Que peut-on dire du nationalisme culturel au XIXème siècle?
Question d'origine :
Que peut-on dire du nationalisme culturel au 19èeme siècle?
Question d'origine :
Que dire du nationalisme culturel et du lien entre folklore et nationalisme au 19ème?
Réponse du Guichet
Le XIXe siècle, marqué par des progrès scientifiques et techniques favorisant le développement économique et l'amélioration des conditions de vie des européens est aussi le siècle de la montée des nationalismes.
On voit émerger une culture de masse favorisée par le développement de l'instruction scolaire, de la presse, de l'imprimerie, des moyens de transport et de circulation des personnes ainsi que du service militaire. Les idées se diffusent vite et participent à créer ce sentiment national et républicain qui va ensuite se muer en sentiment nationaliste.
C'est en réaction à l'émergence de cette culture nationale, se résumant souvent à l'adoption de modèles urbains, que l'idéologie régionaliste va naître et le folklorisme se répandre.
Bonjour,
Comme l'indiquent Serge Berstein et Pierre Milza dans Histoire de l'Europe contemporaine, "les transformations économiques et sociales que connaît l'Europe dans la seconde moitié du XIXe siècle n'ont pas seulement modifié le cadre et les conditions de vie de ses habitants. Elles ont entraîné de profonds bouleversements d'ordre politique, intellectuel, religieux et culturel." Dans un chapitre intitulé "Les cultures européennes entre nationalisme et cosmopolitisme" les historiens expliquent en quoi les idées nationalistes transparaissent dans la littérature, les arts plastiques, la musique... Quelques extraits :
"La littérature "fin de siècle" et celle de la décennie qui précède immédiatement la guerre portent témoignage du bouleversement des esprits et de la volonté de renouvellement qui accompagnent la grande mutation de l'ère "impéraliste". Dans les grandes nations industrielles qui s'affrontent sur le champ international, particulièrement en France, en Allemagne, en Angleterre, en Italie, en Autriche, la plupart des genres littéraires - romans, théâtre, poésie, etc. - subissent de plein fouet la vague nationaliste. Des écrivains, qui jusqu'alors se situaient plutôt dans la mouvance de l'art pour l'art et du "décadentisme" raffiné, ou dans celle de l'humanisme pacifiste et socialisant - à la manière d'un Péguy -, passent avec armes et bagages dans le camp des chantres de la Nation. Comme Maurice Barrès, qui est passé sans grande transition du "Culte du moi" (la trilogie est publiée entre 1888 et 1891) au "Roman de l'énergie nationale" et aux "Bastions de l'Est", Gabriele D'Annunzio incarne toute l'évolution d'une génération qui en moins de quinze ans, a troqué son esthétisme décadent pour des formes d'exaltation de soi plus viriles et moins contemplatives. A la différence d'autres intellectuels italiens, les Oriani, Corradini, Prezzolini et autres Papini, pour lesquels l'adhésion aux certitudes nationalistes est le fruit d'une conversion idéologique, celle du poète des Elégies romaines traduit essentiellement un choix volontariste, destiné à affirmer une personnlité qui se veut unique. Grand admirateur de Nietzsche, dont il déforme d'ailleurs passablement le message, héros mondain doté d'une bonne dose d'exhibitionnisme, D'Annunzio voit avant tout dans l'aventure nationaliste, comme plus tard dans la guerre et dans l'entreprise de Fiume, la possibilité de vivre un grand destin. En lui, comme chez beaucoup d'autres intellectuels de sa génération (il est né en 1863) et de la génération suivante, fleurit un romantisme aristocratique qui n'est pas sans rappeler celui de la décennie 1820-1830. [...]
Le début du XXe siècle est ainsi marqué par le foisonnement des écoles et par une extrême diversité des modes d'expression. D'un côté on observe l'épanouissement d'écoles proprement nationales. L'expressionnisme est à cette date à peu près exclusivement allemand comme l'impressionnisme a été une spécificité française. La musique russe se construit autour du "groupe des cinq" (Balakhirev, César Cui, Moussorgski, Rimski-Korsakov, Borodine) et se définit par réaction contre les modèles occidentaux, tandis que se constitue une école musicale proprement hongroise avec bela Bartok, tchèque avec Smetana et Dvorak, espagnole avec Manuel de Falla, voire typiquement française avec Edouard Lalo, Saint-Saëns et Fauré. Né du traumatisme provoqué par la défaite devant les Etats-Unis, le "mouvement de 98" est le fait des seuls intellectuels espagnols, tandis que le futurisme est essentiellement italien et russe. On pourrait multiplier les exemples.
