nouvelle juridiction - Le Figaro,18/5/22
Saisine
Les dossiers arrivent à Nanterre via différents canaux.
tout d'abord la prise de contact spontanée par les avocats des familles des victimes, ou directement par les familles des victimes elles-mêmes. Plusieurs juridictions et parquets de France se sont par ailleurs manifestés, prêts à se dessaisir d'affaires qu'ils ne peuvent traiter parfois parce qu'elles exigent des techniques d'enquêtes pointues notamment en ce qui concerne les recherches ADN. Les parquetiers du pôle ont aussi effectué un travail de recherches en sources ouvertes allant des émissions de télévision aux archives de la presse régionale, sans oublier les réseaux sociaux. Certaines affaires, qui avaient bénéficié d'une ordonnance de non-lieu de cabinet d'instruction, ont ainsi été rouvertes en enquête préliminaire.
Source : Le Figaro 18/5/22
Une co-saisine des enquêteurs initiaux et des services spécialisés est également tout à fait possible.
Les victimes peuvent aussi solliciter l’avis du parquet pour que leur affaire – ou leurs affaires s’il y a plusieurs familles concernées – soient transmises à ce pôle. (Source : Lancement du pôle Cold-Case au parquet de Nanterre - France Victimes)
Fonctionnement
Le pôle est dirigé par la juge d’instruction Sabine Khéris, nommée coordinatrice du Pôle national des crimes non élucidés, sériels et complexes. Cette magistrate s'est fait remarquer en obtenant les aveux de Michel Fourniret dans l’affaire Mouzin. Elle dispose d'une équipe dédiée :
- trois magistrats instructeurs spécialisés
- un vice-procureur
- trois greffiers
- un assistant spécialisé, un juriste assistant
- deux officiers de police judiciaire mis à disposition par le Ministère de l’Intérieur
Réunir pour mieux mettre en perspective les meurtres en France voire en Europe.
La justice pâtit d’un fonctionnement selon des principes géographiques. Aussi, l’objectif de cette structure unique est d’établir des liens entre des dossiers parfois éloignés géographiquement et de faire des rapprochements entre des modes opératoires de criminels.
Ce nouveau pôle a également pour objectif de surmonter certaines rivalités existant entre la police et la gendarmerie, ou entre le parquet et les juges d’instruction.
"On reprend le dossier à zéro, on l'atomise en fonction des compétences du personnel, que ce soit au niveau technologique, scientifique, en réétudiant des scellés ou en faisant de nouvelles reconstitutions", détaille pour l'AFP le général Fabrice Bouillié, chef du service central de renseignement criminel de la gendarmerie.
Cet officier est également à la tête de la division Diane, équipe pluridisciplinaire d'une trentaine d'enquêteurs, dont des spécialistes en détection de la sérialité et des analystes en matière comportementale et criminelle, qui s'appuie également sur les 250 scientifiques de l'Institut de recherche criminelle. Cette division sera en lien étroit avec le nouveau pôle dont "on attend une technicité supplémentaire", selon Pascal Prache, procureur.
Source : La Croix
En termes matériels, le service est doté d’une salle d'archivage pouvant accueillir des masses importantes de dossiers. Par contre, les scellés seront, dans l’attente de travaux, conservés dans un premier temps par les juridictions.
Un dispositif à la hauteur des besoins ?
Seulement un mois après sa création, un article du Figaro du 31/5, "Le nouveau pôle «cold cases» suscite déjà des inquiétudes" pointe quelques failles dans le fonctionnement et les moyens alloués. Sa coordinatrice n’aurait ainsi pu récupérer que 7 dossiers au 31/05. L'imprécision du mode opératoire reste un obstacle au transfert des dossiers à ce service par les juges. Par méconnaissance souvent, « des procureurs et des juges d’instruction ne savent pas s’ils doivent se délester de certains «cold cases».[…] Des magistrats rechigneraient également à remettre leurs dossiers, pourtant en sommeil depuis des années, tout simplement parce qu’ils leur appartiennent".
Des avocats préconisent aussi à cette structure la création de nouveaux outils, en particulier la création d’un fichier recensant la liste des crimes non résolus, indispensable pour résoudre ces affaires anciennes.
Articles et documents pour aller plus loin :
Site de la police nationale : Une nouvelle juridiction pour résoudre les « cold cases » / L'actu police / Actualités - Police nationale - Ministère de l'Intérieur (interieur.gouv.fr)
France Info : "Cold cases" : cinq questions sur le nouveau pôle judiciaire dédié aux crimes en série et aux affaires non élucidées
Nous, avocats des oubliés : sur la piste des crimes non résolus / Corinne Herrmann, Didier Seban
La traque du grêlé / Brendan Kemmet, Stéphane Sellami
Les morts de la Deûle : une enquête dans le Nord / Tomas Statius
Bonne journée.