Quelle est la différence entre les sciences sociales, humaines et les humanités ?
Question d'origine :
Quelle est la différence entre les sciences sociales, les sciences humaines et les humanités ?
J'ai l'impression qu'il s'agit toujours de la même chose : histoire + géographie + sociologie + psychologie ? Est-ce juste de purs synonymes ; des expressions qui changent suivant la même mais qui sont sont strictement synonymes ? Où y-t-il des nuances ?
Par ailleurs, le droit, l'économie, les lettres modernes et la gestion font-ils partis de ces groupes ? Est-ce des sciences sociales/humaines / des humanités ?
Bien à vous,
Réponse du Guichet
Les sciences humaines et sociales comprennent plusieurs disciplines dont la philosophie, la psychologie, la sociologie, l'histoire, l'anthropologie et l'archéologie, la démographie, l'économie, la philosophie, les sciences de l'éducation, les sciences de la religion et les sciences politiques. Cependant elles ne sont pas semblables car "la différence entre les sciences humaines et sociales ne porte pas sur la plus grande exactitude de l'une vis-à-vis de l'autre mais sur l'objet d'étude". En outre, "les dénominations des actuelles «sciences humaines et sociales» varient dans l'histoire et selon les pays, sans toujours recouvrir exactement les mêmes champs de recherche concernés".
Les sciences humaines et les humanités (études classiques, littéraires et philosophiques), peuvent être confondues car "on transforma les facultés des lettres en facultés des lettres et sciences humaines, dans le dessein d'y promouvoir l'enseignement d'une partie des sciences sociales (la psychologie et la sociologie), au voisinage des humanités littéraires."
Bonjour,
Avant d'entrer dans le détail des sciences sociales, des sciences humaines et des humanités, voyons comment Alain Rey définit le mot Science dans lequel sont inclues ces disciplines, dans le Dictionnaire culturel en langue française publié en 2005 :
III A 1 <v. 1265> Didact. et vieilli. Ensemble de connaissances ayant un objet déterminé et reconnu, et une méthode propre ; domaine du savoir (opposé, qui suppose une pratique).
...
2 Mod. <valeur précisée au déb. du XIXe s., mais certaines sciences sont nommées par le syntagme moderne dès le XVIIe ou le XVIIIe s. et même avant : sciences mathématiques, 1370 Oresme : le mot correspond alors au sens III, A, 1 ci-dessus> Ensemble de connaissances, d'études d'une valeur universelle, caractérisées par un objet et une méthode déterminés, et fondées sur des relations objectives vérifiables.
...
- Objet : Sciences mathématiques. Sciences physiques. - Sciences naturelles, sciences d'observation qui étudient les êtres vivants (science de la vie : biologie, etc.) et les corps dans la nature. - L'expression remplace histoire naturelle. - Vieilli. Sciences morales : les sciences de l'homme moral (I, 5) et social. - Mod. Sciences de l'homme, sciences humaines, qui étudient l'homme (ex. : anthropologie, psychologie, sociologie, linguistique). Sciences cognitives. - Sciences de la communication et de l'information.
...
"La réalité non philosophique ? La vie réelle ? N'est-ce pas justement ce dont s'occupent les sciences dites humaines ou sociales depuis plus d'un siècle [...] Sciences parcellaires, certes, elles fragmentent cette énorme réalité que la philosophie hors d'elle. C'est à ces savants qu'appartient le réel. C'est d'eux et de leurs démarches que peut sortir l'unité du réel et du rationnel, à travers la fragmentation."
Henri Lefebvre,
la Vie quotidienne dans le monde moderne, p. 46.
L'expression sciences humaines, au XVIIe et XVIIIe s., désigne, par opposition à la théologie et aux sciences de la nature, les sciences du raisonnement (logique), du langage, des valeurs (morale). De nos jours, le caractère scientifique des sciences de l'homme ou sciences sociales est fréquemment contesté.
Sciences sociales : ensemble des connaissances et des informations sur les groupes humains. - <1772> Science politique. Fam. Sciences po : études politiques. - Science économique : l'économie.
