Qui sont vraiment les loups garous ?

Bonjour,

Qu'est-ce qu'un loup-garou ?

Le loup-garou se métamorphose les nuits de pleine lune et dévore ses proies avant de reprendre forme humaine aux premières lueurs de l'aube. Sa transformation préserve son intelligence tout en exacerbant ses sens. Agressif et cruel, seule une balle en argent bénite dans une chapelle de Saint Hubert peut l'anéantir. Preuve de sa double nature, son corps redevenu humain garde les stigmates de ses activités nocturnes. Dans le folklore d'Europe occidentale, cette tradition a pour origine le mythe de Lycaon ainsi que d'autres récits rapportant la métamorphose d'hommes ou de dieux en loup. [...]

Les sources principales sont : Ovide, Les métamorphoses, I, 163-261 ; Virgile, Bucoliques, VIII, 97 ; Pline l'Ancien, Histoire naturelle, VIII, 34, 81 ; Pétrone, Le Satiricon, LXII ; Saint Augustin, La Cité de Dieu ; la Saga d'Egil et la Saga des Völsungs ; Marie de France, Le Lai de Bisclavret ; Jean Bodin, De la démonomanie des sorciers.

source : Monstres, merveilles et créatures fantastiques / sous la direction de Martial Guédron

Quelles sont les origines de ce mythe ?

Claude Lecouteux explique que les origines du loup-garou sont triples : les textes classiques (Hérodote, Pline l'Ancien, Virgile, Ovide, Pétrone, Saint Augustin et Isidore de Séville), les traditions germaniques ancrées dans une conception particulière de l'âme : elle peut s'évader du corps et prendre la forme de n'importe quel animal. La troisième origine est plutôt populaire et "se rencontre dans de nombreux contes et légendes. Elle est centrée sur un motif connu de l'Antiquité classique : il faut se dévêtir pour que la transformation ait lieu. Entre 1160 et 1170, Marie de France s'en fait l'écho dans Le Bisclavret, précisant que si le loup ne retrouve pas ses habits, il ne peut redevenir homme."

Le lai de Marie de France

Aux XIIe et XIIIe siècles, quelques fables et plusieurs lais (récits brefs et versifiés) se plaisent à raconter des histoires de loups-garous, c'est-à-dire d'hommes ou de femmes changés en loups, se livrant à des activités sauvages et mortifères pendant la nuit - spécialement les nuits de pleine lune et celles qui suivent le solstice d'hiver - puis retrouvant leur nature humaine au petit matin. Le plus souvent, ces êtres devenus garous sont victimes d'un maléfice, circonstanciel ou héréditaire, ou bien ont été mordus par un autre garou. Toutefois, dans certains cas, la transformation est voulue et liée à des projets démoniaques. Elle peut être totale ou partielle, mais l'homme dont le corps est devenu celui d'un loup reste souvent dépourvu de queue.

Le lai le plus célèbre contenant une telle métamorphose a été composé dans les années 1160-1170 par un auteur dont nous ne savons à peu près rien sinon qu'il s'agit d'une femme de haut rang, d'origine française mais vivant en Angleterre, et à qui l'on doit douze lais et un recueil de fables imitées de celles d'Esope : Marie de France. Son lai Bisclavret conte l'histoire d'un seigneur qui chaque semaine disparaît mystérieusement pendant trois nuits successives. Interrogé par sa femme, il finit par lui révéler qu'il est garou : lorsqu'il ôte ses vêtements qu'il cache soigneusement, il se transforme en loup et mène une vie sauvage ; en se rhabillant, il reprend forme humaine. Séduite par un jeune écuyer, la femme décide de se débarrasser de son mari et change la cachette de ses vêtements ; Bisclavret est ainsi condamné à rester loup et à errer dans la forêt. Au  bout d'un an, il est capturé par des chasseurs et conduit auprès d'un roi devant lequel il s'incline respectueusement : c'était son ancien suzerain. Intrigué par ce comportement, le roi décide garder l'animal à sa cour où il devient l'ami de tous. Quelque temps plus tard, sa femme et son jeune amant viennent rendre visite au roi. Le loup se jette sur eux, arrache le nez de sa femme, et montre au couple tant d'hostilité que le roi finit par les interroger. Menacés de torture, ils avouent leur méfait et rendent ses vêtements à Bisclavret, lequel retrouve aussitôt sa forme humaine. Le couple adultère est exilé, se marie et donne naissance à des enfants sans nez.

Marie de France ne nous dit pas pourquoi Bisclavret devient garou plusieurs nuits par semaine, ni pourquoi il n'est pas malfaisant comme le sont habituellement tous les loups de son espèce. Un loup-garou est toujours une créature infernale.

source : Le loup [Livre] : une histoire culturelle / Michel Pastoureau

Le dossier de Sciences fiction magazine intitulé Loups-Garous propose une filmographie très fournie et des articles assez complets sur les loups-garous. Plusieurs précisions sont apportées quant à la description d'un loup-garou, les causes de cette métamorphose, les lunaisons, etc. :

Description

D'une taille impressionnante, le loup-garou a des pattes massives. De physionomie hybride, il conserve sa démarche humaine et court comme nous tous. Sa tête, souvent trop grosse, présente des aspects parfois léonins. Ses yeux phosphorescents sont de couleur sang ou quelquefois verts, à la différence des vrais loups qui les ont jaunes. Sa grande mâchoire écumante cache des crocs acérés. D'une puissance et d'une rapidité énormes, c'est l'incarnation de la force brutale.