Nous vous invitons à consulter dans son intégralité le chapitre 8 intitulé "Cultures nationales ou culture européenne ?" et le chapitre 10 " Le temps des nationalismes. La France de 1871 à 1914" de l'ouvrage de Jean-Claude Caron et Michel Vernus : L'Europe au 19e siècle [Livre] : des nations aux nationalismes, 1815-1914. Voici quelques extraits expliquant en quoi le nationalisme a été à l'origine d'une riche production culturelle :
l’Europe du 19 siècle vit à l’heure des cultures nationales. Chaque État organise son système scolaire, sa recherche scientifique, sa production du livre ou des arts... Il est donc légitime de parler, d’un point de vue, d’une culture européenne au singulier si l’on privilégie les grandes évolutions et mutations communes, mais également de cultures européennes au pluriel si au contraire le regard s’attarde sur les diversités et les spécificités propres à chaque pays, résultats de longues histoires.
La période est d’une fécondité extraordinaire, productrice d’une profusion incomparable marquée au sceau d’un incessant renouvellement.
La production des arts n’a d’égale que la production et le renouvellement scientifique du temps. La montée du nationalisme n’y est pas pour rien. En effet, celui-ci a été l’un des grands moteurs du dynamisme culturel dont témoigne alors toute l’Europe.• Tout d’abord les grands États constitués – républiques, monarchies parlementaires ou absolutistes – découvrent dans les productions artistiques et intellectuelles un moyen de magnifier leur propre régime. Besoin de prestige et utilitarisme, joints à une prudente et inégale volonté de vulgarisation des connaissances qui est dans l’air du temps, autant d’éléments qui se conjuguent désormais pour faire entrer de plain-pied la culture dans le domaine des préoccupations des gouvernements.
• Par ailleurs, la culture (notamment la poésie, la littérature, la musique, l’histoire...) n’a cessé au cours de la période, d’offrir des références recherchées aux communautés qui n’avaient pas jusque-là d’État à elles et qui aspiraient à s’en donner un. Ces communautés se sont efforcées de découvrir leurs racines culturelles, y trouvant la justification de leurs pressantes revendications nationales.
Le fait culturel devient donc un phénomène central. L’économie a besoin d’une « culture unifiée » (Ernest Gellner y voit la racine profonde du nationalisme), la culture a besoin de l’État, et l’État a besoin de la culture.
La production artistique est de plus en plus subventionnée sur fonds publics, l’intervention de l’État tend ainsi à remplacer ou à suppléer le mécénat privé.L’alphabétisation est devenue une affaire de gouvernement
L’école est un instrument de contrôle sur les masses, un des lieux où se fortifie l’identité nationale. Elle offre les possibilités d’une certaine centralisation de la nationalisation en profondeur de la société. L’État y diffuse l’amour de la patrie et une préparation morale au devoir militaire. Les besoins de l’essor économique engagent les gouvernements à mettre en place une législation scolaire, et des ministères de l’Instruction publique sont créés. [...]Les grandes aires linguistiques et littéraires
Les espaces culturels et linguistiques ne coïncident pas forcément avec les frontières politiques. Ainsi, le rayonnement culturel français a eu à l’époque des Lumières une extension européenne. Puis, progressivement, les nationalismes littéraire et linguistique font reculer au 19 siècle cette influence française. Désormais les peuples donnent la primauté à leur littérature nationale. Toutefois, en dépit de ce recul, les auteurs français continuent à être lus, et l’influence française reste forte en Europe orientale (Pologne, Russie, Balkans). [...]Phénomène significatif, dans les pays d’Europe occidentale, l’histoire littéraire se construit et se développe alors dans une perspective de recherche de l’identité nationale. En Allemagne, et ceci est fort compréhensible dans ce pays où l’unité a d’abord été culturelle, l’histoire de la littérature est particulièrement riche. Elle s’est efforcée, avant comme après la fondation du Reich, de saisir l’originalité allemande par rapport aux littératures française et italienne. Certains, comme Adolf Bartels, cherchent l’originalité littéraire germanique dans la race et l’instinct populaire. Mais en France et en Italie, l’histoire littéraire se développe également sous le signe du nationalisme. En Italie, dans son Historia della litteratura italiana, Francesco de Sanctis insiste sur la continuité et s’efforce de suivre le processus de formation d’une tradition nationale dans la littérature italienne.
