Pouvez-vous m'en dire plus sur le système d’adduction d’eau du Lyon antique ?
Question d'origine :
Maxima cloaca Lugdunensis ?
Bonjour
Le système d’adduction d’eau du Lyon antique m’interroge !
Au IIe siècle 4 aqueducs déversaient quotidiennement de 30 000 et 70 000 m3 d’eau sur la colline de Fourvière.
- Que sait-on du système de drainage nécessaire pour évacuer le trop-plein des fontaines et autres établissement thermaux ?
- Est-ce que ce système de drainage était aussi utilisé pour évacuer les eaux vannes ?
- Ou devait-il alimenter les fontaines de la ville basse ?
- Sait-on où passait le grand déversoir (Maxima cloaca Lugdunensis ) drainant les eaux depuis la colline jusqu’au Rhône (la confluence devant au pied de la Croix Rousse au IIe siècle !??).
- Enfin que sait-on de 2 aqueducs supposés alimenter la Croix-Rousse et la presqu’île en eau du Rhône ?
la question de fond est : est que le Lyon antique possédait un réel réseau d'assainissement connecté aux eaux d'adduction, où les deux systèmes étaient indépendants, les drains ne servant pas à évacuer les déchets (impossibilité de laver les rues par exemple)
Je vous remercie de votre aide.
cordialement
Réponse du Guichet
Dans leurs écrits sur les aménagements hydrauliques de Lugdunum, les archéologues distinguent bien le réseau d'adduction d'eau (approvisionnement) du réseau d'évacuation (les égouts). A défaut de pouvoir répondre en détail à toutes vos interrogations, vous trouverez ici des éléments d'information générale sur l'évacuation des eaux à Lugdunum ainsi que des références bibliographiques pour continuer votre recherche.
Bonjour et bienvenue sur le Guichet du savoir pour votre première question. Comme le stipule la Charte d'utilisation du Guichet du Savoir, «le Guichet du Savoir ne répondra pas à plus de trois questions par semaine (ou par période de 7 jours) émanant du même internaute et ce afin de laisser l'accès possible au plus grand nombre. Le message ne doit comporter qu'une seule question.»
De plus, derrière le guichet se cachent d'humbles bibliothécaires : nous ne sommes pas spécialistes du sujet qui vous intéresse et notre temps de réponse (et donc de recherche) est limité. Nous ne pouvons donc pas répondre en détail à vos cinq questions, mais nous vous fournirons des éléments de compréhension, une bibliographie et des pistes de recherche qui vous permettront, nous l’espérons, de répondre en partie à votre soif de connaissances sur l’adduction et l’évacuation des eaux à Lugdunum.
Si à Rome l’organisation du service des eaux et l’alimentation de la ville au 1er siècle après J.-C. est bien connu grâce à un rapport demandé par le sénateur Sextus Julius Frontinus, il n’en est pas de même pour Lugdunum, où seuls les vestiges archéologiques témoignent de manière parcellaire de l’organisation mise en place pour l’alimentation et l’évacuation des eaux.
Jean Burdy, dans L'alimentation en eau de Lugdunum ( Les cahiers de Saint-Clair n°2, 2017, 67 p.), s’appuie régulièrement sur l’exemple romain. C’est le cas notamment dans le court chapitre consacré aux égouts (p. 61), où il s’intéresse au cloaca maxima de Rome :
«(…) Le problème [de l’élimination des eaux] s’est accru avec l’arrivée des aqueducs et les eaux de trop plein tombant continuellement des fontaines. Des égouts étaient de plus en plus nécessaires et tout un réseau de galeries hiérarchisées, secondaires et principales, pouvant aller jusqu’à de véritables collecteurs dallés de granite, s’est peu à peu développé. Maçonnées et voûtées, elles ont été installées progressivement sous le pavé des voies au fil du développement de l’urbanisme. Elles recevaient de l’extérieur les eaux des caniveaux par des dalles percées au beau milieu de la chaussée ou par des bouches en bordure des trottoirs, et par l’intérieur les exutoires des habitations riveraines qui étaient raccordées, par des conduites, les plus frustes en planches de bois, les plus élaborées avec radier de briques posées à plat ou sur chant, débouchant dans les galeries. Les abondantes eaux usées sortant des thermes servaient aux nettoyages et à la purge des égouts. (…)»
Voici ce qu’il écrit sur le cas lyonnais:
«A Lyon, outre les découvertes fortuites lors de travaux publics ou privés, et les explorations du sous-sol à partir de souterrains accessibles, les fouilles archéologiques ont repéré de nombreux égouts antiques. Pour ne citer que les mieux connus de Fourvière et de ses pentes, nous signalerons ceux des rues Roger-Radisson, Cléberg, de l’Antiquaille, Saint-Georges, et celui du Gourguillon, véritable cloaca maxima large et haute de près de 3 m, en très forte pente directement vers la Saône. Quelques tronçon d’égouts ont été relevés à la Croix-Rousse et dans la Presqu’île, entre autres rue Burdeau, aux Terreaux et à Ainay. Des latrines publiques ont été reconnues entre le théâtre et l’odéon, et dans le clos de l’Antiquaille, à quatorze places.»
