Pourquoi une rue de Villeurbanne s'appelle-t-elle rue de La Poudrette ?
Question d'origine :
pourquoi une rue de Villeurbanne s'appelle rue de La Poudrette ?
Réponse du Guichet

La poudrette fait référence à un engrais pulvérulent à base de matières fécales déshydratées. Une usine était implantée dans ce quartier de Villeurbanne dès le milieu du XIXe siècle et lui laissé son nom.
Bonjour,
L'ouvrage intitulé Villeurbanne [Livre] : 27ème ville de France : histoire des rues, histoire des noms de Bruno Permezel et Marcel Avet apporte la réponse à votre question (page 203) :
Rue de la Poudrette
Tenant : rue Léon-Blum
Aboutissant : route de Genas, 303
Attesté en 1910
La dénomination ferait référence à l'engrais du même nom, constitué de vidanges desséchées et réduites en poudre.
Le tracé de la voie apparaît sur les cartes les plus anciennes. Lors de la séance extraordinaire du conseil municipal en date du 19/12/1877, la voie, alors chemin rural en limite de Vaulx-en-Velin, est l'objet d'un classement dans la vicinalité ordinaire. Elle est alors utilisée pour la desserte des terrains en culture qui la borde de chaque côté. De nombreuses plaintes font état d'un mauvais entretien. Entre le 7 et le 15/05/1910, un meeting aérien se déroule sur le site, malgré la présence d'une ferme au milieu des terres. Sollicité par Edouard Herriot, Jules Grandclément a donné son accord pour la manifestation, moyennant une ristourne de 9% sur le prix des entrées au profit du Bureau de bienfaisance de la commune. Pendant la durée du meeting, le nom de Poudrette est remplacé par celui de Lyon-Aviation.
Le livre intitulé Villeurbanne autrefois de Danielle Devinaz, Bernard Jadot revient sur cet évènement du meeting de la Poudrette et sur son changement temporaire de nom :
"La poudrette", puisque c'est de lui qu'il s'agit, n'est alors qu'un vaste champ au milieu duquel se tient une ferme. Le nom même de "poudrette" est lié à un engrais très employé autrefois provenant de la dessication en plein air de matières fécales. Cet engrais était fabriqué sur ce site où se trouvaient alors des terrains d'épandage et une petite unité de production. Le nom du produit est resté attaché au lieu de son origine.
On comprend, dans ces conditions, que les organisateurs de la manifestation aient souhaité trouver provisoirement un autre nom plus glorieux pour ce lieu de rencontre.
Avec l'accord de Jules Grandclément, alors maire de Villeurbanne, le terrain est devenu, 8 jours durant, le rendrez-vous de "Lyon-Aviation".
Pour en savoir plus sur la fabrication de la poudrette, nous vous invitons à consulter cette thèse de doctorat intitulée "La gestion des déjections humaines : un défi urbain. Le cas de la ville de Lyon, de la fin du 18e au début du 20e siècle" d'Emmanuel Adler dont voici quelques extraits :
10.2 La poudrette, engrais fécal sec
Mentionnée par des auteurs français dès le début du XVIe s., la poudrette connaît tout le XIXe et jusqu’à la fin de la première moitié du XXe s. un incontestable succès, en France comme à l’étranger. Malgré le handicap d’une volatilisation non négligeable de l’azote qui s’échappe ainsi des déjections sous forme gazeuse à l’atmosphère, conduisant à l’appauvrissement du pouvoir fertilisant, l’engrais fécal sec jouit d’une très grande notoriété et la fabrication de la poudrette prend au XIXe s. une ampleur considérable.
10.2.1 Bridet, premier brevet industriel (1797)
Si le mot poudrette, terme de jardinier, est présent dans le dictionnaire de Pierre Richelet de 1709, qui le nomme pulvis stercoreus, la notoriété de l’engrais fécal sec revient à un entrepreneur de Normandie, Bridet. Sans doute l’inventeur de la première formule commerciale d’engrais élaboré à partir de déjections humaines, Bridet est un cultivateur des environs de Vire qui connaît l’intérêt des poudrettes fabriquées sur la voirie de Caen depuis 1785 et à Rouen depuis en 1786. Bridet achète en 1787 le droit d’exploiter la voirie de Montfaucon, héritière du gibet déjà cité dans le roman Berte aux grands piés vers 1270. Le procédé, qui s’opère en trois étapes plus ou moins longues, permet d’obtenir un produit présentant peu de rapport avec la matière d’origine. [...]
A la fin du XIXe s., la fabrication de poudrette est un enjeu majeur pour les villes comme pour l’agriculture, et la compagnie Richer, qui traite sur le site de Bondy un flux quotidien de 1 200 m3 de vidanges, produit un flux de 250 000 hectolitres de poudrette par an. Témoignage actuel de ce passé flamboyant, en Province, nombreuses sont les zones industrielles ou rues nommées Poudrette, comme il en existe par exemple à Montauban, Meaux, Blois, Pavillons-sous-Bois, Vaulx-en-Velin ou Villeurbanne.
La création de l'usine de Villeurbanne daterait de 1842 :
L'usine de la Poudrette, fabrique d'engrais, très ancienne puisqu'elle remonte à 1842, et qui connut une belle période — le roi Louis-Philippe, lui-même, dit-on, en fut actionnaire — , et une société de construction de wagons-foudres qui s'était montée au lendemain de la guerre. La Société de soie artificielle du Sud-Est en acheta les terrains, ce qui lui fournit un premier élément.
source : Perret J. Dans la banlieue industrielle de Lyon : Vaulx-en-Velin. In: Les Études rhodaniennes, vol. 13, n°1, 1937. pp. 23-33.
Mais pour en savoir plus sur son histoire, vous pouvez vous rendre aux archives municipales de Villeurbanne ou aux archives départementales du Rhône.
Bonne journée.