3 <1787> Les sciences (sans qualification) : les sciences (au sens 2) où le calcul, l'observation ont une grande part : mathématiques, astronomie, physique, chimie, sciences de la vie. les lettres et les sciences. Histoire des sciences. - Cet emploi antérieur à la généralisation des méthodes scientifiques, crée un flottement dans l'usage universitaire où certaines sciences, et notamment les sciences humaines et les sciences sociales (ci-dessus) sont parfois considérées comme appartenant aux "lettres", aux humanités (comme l'allemand Wissenschaft).
Quelles sont donc les différences entre ces dénominations ?
Comment le Dictionnaire des sciences humaines sous la direction de Sylvie Mesure, Patrick Savidan introduit-il les sciences humaines à l'entrée Sciences cognitives et sciences sociales ?
L'étiquette "sciences humaines" s'applique à un ensemble vaste et disparate de disciplines : psychologie, psychanalyse, psychiatrie, anthropologie, sociologie, économie, mais aussi droit, linguistique, démographie, archéologie, histoire, géographie. A première vue, ce qu'elles ont en commun, c'est leur objet. Comme leur nom semble l'indiquer, toutes sont censées s'intéresser à des phénomènes supposés spécifiquement ou typiquement "humains" : pensée, culture, langage, normes, règles, techniques, etc. Mais en réalité, cette caractérisation par l'objet est insuffisante. Le fait que ces disciplines s'occupent de phénomènes spécifiquement ou typiquement "humains" semble avoir des implications épistémologiques et méthodologiques tellement importantes qu'il faut les compter comme des caractéristiques essentielles de ces disciplines au même titre que leur objet. Il existe, en effet, dans les sciences humaines, la possibilité de proposer deux genres d'explication différents, par les causes et par les raisons. "X a écrasé Y au volant de sa voiture parcequ'il était sous l'effet d'un somnifère" est une explication par les causes, c'est-à-dire un compte rendu de relations brutes entre faits ou événements physiques, soutenu par des lois naturelles sans visée justificatrice. "X a écrasé Y au volant de sa voiture parce que c'était l'amant de sa femme" est une explication par les raisons, qui peut aussi servir de justification (contestable) de l'action. Pour certains philosophes, ces deux explications s'excluent mutuellement (Winch [1958] 1990 ; Wittgenstein [1946-1949] 2005). Pour d'autres, même si donner les raisons d'une conduite, c'est peut-être aussi donner ses causes, il reste que les enchaînements entre raisons ne sont pas comme des mécanismes causaux régis par des lois de la nature, mais des inférences gouvernées par des principes de cohérence ou de rationalité (Davidson [1982] 1993 ; Dokic, 2000 ; Engel, 1996). De façon générale, dans les sciences humaines, des modèles de type causal qui proposent des explications non intentionnelles, des lois universelles, des prédictions coexistent avec des modèles épistémologiques différents...
Plus simplement, Edmond Ortigues dans l'Encyclopédie Universalis, disponible en bibliothèque et/ou consultable en ligne par nos abonnés, réaffirme sa définition selon son évolution dans le temps :
L'expression « sciences humaines » est, en France, une façon usuelle de nommer les études de psychologie et de sociologie. Depuis la Seconde Guerre mondiale, elle a remplacé l'ancienne appellation de « sciences morales ». En 1942, l'ouvrage de Wilhelm Dilthey sur les sciences de l'esprit (Geisteswissenschaften) a été traduit en français sous le titre Introduction aux sciences humaines. Par un décret du 23 juillet 1958 (publié au Journal officiel du 27 juillet 1958), on transforma les facultés des lettres en facultés des lettres et sciences humaines, dans le dessein d'y promouvoir l'enseignement d'une partie des sciences sociales (la psychologie et la sociologie), au voisinage des humanités littéraires. Dans ce sens académique, passé dans l'usage, l'expression « sciences humaines » est une locution idiomatique typiquement française (l'anglais l'emploie parfois dans des contextes assez lâches, mais dit plus couramment social sciences).