En France, c’est plutôt dans le classicisme des grands auteurs de la Renaissance aux Lumières (de Ronsard à Voltaire, en passant par Corneille et Racine) qu’elle dit rencontrer le génie national. En Angleterre, l’histoire littéraire s’est constituée tardivement, à la fin du 19 siècle, comme si la construction de l’empire colonial avait absorbé toute l’attention et détourné la curiosité de cette question ; de plus l’identité nationale, à la différence de l’Allemagne, y allait de soi.
Les livres et les journaux offrent aux populations qui cherchent à retrouver leurs racines nationales les instruments d’une homogénéité culturelle et linguistique renforcée. [...]Les progrès techniques de production du livre (mise au point de la rotative au milieu du siècle, utilisation du papier cellulosique à partir de 1840), la baisse du prix en même temps qu’une certaine hausse du pouvoir d’achat, ajoutées à l’alphabétisation, font entrer le livre dans un processus d’industrialisation et de massification : une mutation décisive dans l’histoire du livre qui a ses conséquences culturelles. Cet âge est celui d’une production massive pour une consommation elle-même massive. [...]
La langue française et la culture française exercent toujours leur rayonnement international mais sont en recul. L’anglais gagne du terrain, les langues nationales dressent leurs barrières, bref la culture française se heurte à la concurrence des nationalismes culturels des autres pays. La France reste cependant un pays de culture.
Dans Histoire culturelle de la France au XIXe siècle, Jean-Claude Yon présente le contexte et les raisons de l'émergence d'une culture nationaliste en France. Il précise aussi qu'en réaction à cette culture de masse, née d'une diffusion de la culture urbaine à l'ensemble du territoire, émerge une idéologie régionalisme qui s'exprime à travers le folklorisme :
De la fin des années 1880 à 1914, l’école primaire continue à être pour les républicains un instrument de socialisation politique et de construction d’un nationalisme culturel. Il s’agit de montrer que les enfants, avant d’appartenir à leur famille, sont des individus appartenant à la société et auxquels l’État garantit, entre autres, le droit à l’instruction. L'effort scolaire est indissociable de la pratique du suffrage universel, l’école étant le fondement de la démocratie. Les grandes lois scolaires des années 1880 ont du reste été insérées dans un programme plus vaste : liberté de réunion (1881), liberté de la presse (1881), loi sur les syndicats (1884), lois municipales (1884), etc. L'application de cette nouvelle législation se traduit par une augmentation du nombre d’enfants scolarisés : de 5 500 000 en 1887, on passe en 1900 à plus de 6 300 000 élèves en maternelle et dans le primaire, soit presque l’ensemble des classes d’âge concernées. L'alphabétisation progresse au point que le taux d’analphabétisme n’est plus que de 4 % en 1911. [...]
À l’instar des autres sciences, l’histoire poursuit sa professionnalisation. La discipline est dominée par Ernest Lavisse qui initie deux grandes entreprises éditoriales : l’Histoire générale du IVe siècle à nos jours (1890-1901, 12 volumes) avec Alfred Rambaud et l’Histoire de France (1900-1911, 18 volumes), complétée à partir de 1920. Ce dernier ouvrage, monumental, adopte la forme du récit sans note, agrémenté de portraits physiques et moraux des grandes figures : toute l’histoire de la nation aboutit à la Révolution et à l’instauration de la République tandis que le Tableau de la géographie de la France de Vidal de la Blache placé en ouverture présuppose l’existence d’une France éternelle. Par ailleurs, la discipline historique connaît diverses réformes. [...]
La Belle Époque voit la coexistence de plusieurs cultures. La culture de masse qui se met en place et dont on reparlera au chapitre 9 est avant tout une culture urbaine : la modernité vient de la ville. Le fait n’a rien d’original par rapport aux époques antérieures mais il prend une ampleur inédite. Alors que la foule devient un sujet de réflexion, voire d’angoisse, et que l’hygiène est une préoccupation importante (Paris se dote du tout-à- l’égout à partir de 1860, imité par les autres grands centres urbains), la ville apparaît comme le lieu de toutes les expériences, de toutes les innovations. Là s’élabore une nouvelle culture. Paris, qui prend le surnom de « Ville lumière » (notamment après les illuminations électriques de l’Exposition de 1889), est un modèle pour toutes les autres villes de France et ce n’est pas céder à un tropisme parisien que de centrer notre étude sur la capitale.
