Je cherche des informations sur le pavage et l'entretien des pavés au Moyen-Age.
Question d'origine :
Bonjour
Avez vous des informations le nettoyage et le pavage des rues au Moyen-Âge ?
Quand les rues ont-elles commencés à être pavées et qui paya ce pavage (Consulat ou riverains) ?
Merci d'avance
Philippe Namour
Réponse du Guichet

Une proposition d'ouvrages sur les villes médiévales et leur gestion des rues.
Bonjour,
Afin de répondre au mieux à votre question, il est nécessaire de préciser que la période médiévale représente un temps très long, durant lequel les structures évoluent : empires, économies, mentalités, lieux d’habitation…Par ailleurs, les sources sont lacunaires pour certains siècles, et les historiens médiévistes ont un travail particulièrement délicat à mener. L’Histoire des villes médiévales s’inscrit ainsi dans cette double problématique de temps et de sources.
A l’époque médiévale (comprenons ici le bas Moyen-âge), les zones urbaines peuvent avoir différents statuts. Le consulat que vous évoquez est un mode de gouvernement qui régit ces territoires, avec des droits d’administration, notamment juridiques et fiscaux. Le terme de consulat indique ainsi «la capacité d’une communauté d’habitants à délibérer en commun au sein d’une assemblée», un privilège de gestion. Il est généralement utilisé pour le sud de la France et l’Italie. Ainsi de nombreuses villes françaises ont eu un consulat: Marseille, Arles, Montpellier, ou encore Lyon.
Le terme de consulat est proche d’autres formes communes de gestion, comme de la Jurade à Bordeaux , des Échevins dans le nord de la France, en Belgique… ou encore du Capitoulat à Toulouse.
L’historien belge, Henri Pirenne, publie un ouvrage en 1927, Les villes du Moyen-Age, dans lequel vous trouverez un chapitre dédié aux institutions urbaines médiévales. Cela vous permettra de faire le point sur les différentes formes de gestion évoquées ci-dessus.
Par ailleurs, Henri Pirenne signale dans ce même ouvrage qu’au-delà des organisations municipales diverses, les guildes de marchands jouent un rôle parfois important. «La prospérité du commerce était trop directement intéressée à la bonne organisation des villes pour que les confrères des gildes (ou guildes) ne soient pas spontanément chargés de pourvoir à leurs besoins les plus indispensables. Les châtelains n’avaient aucun motif de les empêcher de subvenir par leurs propres ressources à des nécessités dont l’urgence apparaissait avec évidence. Ils les laissèrent s’improviser, si l’on peut ainsi dire, en administrations communales officieuses. A Saint-Omer, un arrangement conclu entre le châtelain Wulfric Rabel (1072-1083) et la gilde permet à celle-ci de s’occuper des affaires de la bourgeoisie. Ainsi, sans posséder pour cela aucun titre légal, l’association marchande se consacre de sa propre initiative à l’installation et à l’aménagement de la ville naissante. Son initiative supplée à l’inertie des pouvoirs publics. On la voit consacrer une partie de ses revenus à la construction d’ouvrages de défense et à l’entretien des rues».
Plusieurs ouvrages sur les villes médiévales:
- La ville médiévale : Origines et triomphe de l'Europe urbaine, Thierry Dutour, Paris, O. Jacob, 2003
- La ville au Moyen Age en Occident : paysages, pouvoirs et conflits, Jacques Heers, Paris, Hachette, 2004
- Les villes du Moyen âge, Henri Pirenne, Paris, Nouveau monde Editions, 2017
Pour aller plus loin sur la notion de Consulat :
- Diffusion des consulats méridionaux et expansion du droit romain aux XIIème et XIIIème siècles, article d’André Gouron, Bibliothèque de l’Ecole nationale des Chartes, 1963
La rue est un élément urbain essentiel, quelle que soit la période historique. Concernant plus précisément la rue médiévale, il est impossible de donner une date globale à partir de laquelle se seraient développés dans toutes les villes l’entretien, le nettoyage et le pavage des rues. Chacune a eu son propre tempo. Si l’on sait que la ville de Paris a entamé le pavage de ses rues sous Philippe Auguste à la fin du XIIème siècle, il serait faux d’affirmer que toutes les villes ont suivi la même chronologie.
Voilà ce que nous dit Jacques Heers, sur la problématique des rues médiévales. Les puissants, princes et bourgeois, ont parfaitement conscience des lacunes d’entretien de ces espaces : «Avant toute autre chose, les conseillers, consuls, magistrats des communes, les princes eux-mêmes ou leurs officiers, et, dans l’exercice de leurs fonctions, les maîtres des rues, s’inquiétaient du mauvais état et, pour tout dire, de la saleté des rues. […] Le souci de préserver un certain décorum rejoignait alors celui d’assurer une hygiène suffisante. Il fallait, répétaient sans cesse les hommes bien intentionnés, interdire ces dépôts d’immondices, obliger les habitants à nettoyer devant chez eux au moins un jour par semaine, et, enfin, entreprise qui impliquait de lourds sacrifices financiers, faire paver les rues, à commencer par les principales, par celles qui souffraient davantage des passages des lourds charrois.» Suit un long développement que nous ne pouvons reproduire ici, mais que nous vous invitons à lire. L’auteur explique que pour une large zone géographique (Palerme, Bologne, Rome, Londres, et plus largement tout l’Occident médiéval), les édiles des villes ont mis en place des contraintes, afin d’obliger chacun à balayer devant sa porte. Ceci sous la forme d’ordonnances, de traités communaux, etc. Mais là encore, impossible de dresser une chronologie générale, française ou européenne.