Curieusement, ce gallicisme ne recouvre pas tout le champ des sciences de l'homme. Par exemple, il exclut l'histoire ; il inclut au moins partiellement certaines sciences naturelles telles que la psycho-physiologie, mais en exclut d'autres telles que l'anthropologie physique (dans ce cas, c'est, au contraire, le musée de l'Homme qui dépend administrativement du Muséum d'histoire naturelle). Cette formule est donc peu cohérente. Elle a l'inconvénient de ne pas préciser ce qui, en l'homme, relève des sciences positives, c'est-à-dire du recours à l'expérience.
Nous vous conseillons de regarder la carte mentale qui accompagne l'article. Celle-ci donne visuellement "le cheminement associatif de la pensée" (Wikipédia) lié à cette discipline et les autres dont les sciences sociales, sciences cognitives, philosophie, psychologie, politique...
Toujours dans l'Encyclopédie Universalis, dans un article critique observant les sciences sociales, Bernard-Pierre Lécuyer les présente ainsi :
Il convient de réserver le terme de « sciences sociales » – au sens de « sciences du comportement » – aux disciplines qui ont pour objet des opérations contrôlées et critiques d'exploration des faits humains collectifs dont la visée explicative est délibérément nomothétique, voire modélisante et systémique, à la rigueur structuraliste, mais R. Boudon a fait suffisamment justice du terme dont la polysémie dépasse le tolérable. Contrairement aux sciences dites humaines, les sciences proprement sociales s'attachent moins à la subjectivité inviolable et à l'histoire irréductible qu'à l'analyse la plus rigoureuse possible, mathématique si faire se peut, de processus identifiables et reproductibles dont les multiples combinaisons, généralement imprévues par les acteurs sociaux eux-mêmes mais parfaitement reconstructibles, donnent naissance à des types distincts, reconnaissables et analysables, sans réductionnisme aucun, de configurations sociales et de changement social.
Sur son site, l'Université Grenoble Alpes note ainsi la différence dans Sciences humaines et sociales :
La différence entre les sciences humaines et sociales ne porte pas sur la plus grande exactitude de l'une vis-à-vis de l'autre mais sur l'objet d'étude : les sciences sociales portent sur l'analyse de l'Homme, de son histoire, de son passé voire de son futur.
Dans son cours introduction aux sciences humaines et sociales en 1ère année de Licence de lettres et langue française à l'Université Frères Mentouri de Constantine, Atfa Memaï définit ainsi les sciences sociales et les sciences humaines :
Il existe un grand nombre de disciplines variées, aux méthodes, aux objectifs et modes de fonctionnements très différents, qui tendent toutes à une meilleure compréhension de la réalité humaine, et ce sont toutes ces disciplines qu’on appelle les sciences humaines et sociales.
La table des matières vous invitera peut-être à lire plus avant ce cours qui regroupe dans les sciences humaines et les sciences sociales, la philosophie, la psychologie, l'histoire, l'anthropologie et l'archéologie, la démographie, l"économie, la philosophie, les sciences de l'éducation, les sciences de la religion et les sciences politiques :
Chapitre 1 1. Qu’est ce que les sciences humaines et sociales ?..............................................................6
1.1 Définition......................................................................................................................... 6
1.2 Histoire et évolution........................................................................................................7
1.3 Caractéristiques..............................................................................................................8
1.4 Intérêts............................................................................................................................10
Chapitre 2 2. Quelles sont les disciplines des sciences humaines et sociales ? ......................................13
2.1 Philosophie....................................................................................................................13
2.2 Psychologie.........................................................................................................................13
2.3 Sociologie.....................................................................................................................14
2.4 Histoire, Anthropologie et Archéologie.....................................................................14
2.5 Démographie...............................................................................................................15
2.6 Économie......................................................................................................................15
2.7 Sciences de l’éducation……………………………………….………………………….16
2.8 Sciences du langage..................................................................................................16
2.9 Sciences des religions..................................................................................................17
2.10 Sciences politiques....................................................................................................17
Chapitre 3 3. Quelles sont les grandes questions en sciences humaines et sociales ?..........................20
Wikipédia indique que "les « sciences humaines » désignent en général les études de psychologie et de sociologie " et que
les sciences humaines et sociales (SHS) représentent un ensemble de disciplines étudiant divers aspects de la réalité humaine sur le plan de l'individu et sur le plan collectif, selon le système éducatif en France.
