Pourquoi appelle-t-on le quartier de Saint Paul à Lyon "Le ravin" ?
Question d'origine :
Pouvez-me l'origine du nom "Le ravin" pour désigner le quartier de saint Paul à Lyon 5 ?.
Je vous en remercie par avance.
Cordialement
France H
Réponse du Guichet
Le ravin - si l'on en croit le pseudonyme que s'approprie Pierre Charnier dans ses articles pour l'Echo de la fabrique, à savoir Le solitaire du ravin - c'est ce quartier en creux fiché entre les deux colinnes lyonnaises, trait d'union entre la coline du travail et celle qui prie.
Le terme de « ravin » pour désigner le quartier Saint-Paul trouve-t-il son origine dans le pseudonyme derrière lequel se cache Pierre Charnier, « canut lyonnais et prud'homme tisseur », dans l'Echo de la Fabrique ? Dans ce journal mutualiste (le premier du genre) Pierre Charnier signe en effet ses articles sous l'énigmatique qualificatif Le solitaire du ravin.
Nous ne pouvons en être certain, mais c'est en tout cas dans ce contexte que nous avons trouvé ce terme associé au quartier Saint-Paul, dont était originaire Pierre Charnier. « Le solitaire du ravin » qualifie parfaitement la position de Charnier, trait d'union entre le monde ouvrier (la colline de la Croix-Rousse) et celui des notables (la colline de Fourvière). Le quartier de Saint-Paul, avec sa situation de « ravin » entre les deux collines lyonnaises stigmatise en quelque sorte cette postion difficile et isolée.
En réalité, loin de demeurer "enfermé" dans son humble sphère, Charnier avait donc pu circuler entre le monde des ouvriers et celui des notables, situation inconfortable, mais essentielle pour rassembler des connaissances sur ces deux sphères et essayer, par ce témoignage informé, de faire communiquer deux mondes qui allaient constamment à l'affrontement ; position qu'il avait traduite de façon encore une fois provocatrice en utilisant, dans L'Echo de la Fabrique, le pseudonyme "Solitaire du ravin" pour signer notes et articles, le ravin étant son vieux quartier de Saint-Paul sur la rive droite de la Saône.
source :Le Solitaire du ravin - Pierre Charnier, 1795-1857, canut lyonnais et prud’homme tisseur de L. Frobert & G. J. Sheridan, 2021
L'ouvrage Langages, politique, histoire. Avec Jean-Claude Zancarini explique parfaitement la symbolique de ce lieu « en creux » entre les deux colines :
Charnier signait ses interventions dans la presse « Le Solitaire du Ravin». Le ravin, c'était le quartier Saint-Paul où il habitait, montée Saint-Barthélémy, sur la rive ouest de la Saône, lieux anciens de la canuserie, un quartier que venaient concurrencer désormais les pentes de la Croix-Rousse où s'installaient les nouvelles générations de tisseurs depuis la diffusion du métier Jacquard. Le ravin, c'était aussi le lieu qui se situait exactement entre les deux collines qui se faisaient face et s'affrontaient, l'une, Fourvière, où l'on priait, l'autre, la Croix-Rousse, où l'on travaillait; le ravin était pour cela un lieu indépendant, propre à penser et réaliser la réconciliation des deux collines. Solitaire, Charnier l'était de par sa doctrine, un curieux légitimisme rouge, qui prétendait articuler le principe de l'hérédité royale et celui du suffrage universel, et qui enjoignait d'expérimenter la démocratie à des niveaux intermédiaires et localisés de la société, sur des terrains économiques. Le thème de la conciliation, emprunté tant à la pensée religieuse qu'à la pensée républicaine, sera d'ailleurs au cœur de sa réflexion et de son action, notamment, bien sûr, aux prud'hommes.