Le classement des romans dans les essais d'Howard Phillips Lovecraft.
Question d'origine :
Bonjour !
Howard Phillips Lovecraft dans ses essais sur la littérature classait les romans en trois catégories.Quelles sont-elles ? Quelles définitions en donnent-ils et comment les répartit-il ?
D'avance merci
Réponse du Guichet

L’œuvre d'Howard Phillips Lovecraft définie par lui-même comme étant de la weird fiction a été regroupée en trois catégories établies par August Derleth : 1- le mythe (ou cycle) de Cthulhu, 2- le monde du rêve (ou cycle onirique), 3- les contes et nouvelles (ou cycle de Nouvelle-Angleterre). Plus récemment, S.T. Joshi a reconsidéré cette catégorisation et a proposé : 1- les nouvelles dunsaniennes, 2- les nouvelles de Nouvelle-Angleterre, 3- les nouvelles du « mythe de Lovecraft ».
Bonjour,
L’œuvre d'Howard Phillips Lovecraft peut être définie comme étant de la weird fiction, sous-genre des littératures de l'imaginaire (Wikipédia) qui réunit des récits fantastiques, d'horreur et de science-fiction. Ce terme a été donné par Lovecraft lui-même pour désigner ses nouvelles.
Dans son mémoire de master, Réceptions et interprétations de l’œuvre de Lovecraft à travers ses adaptations, Rémi Deschamps précise que
la weird fiction est un terme qu’il popularise dans son essai Supernatural Horror in Literature et qu’il emploie pour décrire sa littérature d’horreur :
The true weird tale has something more than secret murder, bloody bones, or a
sheeted form clanking chains according to rule. A certain atmosphere of breathless and
unexplainable dread of outer, unknown forces must be present; and there must be a hint,
expressed with a seriousness and portentousness becoming its subject, of that mostterrible conception of the human brain—a malign and particular suspension or defeat of
those fixed laws of Nature which are our only safeguard against the assaults of chaos and
the daemons of unplumbed space.
L’œuvre d'H.P. Lovecraft est habituellement divisées en trois catégories mais, toujours dans son mémoire, Rémi Deschamps écrit que ce n'est pas Lovecraft qui aurait réparti ainsi ses romans mais August Derleth qui fut éditeur de l'écrivain :
Comme l’explique Christophe Thill , les maisons d’éditions publient presque systématiquement Lovecraft en reprenant les trois cycles définis par Derleth pour catégoriser les œuvres de Lovecraft. Premièrement, le mythe (ou cycle) de Cthulhu lié autour de la thématique des Grands Anciens. Deuxièmement, le monde du rêve (ou cycle onirique) écrit sous l’influence de Lord Dunsany. Troisièmement, les contes et nouvelles (ou cycle de Nouvelle-Angleterre) qui seraient « une catégorie fourre-tout permettant de caser les textes qui ne rentrent pas dans les deux précédentes » selon Christophe Thill.
Les maisons d'édition Robert Laffont, Mnémos et J'ai lu se sont basées sur ces catégories pour publier ses livres "probablement dans un souci de praticité tant les œuvres de Lovecraft sont hétéroclites, et ainsi donner une cohérence aux recueils qu'ils éditent..." Cependant, elles orientent sa réception " étant donné qu’elles sont composées par August Derleth qui avait pour objectif de modifier la réception de Lovecraft en inventant le mythe de Cthulhu" (Deschamps).
D'après la revue Bifrost n° 73 spécial H. P. Lovecraft, consultable sur Google livres, August Derleth qui n'avait jamais rencontré l'écrivain,
bien que n'étant pas l'exécuteur littéraire de Lovecraft (rôle dévolu à Robert H. Barlow), prend les choses en main avec Donald Wandrei, pour le meilleur (la publication des textes de Lovecraft en volume, enfin, qui aboutira progressivement à sa reconnaissance posthume et au culte que l'on sait), et pour le pire ( la dénaturation de l’œuvre et de la philosophie lovecraftiennes, avec le "Mythe de Cthulhu" copyrighté et sa cohorte de tâcherons, dont Derleth lui-même, notamment pour ses prétendues "collaborations posthumes", qui tentent de "faire du Lovecraft" à grands renforts de déités imprononçables et manichéennes et de livres maudits - phénomène déjà enclenché du vivant d'HPL, cependant, qui jouait volontiers le jeu des emprunts respectifs, mais cela dégénère vite). Le rôle de Derneth a été très vivement critiqué par les exégètes lovecraftiens à partir du milieu des années 1970, mais on peut malgré tout, dans un sens, voir une sorte de Max Brod pour Lovecraft...