Le document étant un ouvrage de vulgarisation, il reste assez général. Pour plus de détails, vous pouvez lire :
Chomer Claire, L’eau et son usage à Lugdunum, dans : Atlas topographique de Lugdunum. 1 : Lyon-Fourvière, Société archéologique de l’Est, 2018, p. 495-502. Elle s'intéresse à l'alimentation en eau de la ville et à sa distribution (eau aquifère, puits et aqueducs locaux ; eau pluviale, citernes domestiques ; eau conduite par les quatre aqueducs antiques ; réservoirs publics liés aux aqueducs et la distribution de l'eau), ainsi qu'à l'évacuation des eaux, voir p. 501-502 :
«Evacuation des eaux pluviales
A l’époque tibério-claudienne, dans les rues, a été observé un système d’évacuation dirigé vers le réseau d’égouts publics des eaux pluviales provenant de toitures. A l’angle de chaque parcelle, en avant du portique et recouvrant les caniveaux des rues, étaient installés des blocs-déversoirs en calcaire (…) Leur présence permet aussi de reconstituer des toits inclinés vers les rues, tandis qu’à l’intérieur des îlots, les toitures étaient dirigées vers les cours intérieures, évacuant les eaux pluviales dans les impluvia ou dans les canalisations privées.
2. L’évacuation des eaux usées, égouts domestiques et égouts publics
Les fouilles du XIXe siècle et du début XXe siècle ont souvent révélé la présence de voies dallées antiques et des égouts voûtés associés. Mais les descriptions sont, pour la plupart du temps, pauvres en détail et il est difficile de les replacer précisément. (…)
Aujourd’hui, les fouilles du Verbe Incarné et du pseudo-sanctuaire de Cybèle apportent un éclairage plus précis sur la mise en place de la voirie et sur le système d’évacuation des eaux usées qui lui est associé, ainsi que sur son lien avec les habitations qui la bordent. Si le réseau des eaux usées est encore difficile à appréhender dans sa globalité, une chronologie et une typologie des trames viaires de la ville haute de Fourvière dont l’objet d’une synthèse spécifique dans ce volume (…). Les opérations archéologiques de ces dernières années menées sur le plateau de la Sarra, dans le clos du Verbe Incarné et au pseudo-sanctuaire de Cybèle, ont permis de dresser une chronologie des systèmes d’évacuation des eaux usées associés à la mise en place de la voirie.(…)»
Les fontaines publiques sont abordées dans le chapitre "La distribution de l'eau" p. 501 :
L'aqua publica coule en permanence dans la rue par les bouches des fontaines ; elle alimente les établissements thermaux et draine les latrines (...).
Nous vous laissons venir à la bibliothèque prendre connaissance de l’intégralité du chapitre que nous ne pouvons retranscrire ici. Nous n'y avons pas trouvé d'information spécifique à l'évacuation des fontaines publiques ou des thermes.
Le volume 1 de l’atlas concerne uniquement le secteur de Fourvière, qui était le principal site d'occupation de Lugdunum. En attendant la parution du second volume, qui traitera de la ville basse, de la presqu'île et des quartiers fluviaux, vous lirez sans doute avec profit la contribution de Claire Chomer à la Carte archéologique de la Gaule, portant cette fois sur un secteur géographique plus large :
Chomer Claire, L’eau à Lyon et son usage dans l’antiquité, dans: Carte archéologique de la Gaule: Lyon, 69/2, 2007, p. 205-213
Compléments à lire en ligne (documents grand public) :
Hydraulique antique, par le Service archéologique de la Ville de Lyon
Dossier de presse de l’exposition Aqua, l’invention des romains au musée gallo-romain en 2018
Compléments à lire à la bibliothèque (liste non exhaustive) :
LAVRUT Didier, L'alimentation en eau de Lyon à l'époque romaine, Mémoire de maîtrise : Université Lyon 2, section histoire. 1983, 162 p.
CHOMER Claire, Les aménagements hydrauliques, dans Lugdunum, naissance d’une capitale, sous la direction d’Armand Desbat, 2005, p. 147-149
MASSON Jean-Pierre, Distribution de l’eau à Lyon, dans : Bulletin - Société d'histoire et d'archéologie de la plaine de l'Ain ; No 32, 2014, p. 10-16
Sur les aqueducs lyonnais :
Louis Jeancolas, Les Aqueducs antiques de Lyon... ; Sites, hors-série n°30, 1986, 104 p.
Jean Burdy, Les Aqueducs de Lugdunum, dans: Mémoires de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon ; TomeXLV, 1990, p. 56-57
Voir également les ouvrages et articles consacrés aux différents aqueducs : aqueduc du Gier, aqueduc de la Brévenne, aqueduc du Mont d’Or , aqueduc de l'Yzeron.
En bibliothèque universitaire :
Chomer (C.), Thirion (P.), L'eau dans la rue de la Fontaine au Clos du Verbe incarné. In : La rue dans l'Antiquité : définition, aménagement et devenir de l'Orient méditerranéen à la Gaule, Rennes, 2008 : p. 237-246, ouvrage consultable en bibliothèque universitaire à Lyon
Concernant l'alimentation de la ville de Lyon par les eaux du Rhône, il s'agit là d'une toute autre question et d'une autre période historique, la technique de l'aqueduc permettant uniquement d'exploiter des ressources en eau situées à une altitude supérieure à la zone desservie. Pour aller plus loin, vous pouvez lire :
JONAC Robert, Projets et tentatives pour l'alimentation en eau de Lyon, Les cahiers de Saint-Clair n°1, 2016
L'eau à Lyon, toute une histoire : l'histoire de l'alimentation en eau de Lyon, des Romains à nos jours sous la direction de Robert Jonac ; Patrimoine Aurhalpin, 2015
Si vous êtes passionné par l’histoire de la gestion de l’eau à Lyon, vous pouvez également entrer en contact avec l’association L’eau à Lyon et la pompe de Cornouailles, qui publie les Cahiers de Saint-Clair et organise des visites autour de l’eau à Lyon.