[...]
Cette culture urbaine se diffuse dans toute la France par divers biais, en particulier la presse. L'école participe de ce mouvement en imposant une culture nationale, ainsi que l’usage du français contre celui des patois (même si les instituteurs leur ont été moins hostiles qu’on ne l’a souvent dit). Les cartes de France accrochées aux murs de toutes les salles de classes sont comme « le corps glorieux de la patrie » (Anne-Marie Thiesse). Le service militaire joue aussi un rôle intégrateur, de même que le développement de l’encadrement administratif. En 1891, pour faciliter l’activité des chemins de fer, l’horaire de Paris est imposé à tout le pays. Dans les campagnes, l’époque du Second Empire a été fatale au colportage, victime certes de la répression impériale mais aussi des progrès conjoints des transports et de l’instruction, ainsi que de l’attraction exercée par la culture populaire citadine. La Commission de surveillance instituée en novembre 1852 s’est montrée très sévère : huit millions de publications ont été interdites sur les neuf millions examinées. De 1848 à 1869, la production annuelle passe de neuf à deux millions de livres et le nombre des colporteurs de 3 000 à 500. Les éditeurs spécialisés font faillite ou se reconvertissent. L'abécédaire s’efface devant le manuel scolaire et les almanachs, certes toujours lus dans les campagnes, voient leurs tirages
baisser. À la Belle Époque, le colporteur n’est plus qu’une figure d’autrefois.[...]
En réaction à cette diffusion de la culture urbaine, se développe, vers 1900, une idéologie régionaliste, le mot « région » étant emprunté au vocabulaire de la géographie pour remplacer le mot « province » jugé péjoratif. On réclame la décentralisation culturelle, notamment par le biais de la revue "La Province", fondée au Havre en 1900. Une littérature régionaliste se développe. "Jacquou le Croquant" (1899) d’Eugène Le Roy décrit ainsi le sort des paysans du bas Périgord au début du XIXe siècle tandis que "La Guerre des boutons" (1912) de Louis Pergaud raconte la rivalité qui oppose les enfants de deux villages. Ce régionalisme littéraire – qui se double d’un régionalisme politique, souvent proche de l’Action française et qui reprend une hostilité contre-révolutionnaire au découpage départemental – s’insère dans un mouvement plus général, le folklorisme, qui touche toute l’Europe (le premier congrès international des traditions populaires est organisé à Paris en 1889). Apparu en 1846 en Angleterre, le terme « folklore » n’est utilisé en France qu’à partir de 1877 mais la collecte de chants ou de contes populaires avait été entreprise bien avant, en lien avec les aspirations romantiques déjà évoquées. Dans le musée ethnographique du Trocadéro, une « salle de France » est ouverte en 1888. Deux ans plus tôt, Paul Sébillot a fondé la Société des traditions populaires pour sauvegarder usages coutumiers et objets usuels en passe d’être abandonnés. Plus nationaliste est la Société d’ethnographie nationale et d’art populaire, fondée en 1895 et nettement hostile à la société moderne. Il en va de même de « La Renaissance provinciale », « société d’études et de vulgarisation des costumes et des arts provinciaux ». Le Museon Alarten est fondé en Arles en 1896. On commence à organiser des fêtes folkloriques, comme le « Pardon des Ajoncs » à Pont-Aven en 1905, à l’initiative du chansonnier Théodore Botrel, l’auteur de la célèbre Paimpolaise (1896) qui fait carrière en se présentant au public habillé en barde breton. Le costume est en effet un élément essentiel du folklorisme. Mais ne nous y trompons pas : c’est bien parce que les costumes régionaux disparaissent devant l’uniformisation de l’habillement que, dès la première moitié du siècle, on les reproduit et on les collectionne comme traces d’un passé perçu comme pittoresque et très ancien. Des costumes sont exhibés lors des Expositions universelles. « C'est à Paris que les coiffes prennent un sens provincial » (Jocelyne George). La publicité en fait un élément pour vanter l’authenticité de tel ou tel produit (beurre normand, biscuits bretons). La littérature utilise aussi les « types » régionaux : Alphonse Daudet met en scène les méridionaux dans ses Lettres de mon moulin (1866) et dans la trilogie de Tartarin de Tarascon (1872-1890). Pour l’Alsace, les dessins de Hansi (pseudonyme de Jean-Jacques Waltz) imposent à partir de 1898 des stéréotypes (Alsaciennes avec coiffes, maisons à colombage, cigognes) que la Revanche charge de patriotisme. [...]