...
Les dénominations des actuelles « sciences humaines et sociales » varient dans l'histoire et selon les pays, sans toujours recouvrir exactement les mêmes champs de recherche concernés.
Champs
Philosophie
sociologie
science politique
ethnologie
anthropologie
sciences économiques et sociales
sciences de l'éducation
lettres
sciences humaines (en)
sciences sociales
linguistique
histoire
géographie
psychologie
musicologie
sciences humaines (en)
Quant aux humanités, en voici la définition du CNRTL :
A. − Formation scolaire où l'étude des langues et littératures latines et grecques, considérées comme particulièrement formatrices, est prépondérante. Dans tout le cours de ses humanités, Descartes fut un élève modèle (Valéry, Variété V, 1944, p. 212).
− En partic. , Classes, dans les collèges et les lycées, comprenant l'enseignement au-dessus de la grammaire jusqu'à la philosophie exclusivement, et dites aujourd'hui classes de lettres`` (Littré). C'est qu'autrefois, la classe chic des humanités françaises était la classe de rhétorique, la classe des élèves promus à un grand avenir et des professeurs en vue (Goncourt, Journal,1891, p. 94).
♦ Faire, finir ses humanités. Quand j'eus fini mes humanités, mon père me laissa sous la tutelle de Monsieur Lepître (Balzac, Lys, 1836, p. 16) :
- 5. ... ils tiennent M. Zola en petite estime littéraire et le renvoient à l'école parce qu'il n'a pas fait de bonnes humanités et que peut-être il n'écrit pas toujours parfaitement bien. Lemaitre, Contemp., 1885, p. 267.
B. − Contenu de cet enseignement. Après avoir étudié les humanités chez les Jésuites de Dijon (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 89). Dans cinquante ans, il n'y aurait plus en France d'humanités latines (Goncourt, Journal, 1887, p. 659).
− P. ext. [Dans d'autres domaines que dans les lang. et litt. class.] Humanités modernes et enseignements démocratiques ont été couplés comme deux termes corrélatifs (Thibaudet, Réflex. litt., 1936, p. 250).
et celle du Dictionnaire culturel en langue française :
[ymanite] n. f. pl. <1671, au sing. 1615, Pasquier ; enpr. au lat. studia humanitadis déb. XVIe s., du lat. class. humanitas "culture">
Didact. et vieilli. 1 Etude de la langue et de la littérature grecques et latines. Faire ses humanités. "Quand j'eus fini mes humanités, mon père me laissa sous la tutelle de monsieur Lepitre : je devais apprendre les mathématiques transcendantes, faire une première année de Droit et commencer de hautes études" (Balzac, Le Lys dans la Vallée).
Langue et littérature grecques et latines (→ lettre). L'étude des humanités greco-latines. "[...] l'étude des lettres antiques, des humanités, lesquelles comme leur nom le dit, enseignent essentiellement [...] le culte de l'humain sous le monde universel" (Julien Benda, La Trahison des clercs).
□ Voir Humanisme
2 Etudes classiques, littéraires, philosophiques. "Rien n'avait bien sérieusement changé depuis 1789 ; la proportion numérique des Français accédant aux Humanités ne dépassait pas de beuacoup, vers 1925, celle des classes privilégiées sous l'Ancien Régime" (Julien Gracq, Carnets du grand chemin).
En Belgique, Etudes secondaires (classiques, modernes ou techniques).
Et pour aller plus loin, voici un article qui pourrait vous intéresser :
Piette, Albert. « De la relation à l’existence : sciences sociales ou sciences humaines », Revue du MAUSS, vol. 47, no. 1, 2016, pp. 257-286.
Bonne journée.