Pour répondre plus précisément à votre question, un autre extrait de cet ouvrage nous renseigne: «Paver les rues exigeait évidemment d’autres moyens. Les communes ou les princes s’y sont certes employés, mais de façon inégale, placés souvent devant l’obligation de contraindre les habitants de prendre le dallage à leur charge. Dans tous les cas l’opération fut mal reçue: l’argent manquait et les travaux n’avançaient pas; les voisins souvent se plaignaient des nuisances […] De plus, dans les grandes artères transversales, les pavés ne résistaient pas longtemps aux passages incessants. […] Ces obstacles pesaient gravement sur des entreprises qui furent par force souvent ponctuelles, limitées d’abord à quelques parcours privilégiés, aux voies de prestige. […]
Dans nombre de cités, le produit des taxes sur tel ou tel produit de consommation courante ou des impôts perçus sur les bancs et les étaux des marchés était, pendant quelques temps, consacré au pavage des rues ou à sa réfection. Mais il fallait, pour réussir d’une manière tant soit peu cohérente, l’affirmation d’une commune bien assise, assurée de pouvoir exiger et sévir, ou, mieux encore, l’intervention du prince. Au total, les résultats furent incertains, en tous cas inégaux. La chronologie des travaux paraît si complexe qu’elle décourage toute tentative d’établir un tableau d’ensemble, même approximatif; toute étude de détail réserve immanquablement des surprises…»
L’auteur fait par ailleurs un court état des lieux de l’entretien de certaines villes dont celle d’Avignon, cité des Papes durant des décennies : des rues sans dallage, mal nivelées, lieux de dépotoir et de latrines publiques. En revanche, les villes italiennes sont bien mieux pourvues : enrichies par le négoce et les changes, leurs magistrats sont soucieux de veiller à la propreté de leurs rues. Vous pouvez suivre son analyse éclairante sur différentes villes de France et d’Europe.
L’ouvrage de Jean-Pierre Leguay, La rue au Moyen Age, édité en 1984, retient particulièrement notre attention. Il s’agit d’une grosse synthèse sur la rue médiévale, qui va envisager dans une première partie à la fois le dispositif de la voirie (plan, orientation, structure), mais aussi la pollution ainsi que l’évolution de cet urbanisme médiéval. Là encore il nous est précisé que les premiers travaux de voiries, et la prise en compte des problématiques des rues par les autorités seigneuriales et municipales, ne peuvent être datés de manière générale. Tout dépend des régions. Certaines ont parfois conservé des traditions antiques, en particulier dans le Midi, ce qui implique l’utilisation d’anciens réseaux de voies, d’aqueducs, mais pas nécessairement des rues pavées et entretenues.
L’auteur est plus précis sur la chronologie. Il nous explique que «l’emploi du pavé se généralise en France à l’époque de Saint Louis et que son usage est lié à de profonds changements au niveau des transports, du financement collectif et de l’exploitation des carrières.»
Concernant le financement des travaux de voirie à la fin du Moyen-âge (XIVème et XVème siècles), les sources sont plus abondantes, permettant ainsi de dégager deux systèmes classiques de financement, souvent employés conjointement. «Dans le premier cas, la municipalité prend à sa charge la totalité ou une partie des aménagements. L’argent est tantôt prélevé sur les recettes générales, sur les produits des octrois, des taxes sur le commerce du vin au détail (le billot, le commun, le dixième, le souquet) ou des tailles exceptionnelles (Bourges, Périgueux), tantôt tirés d’impôts spécialement conçus pour réparer les chaussées et les ponts. […] Les municipalités s’occupent seulement des grands axes, des places, des portes d’entrée dans les enceintes, des départs des chemins. […] Les particuliers, également sollicités, se chargent du reste, des rues secondaires, des ruelles intra-muros, des entrées des grandes propriétés, suivant un principe rappelé dans un texte poitevin de 1428: à Poitiers est de tout temps accoutumé que chacun paie le pavage en droit soi».
Nous vous engageons vivement à la lecture de cet ouvrage à la fois synthétique et dense. Il aborde par ailleurs longuement la question de l’assainissement urbain.
Sur les rues à la fin du moyen-âge, un article consultable en ligne :
- La rue : élément du paysage urbain et cadre de vie dans les grandes villes du Royaume de France et des grands fiefs aux XIV et XVème siècles, Jean-Pierre Leguay, Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public, 1980
Sur le pavage des rues de Paris, voici plusieurs articles également consultables en ligne:
- Une définition historique du mot Pavage, extraite du Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIème au XVIème siècle, page 55, rédigé par Eugène Viollet-le-Duc
- Mesurer et localiser le travail des artisans paveurs dans la ville: les dépenses de pavage du Domaine à Paris au XVesiècle, Léa Hermenault, dans Histoire urbaine 2015/2, pages 13 à 29
- Un court extrait des dossiers pédagogiques de la Bibliothèque Nationale de France, mentionnant le pavage des rues de Paris en 1296
Pour aller plus loin sur la gestion des impôts urbains à l’époque médiévale, nous vous recommandons l’ouvrage suivant :
La fiscalité des villes au Moyen Age (Occident méditerranéen), tome 4 : La gestion de l'impôt : méthodes, moyens, résultats, dir. Denis Menjot, Manuel Sanchez Martinez, Toulouse, Privat, 2005
Bonnes lectures !