.. la diversité régionale de la France peut aussi bien, de façon contradictoire, être revendiquée par l’idéologie régionaliste que servir à montrer la richesse d’une nation qui se flatte de résumer en elle tous les paysages européens. [...]
Outre la culture urbaine qui se diffuse sur tout le territoire et les cultures régionales que certains cherchent à lui opposer, la France de la Belle Époque se caractérise par l’émergence d’une culture coloniale dont il n’est pas aisé de mesurer le poids. De 1870 à 1913, l’empire colonial français est multiplié par dix et représente désormais vingt fois la superficie de la métropole. Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire désignent la période qui précède la Première Guerre mondiale comme le « temps de l’imprégnation » durant lequel les Français sont « devenus coloniaux sans même le vouloir, sans même le savoir, sans même l’anticiper [...] coloniaux au sens identitaire, culturel et charnel ». Postulant une « omniprésence dans la société française de son domaine colonial », ils voient dans l’Exposition universelle de 1889 « le premier apogée de la culture coloniale en France ».
Aux diverses exhibitions présentées dans l’Exposition est associée la tenue d’un congrès colonial et l’année 1889 précède de peu la mise en place des piliers structurels du lobby colonial (Comité de l’Afrique française, Union coloniale, École coloniale créée en 1899). Pourtant, on ne peut pas parler d’un mouvement de masse avant 1914 et il est délicat d’apprécier la part de l’idéologie coloniale dans la culture de masse qui se met en place à la fin du XIXe siècle. Le lien entre cette idéologie et les principes républicains est, de même, une question qui doit être étudiée sans manichéisme. Quelle que soit la façon dont ces questions sont envisagées, il n’en demeure pas moins que la présence de thèmes coloniaux dans les différents secteurs de la vie culturelle de la Belle Époque doit être soulignée.
Pour préciser la nature du lien entre folklore et nationalisme, voici quelques documents qui pourront vous intéresser :
- BROMBERGER Christian, MEYER Mireille, « Cultures régionales en débat », Ethnologie française, 2003/3 (Vol. 33), p. 357-361.
- PASQUIER Romain, « Chapitre 1. Régionalisme et construction identitaire », dans : Le pouvoir régional. Mobilisations, décentralisation et gouvernance en France, sous la direction de PASQUIER Romain. Paris, Presses de Sciences Po, « Académique », 2012, p. 47-82
Enfin, un dernier extrait de l'ouvrage de Jean-Claude Caron et Michel Vernus : L'Europe au 19e siècle [Livre] : des nations aux nationalismes, 1815-1914 qui présente les trois niveaux culturels en présence à la veille de la seconde guerre mondiale :
Dans la société européenne, à la veille de la Première Guerre mondiale il est possible de distinguer trois niveaux culturels, avec des nuances selon les pays :
1. Les cultures traditionnelles surtout régionales, rurales et paysannes, qui ont tendance à s’affaiblir et qui sont progressivement menacées d’asphyxie. Elles restent vivantes dans les grandes masses paysannes mal alphabétisées de l’Europe méridionale et de l’Est. Dans les pays où l’évolution est plus avancée, cette condamnation à terme stimule la passion des recherches « folkloriques ».2. La culture « cultivée » des élites européennes, aristocratiques et bourgeoises. Les élites se sont élargies, il est vrai, mais elles restent très minoritaires. Leur culture est marquée par une dualité entre la culture officielle et la culture moderniste d’avant-garde, l’une et l’autre cependant sont transfrontalières.
3. Enfin, dans les villes où s’entassent les grandes foules s’élabore une nouvelle culture destinée à se développer largement, la culture de masse. Celle-ci progresse grâce à la production d’objets culturels produits en série et à bas prix, donc à grande diffusion : le livre populaire, les journaux à grands tirages en sont les modèles exemplaires ; grâce également à des pratiques nouvelles, telles les grandes liturgies du sport (le Tour de France qui inaugure la Grande Boucle en 1903, le football en Angleterre, les matchs de boxe, l’olympisme recréé) ; grâce enfin à des spectacles nouveaux, le café-concert, et surtout le cinéma qui a trouvé d’abord sa place dans les baraques de foires (1895)
Bonne journée