A ce propos, si vous lisez l'anglais vous pouvez compléter vos lectures avec un article consultable sur Google livres, The Cthulhu Mythos de ST Joshi publié dans Icons of Horror and the Supernatural - An Encyclopedia of Our Worst Nightmares en 2006.
Pour ce même S.T. Joshi, expert de Howard Phillips Lovecraft,
les œuvres de Lovecraft se partageraient également en trois catégories :
Premièrement, « les nouvelles dunsaniennes » qui sont des nouvelles à l'ambiance onirique inspirées de Lord Dunsany que Lovecraft admirait beaucoup. On y trouve des nouvelles telles que Polaris et The Dream-Quest of Unknown Kadath généralement qualifiées de fantasy. Notons que les nouvelles dunsaniennes sont à peu près les mêmes que celles qualifiées de cycle des rêves par Derleth et de nombreuses maison d'édition, telles que Mnémos et Deux-rives par exemple. La différence réside dans l’approche plus littéraire de S.T. Joshi qui tente de comprendre les particularités littéraires des nouvelles plutôt que leurs thèmes. Ajoutons que les nouvelles dunsaniennes ont été écrites à des périodes qui chevauchent d’autres catégories des nouvelles de Lovecraft ce qui ne permet pas de leur appliquer un découpage parfaitement chronologique.
Deuxièmement, « les nouvelles de Nouvelle-Angleterre », c'est-à-dire les nouvelles de Lovecraft ayant pour cadre géographique la Nouvelle-Angleterre où vivait Lovecraft. On y trouve notamment des nouvelles comme The Hound ou Pickman's Model. Cette catégorie a le même nom chez Derleth et serait une catégorie fourre-tout selon Christophe Thill comme nous l’avions évoqué. Bien que qualifiant davantage les premiers récits de Lovecraft, se situant avant l'invention des Grands Anciens, à nouveau nous trouvons des nouvelles de Nouvelle-Angleterre tard dans les œuvres de Lovecraft ce qui contrarie la notion de cycle.
Troisièmement, la catégorie des nouvelles du « mythe de Lovecraft », c'est-à-dire les nouvelles où l’on retrouve la nouvelle Angleterre mais également des dieux pseudo-mythologiques d’un même panthéon appelés Great Old Ones dans The Call of Cthulhu. On y trouve également des livres intradiégétiques comme le Nécronomicon et le thème de l’indifférence cosmique (Deschamps).
Deschamps ajoute que
nous pouvons voir plusieurs différences entre la catégorisation de Joshi et celle des maisons d’éditions : il essaye de se fonder sur des critères plus littéraires en s'intéressant davantage aux genres et aux thèmes ; il n'essaye pas de définir des « cycles » (contrairement à Derleth) ; il tente également d'être plus objectif que les admirateurs du mythe de Cthulhu de Derleth en essayant de catégoriser l'entièreté de l'œuvre lovecraftienne et non uniquement quelques nouvelles. Toutefois, malgré ces différences et le discours négatif des experts envers les catégorisations de Derleth , on s'aperçoit que les experts de Lovecraft ont recours à une 44 catégorisation peu éloignée de celle de Derleth, apportant des précisions littéraires plutôt que discréditant totalement cette classification.
Et pour finir, si vous souhaitez approfondir vos connaissances sur H.P. Lovecraft, voici une sélection d'ouvrages sur l'auteur et son œuvre :
- Je suis Providence. 1 [Livre] : vie et oeuvre de H.P. Lovecraft / par S.T. Joshi, 2019
- Je suis Providence : vie et oeuvre de H.P. Lovecraft. 2 / par S.T. Joshi, 2019
- Le guide Lovecraft [Livre] / Christophe Thill, 2019
- H.P. Lovecraft [Revue]. (suivie de ) J.R.R. Tolkien, 2016
Bonne journée.
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