Mentalement, il est versé dans la férocité et la sexualité violente. Il hante les cimetières pour se repaître de cadavres, surtout en février. Solitaire et mélancolique, il préfère la nuit. Mais il ne faut pas s'y fier : c'est un être sournois, rusé, sans scrupule, rapace, cruel et sadique. Redevenu humain, il a tout oublié de son aventure nocturne.

A savoir qu'une blessure infligée au lycanthrope sous sa forme lupine laisse une empreinte de la mutilation lorsqu'il redevient homme.

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Comment devenir un loup-garou ?

Il existe plusieurs possibilités.

Suite à la morsure par un autre loup-garou, c'est la plus courante.

Par sorcellerie, on peut se fabriquer un onguent à base d'alcaloïdes psychotoniques hallucinogènes, de saindoux, de térébenthine et d'huile d'olive. Pour les réticents aux onguents, cette recette existe sous forme de potion.

Par objet magique, il est possible de revêtir une peau ou une ceinture magique en peau de loup. Tout ceci accompagné d'incantations dans un cercle magique.

Suite à une malédiction, elle peut être d'origine démoniaque ou d'une sorcière, elle découle d'une vengeance ou d'une possession diabolique.

Par des illusions créées par le Diable, soit il revêt le lycanthrope dans un air épais en forme de peau, ou bien il joue sur le mental de celui-ci et de ses victimes en créant des hallucinations.

La dernière possibilité étant par transmission génétique.

 

Concernant les lunaisons

Cette tradition du lycanthrope se transformant pendant la pleine lune vient d'Angleterre, puis d'Auvergne (1210). On reconnaît actuellement l'influence lunaire sur nos humeurs et physiologie. Jadis, les hommes utilisaient des chiens sauvages ou chiens-loups pour la chasse. Pendant la pleine-lune, ceux-ci devenaient agités, fébriles, tournaient en rond et hurlaient à la lune. Dans la mythologie classique, la lune est associée à la déesse chasseresse et magicienne (Diane pour les Romains, Artémis pour les Grecs ou Ishtar pour les Babyloniens).

 

Loup et sorcellerie

[...] En Gascogne, les sorciers loups-garous sont des guérisseurs inférieurs. Ils portent une peau de loup. pour se nourrir, ils lèchent les auges des basses-cours. Afin de les délivrer de leur sort (mais seulement pour neuf années), il faut leur administrer un coup de couteau. Une variante au pays de Marsan : tous les sept ans, le sorcier dépose sa peau de loup et quiconque la touche, endosse le sort à son tour !

Dans ce même article que nous vous invitons à venir consulter, les procès de Gilles Garnier, Jacques Rollet et Jean Grenier sont présentés.

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, il y a fort peu de contes de loups-garous ; en revanche, les "légendes" sont nombreuses. La plupart des témoignages sont en fait des mémorats fixant le souvenir d'un fait. [Ces récits] reflètent les croyances et les peurs de nos ancêtres, les procès de loups garous en sont une preuve.

Dès lors qu'on regroupe leurs informations, ces textes nous livrent mille renseignements sur les loups-garous. Ils nous apprennent comment on en devient un et, notamment, comment on retrouve sa forme humaine, comment les combattre ou les délivrer de leur état, par exemple en brûlant leur peau ou en les appelant par leur nom de baptême. Comme nous sommes confrontés à une tradition extrêmement vivante, les motifs principaux varient selon les lieux. Si l'utilisation d'une balle bénite est un moyen usuel de tuer le monstre, ça et là est précisé qu'il faut auparavant avoir mordu ladite balle. Chacun sait qu'il faut provoquer une effusion de sang pour que le garou reprenne son aspect premier [en Normandie, il fallait porter trois coups de couteau sur le front, entre les yeux du garou et faire couler le sang ; si l'on se trompait, sa délivrance était repoussée de sept ans], et les moyens employés vont des armes blanches aux instruments agricoles tels que faux, serpe ou fourche.

source : Elle courait le garou [Livre] : lycanthropes, hommes-ours, hommes-tigres : une anthologie ; textes réunis, présentés et annotés par Claude Lecouteux

Dans cet ouvrage, dont nous vous recommandons la lecture, vous trouverez une anthologie de textes regroupant les témoignages les plus importants nous apprenant comment on devient garou, à quoi on les reconnaît, comment on s'en débarrasse ou comment ils échappent à leur état.

Nous vous proposons quelques contes où des loups-garous apparaissent :

- 16 contes de loups / Brigitte Coppin

- Contes de la pleine lune : créatures fantastiques, dragons & loups-garous / Dominique Camus

- Histoires et légendes de loups-garous en Bretagne / Julie Trévily

Nous vous recommandons également la lecture de ces documents pour aller plus loin :

- Loup-garou, qui es-tu ? / Adam Douglas

- Loups-garous, vampires et autres monstres : enquêtes médicales et littéraires / Jean Goens

- Loups-garous : les fils de la Lune / Simonetta Santamaria et Luigi Boccia

Quelques références de documents (thèses et articles) à lire en ligne :

- Les représentations du loup garou de l’Antiquité à nos jours Une étude au long cours d’un mythe qui se recharge au fil du temps / Julie TREVILY

- La Gueule et la Peau : le loup-garou médiéval en France et en Europe / Quentin Vincenot

- Joisten Charles, Chanaud Robert, Joisten Alice. Les loups-garous en Savoie et Dauphiné. In: Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d'ethnologie, n°1-4/1992. Êtres fantastiques dans les Alpes. Recueil d'études et de documents en mémoire de Charles Joisten (1936-1981) pp. 17-182

- Orobitg-Laval Christine. Le loup-garou en Galice. In: Des Monstres... Actes du Colloque de Mai 1993 à Fontenay aux Roses.

- Les Loups-Garous, la Légende / Mindshadow

Bonne journée.