De quand date l'utilisation commune du méridien de Greenwich ?
Question d'origine :
L'utilisation commune du méridien de Greenwich date de quand?
Réponse du Guichet
Le méridien de Greenwich a été désigné comme méridien de référence en 1884 lors de la Conférence internationale du méridien de Washington.
Bonjour,
Le méridien de Greenwich a été désigné comme méridien de référence en 1884 lors de la Conférence internationale du méridien de Washington. Des délégués venus de 25 pays y ont participé et ont voté à une écrasante majorité en faveur de Greenwich comme emplacement du méridien.
Au XIXe siècle, l'invention du télégraphe électrique et l'arrivée du chemin de fer nécessitent d'établir une heure de référence commune à l'ensemble de la planète. La multiplicité des heures locales (chaque ville avait sa propre horloge, dont le midi était repéré par le passage du Soleil au méridien) est devenue un véritable casse-tête pour les exploitants et les usagers, tout particulièrement dans les pays étendus en longitude. La mise en place d'un temps universel, tributaire de l'adoption d'un méridien origine, est débattue au cours des années 1870, lors des congrès successifs de l'Union géographique internationale, à Anvers, Paris, puis Venise.
Le sommet de la grande pyramide de Gizeh, pendant près de quatre millénaires l'édifice humain le plus haut du monde, a ses partisans, de même que Jérusalem, centre du monde chrétien. Des méridiens neutres, choisis sur des critères exclusivement géographiques, ont également leurs adeptes. Le minéralogiste français Alexandre-Émile Béguyer de Chancourtois milite pour un méridien purement océanique ou presque, séparant le Nouveau Monde de l'Ancien. Proche du méridien de Ptolémée, ce demi-cercle fictif passerait à 8° à l'ouest de l'île de Fer, de manière à éviter les terres habitées, et franchirait le chenal de Saint-Michel, dans les Açores. Le géographe Henry Bouthillier de Beaumont, président de la Société de géographie de Genève, plaide, quant à lui, pour un médiateur (l'équivalent de l'équateur pour les longitudes) traversant le détroit de Béring et dont le prolongement « couperait à peu près l'Europe et l'Afrique par le milieu », évitant les capitales et empêchant ainsi toute préséance de l'une d'entre elles.
La majorité des congressistes, toutefois, penche en faveur d'un méridien de référence passant par un observatoire au rayonnement éprouvé et doté de l'équipement adéquat. La septième conférence générale de l'Association internationale de géodésie, réunie à Rome en octobre 1883, fait observer que les éphémérides produites par l'observatoire de Greenwich sont plus nombreuses, ont une diffusion plus vaste et embrassent une surface plus grande que celles de leurs concurrents. Sans exclure totalement d'autres méridiens, la conférence préconise l'adoption du méridien de Greenwich comme origine des longitudes et point de départ du comptage des heures.
Une référence pragmatique
En octobre de l'année suivante, à l'initiative des États-Unis, diplomates et scientifiques de vingt-cinq nations se réunissent à Washington pour statuer définitivement. Le bouillant astronome Jules Janssen est le délégué scientifique de la France, tandis que son collègue John Couch Adams, directeur de l'observatoire de Cambridge, représente le Royaume-Uni. Les Français, conscients des faibles chances du méridien de Paris et soucieux avant tout d'écarter celui de Greenwich, jouent la carte d'un méridien choisi exclusivement selon des critères géographiques. Adams, qui n'est pas dupe de la manoeuvre, fait observer qu'aucune formation terrestre spécifique ne permet de distinguer un méridien d'un autre. Les écarts de longitude entre deux lieux s'obtenant par comparaison des instants de passage d'une même étoile au méridien, la référence doit être un observatoire capable d'assurer, par télégraphe, la comparaison de l'heure à distance.
Le délégué des États-Unis souligne par ailleurs que les deux tiers de la flotte mondiale, dont la marine américaine, utilisent déjà le méridien de Greenwich, largement pris comme référence des cartes marines. En outre, le système de fuseaux horaires de l'ingénieur canadien Sandford Fleming, basé sur le méridien de Greenwich et adopté par les compagnies ferroviaires d'Amérique du Nord l'année précédente, donne pleinement satisfaction. Enfin, l'observatoire de Paris se trouve en plein coeur d'une ville très peuplée, sujette à la pollution et aux glissements de terrain, tandis que l'observatoire de Greenwich se situe à l'écart de Londres, sur une hauteur, au milieu d'un grand parc.
À l'unanimité moins trois voix (la France et le Brésil s'abstiennent, et Saint-Domingue vote contre), le méridien passant par le centre de la lunette méridienne de l'observatoire de Greenwich est consacré méridien de référence.
source : Et Greenwich remit toutes les pendules à l'heure / Marie-Christine de La Souchère, agrégée de physique - La Recherche, no. 560 - lundi 1 juin 2020
Si le Japon adopta l'heure moyenne de Greenwich en 1888, et l'Allemagne en 1893, la France - qui avait attendu 1891 pour imposer l'heure de Paris à l'ensemble de son territoire - n'accepta pleinement les conclusions de la Conférence internationale de Washington qu'en 1911 (obtenant en échange d'accueillir, l'année suivante, le siège du Bureau international de l'heure). Dans les empires coloniaux, de nombreuses résistances s'opposèrent longtemps au temps des colonisateurs. A l'échelle du globe, l'heure universelle n'eut une certaine réalité qu'à partir des années 1930-1940.
source : A quelle heure arrive le train ? / Sylvain Venayre - L'Histoire, no. 497 - vendredi 1 juillet 2022
A lire aussi, ces quelques articles pour en savoir plus :
- GMT : une question de géographie / Christian Grataloup, Géohistorien - L'Histoire, no. 497 - vendredi 1 juillet 2022 651 mots, p. 84
- 1911 : « On a changé l’heure de Paris ! » / Retronews
- Un anniversaire oublié : le choix du méridien origine / Le Monde
- Comment la France adopta l'heure de Greenwich / Jacques Gapaillard - Pour la Science n°401 - 25 février 2011
- Les chemins de fer et l’heure légale / Lucien Baillaud - Revue d’histoire des chemins de fer, 35 - 2006
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